Biographie
Léa Genoud est une travailleuse culturelle et chercheuse basée à Genève. Elle étudie les sciences sociales, l’histoire de l’art et la muséologie à Fribourg, Paris et Heidelberg et termine en juin 2019 un master de recherche en Arts Visuels à la HEAD (option CCC). Durant ses études, elle travaille sur une critique décoloniale de l’histoire impérialiste des musées européens et ses conséquences contemporaines, en questionnant notamment les discours produits par les expositions permanentes des Arts de l’Islam post-11 septembre, à Paris et Berlin, sous la tutelle de Prof. Monica Juneja, puis l’exposition de photographies ethnographiques de Madagascar au MEG. Après différents stages dans des institutions culturelles en Suisse, en Chine et en Allemagne, elle travaille comme assistante curatoriale au sein du centre d’art interdisciplinaire Akademie der Künste der Welt (AKDW) à Cologne. Avec Nora Wiedenhöft, elle co-curate une édition du programme d’éducation alternative de l’AKDW autour des questions de féminismes, utopies/dystopies et mémoires des luttes (Wild things – Sounds and narratives). De retour en Suisse, Léa co-organise différents ateliers et discussions autour des questions d’anti-racisme et des pratiques décoloniales dans les milieux culturels: notamment l’atelier Transmission avec le collectif Afrikadaa à la HEAD, l’atelier Excercising counter-ethnography pour les étudiants du Master CCC, ainsi que la table ronde sur l’appropriation culturelle avec Fatima Wegmann durant le festival Paraponera, organisé par Outrage Collectif au TU. Dès juillet 2020, elle reprend la programmation du TU avec Hélène Mateev.
ISSUE : Comment votre recherche de master s’est-elle développée dans votre pratique actuelle?
Léa Genoud : Comme Seloua Luste Boulbina le dit si bien, le travail de décolonisation ne se fait pas tout d’un bloc mais par « pans, de façon aléatoire » et commence par soi-même. J’ajouterais que c’est un processus et non une fin en soi, un long chemin, pas toujours simple, que j’espère transformatoire et si possible émancipateur. Réaliser ce travail de recherche représente donc une étape, un « pan », qui m’a permis de mieux articuler, avec une liberté que mon parcours universitaire m’avait jusqu’ici toujours refusé, les liens entre mon histoire familiale, mes travaux de recherche précédents en muséologie et une contemporanéité sociale et politique. Même si votre question interroge l’après, il me semble important de revenir ici brièvement sur ce qui a constitué cette recherche pour mieux la situer et souligner l’importance de la continuité avec mon travail actuel. Amorcer une démarche décoloniale, c’est accepter de se situer et se laisser habiter par une lueur critique qui nous guide et nous questionne.
C’est ce même esprit qui est présent dans mon travail de programmation avec Hélène Mateev au TU – Théâtre de l’Usine. Plus concrètement, j’ai la chance de pouvoir désormais travailler avec deux artiste.x.s que j’admire et qui ont grandement inspiré ce travail de recherche : Olivier Marboeuf et Jota Mombaça. Le premier investira le TU avec sa troupe The Living and The Dead Ensemble et leur projet The Wake. Après un premier travail autour de la pièce d’Edouard Glissant Monsieur Toussaint, l’Ensemble explorera le temps d’une veillée les échos nocturnes des mémoires de luttes, de Port-au-Prince à Clichy-sous-bois. Jota Mombaça, quant à iel, nous rejoindra pour un projet de résidence collective intitulé The Radical Abstraction qui abordera des questions de spirualité queer et décoloniale. Iel sera accompagné·e de sa famille artistique composée de Musa Michelle Matiuzzi, Castiel Vitorino Brasileiro, Ventura Profana et Pêdra Costa. Avec ses complices, iels réaliseront plusieurs interventions performatives durant le festival Prodiges et obsessions positives en mai 2021.
Un autre « pan » important de la continuité de cette recherche est le groupe de travail récemment formé autour de la lecture de l’ouvrage Décolonisons les arts ! dont je fais partie. Tous.x.te.s les membres du groupe composé de Kayije Kagame, Hélène Mateev, Manon Saada Russo, Ramaya Tegegne, Camille Tomatala, Gemma Ushengewe et Fatima Wegmann sont actif.x.ve.s comme professionnel.le.x.s de la culture. Ce collectif mixte (à majorité de personnes racisé.x.e.s) est une cellule de réflexion précieuse qui nous permet de prendre le temps d’approfondir des questions d’anti-racisme et des perspectives décoloniales dans nos pratiques ainsi que de partager des moments publiques comme lors du week-end Rupture : dissocier, transformer, (dé)construire les récits en octobre 2019 au TU. Actuellement, nous nous lançons dans un nouveau projet de recherche collectif, notamment financé par Pro Helvetia, qui questionnera la blanchité des institutions culturelles, en Suisse et ailleurs. C’est une force et une chance d’être entouré d’artistes et chercheur.x.eus.e.s aussi inspirant.x.e.s.