Anti-work mode

In this article, Aude Fellay examines critiques of work in fashion, and of work more broadly, in the light of the concept of ‘the refusal of work’, and the call for it, as formulated by the American researcher and anti-work activist Kathi Weeks in The Problem with Work: Feminism, Marxism Antiwork Politics, and Postwork Imaginaries (2011). While critiques of work in fashion have so far produced reformist impulses, some of which they claimed for themselves, Weeks’ conceptual framework of postwork imaginaries allows for a more radical impulse, and, on the horizon, a more desirable world.

This article is part of the @fashion_colloquialism research project led by Aude Fellay and Émilie Meldem at HEAD – Geneva (HES-SO).

Une pléthore de mèmes, un même grief : en dépit des apparences, travailler dans la mode est souvent synonyme d’une certaine précarité. À l’origine de ces plaintes, la classe pourtant privilégiée des travailleu·r·se·x·s de la mode : designers, stylistes, mannequins. Des travaux se sont penchés sur leur cas ; des médias se sont emparés de la question1. Le constat qu’ils posent est celui d’une précarisation du travail consentie au nom de l’expression de soi et pour un bout du « rêve2 ». La tâche serait donc à la « déglamourisation » non pas du travail, mais du travail dans la mode3. Mon objectif ici est différent : il s’agit de réexaminer ces critiques et, plus largement, le travail dans la mode, à l’aune du concept et de la demande d’un rejet du travail (« the refusal of work ») tel que formulé par la chercheuse américaine et militante anti-travail Kathi Weeks dans The Problem with Work: Feminism, Marxism Antiwork Politics, and Postwork Imaginaries4. Et si en plus d’exiger de pouvoir vivre décemment de son travail aujourd’hui, nous contestions simultanément l’impératif capitaliste qui consiste à vendre notre force de travail pour subvenir à nos besoins élémentaires ? Et si nous contestions le fait que le travail salarié et son corollaire – l’institution de la famille – conditionnent nos subsistances ? Pour Weeks, l’entreprise suppose, en premier lieu, une critique de la valeur morale du travail. Complications plus ou moins majeures : le travail créatif est déjà une voie de sortie. Il est le choix que l’on fait pour s’extirper de l’ennui anticipé d’un travail de bureau à horaire fixe. De plus, les critiques du travail créatif le soulèvent, le rejet du salariat est précisément ce qui expose les métiers créatifs à leur précarisation. Il n’empêche, si le travail créatif connaît ce que Leigh Claire La Berge nomme une démarchandisation5 sous la forme d’une dégradation des rémunérations et le large usage du travail gratuit, l’éthique du travail n’est pas moins présente au sein des milieux créatifs. Elle survit par ailleurs à la dénonciation de conditions de travail précarisantes. Sans une critique de l’idéologie du travail ou dans les termes de Weeks, de son éthique, le risque est ce que le philosophe Jason Read nomme « une solidarité négative6 » : un attachement collectif au travail sur la base des souffrances qui sont endurées en son nom. Aux critiques du travail créatif, et du travail dans la mode en particulier, j’adjoins donc ici une critique de l’éthique du travail (créatif). Je m’interroge également, très brièvement, sur les effets du capitalisme tardif sur la notion de travail et la critique de son éthique. Enfin, je tente de délimiter l’utilité de la critique de Weeks pour la mode. Si les critiques du travail dans la mode ont produit jusqu’ici des élans réformateurs, s’en revendiquant parfois, le cadre conceptuel des imaginaires post-travail de Weeks permet un élan plus radical et à l’horizon, un monde plus désirable.

Fig. 1 À l’évocation du mot « travail créatif » prime, auprès des étudian·te·x·s en art et design, un sentiment de désillusion face à la charge de travail qu’il constitue et la maigre voire l’absence de rémunération qui l’accompagne.

 

Giulia Mensitieri + Angela McRobbie

En 2018, paraît avec grand bruit « Le plus beau métier du monde ». Dans les coulisses de l’industrie de la mode de l’anthropologue Giulia Mensitieri. L’ouvrage est le résultat d’une enquête en immersion dans les backstages de l’industrie de la mode. Celle qui figure dans les pages de Vogue, Dazed et celle qui y aspire. Mensitieri met au jour, derrière la façade de rêve, une précarité de l’emploi : des stylistes en Chanel sans un rond pour le loyer. Un « régime d’exploitation et de domination7 » enduré pour la double promesse de la création – gloire et liberté – et un peu du glamour de la mode. Le jugement est sans appel : travailleu·r·se·x·s, réveillez-vous ! Plus de vingt ans auparavant, la sociologue Angela McRobbie établissait un constat similaire de l’autre côté de la Manche. Avec British Fashion Design: Rag Trade or Image Industry?8, McRobbie posait la première brique à l’édifice d’une théorie du travail culturel, parachevé en 2016 avec Be Creative: Making a Living in the New Culture Industries. Elle y documente et éclaire les effets et logiques qui président à la « mise au travail » de la créativité en tant que « ressource unique » échangeable sur le marché du travail9, compétence transmissible à démocratiser10 et don « naturel » à récompenser11. McRobbie se penche notamment sur la Grande Bretagne du New Labour de Tony Blair, proche de l’influent théoricien américain et chantre de l’économie créative Richard Florida12. Elle décèle les effets de ce qu’elle nommera le « dispositif de la créativité13 » au sein, d’abord, des formations de mode : la confection et ses réalités industrielles sont rétrogradées au profit d’un modèle artistique dont la promesse est l’expression de soi. Les designers britanniques John Galliano et Alexander McQueen, érigés à la tête de grandes maisons de luxe françaises à la fin des années 1990, seront faits les symboles de sa réussite. Derrière ces « succès » (on sait la fin de carrière tragique de McQueen et les déboires judiciaires de Galliano pour insultes racistes), se cachent en réalité une foule de designers à l’emploi précaire, autoentrepreneurs, persuadé·e·x·s que leur heure de gloire viendra. La créativité sert, dans les mains du pouvoir politique et économique, d’« instrument de dé-prolétarisation », dont le principal effet est « d’éliminer l’idée de droits sociaux dans le travail en éclipsant complètement l’emploi normal14 ».

 

Bad work, good work

 Si Mensitieri s’intéresse en particulier « aux dynamiques d’exploitation et d’auto-exploitation » des travailleur·euse·x·s dont les productions sont « immatérielles », et McRobbie, dans Be Creative, au dispositif politique que constitue la créativité, les deux chercheuses se rejoignent sur la nécessité pour les travailleu·r·se·x·s de la mode de se « désenvoûter ». En effet, dans Be Creative, McRobbie avance la nécessité d’une « dévalorisation radicale du travail créatif » (« the radical downgrading of creative work »). Arrêtons, en d’autres termes, de faire des métiers créatifs des carrières désirables. Par ailleurs, en faire un métier comme les autres, permettrait à ses travailleu·r·se·x·s de se concevoir travailleu·r·se·x·s plutôt qu’artistes, et ainsi de faire valoir leurs droits. Pour Mensitieri, la surexposition médiatique de la mode aveugle ses travailleu·r·se·x·s présent·es et futur·es sur les réalités de ces métiers. Pour qu’émerge une résistance collective aux conditions qu’elle produit, un éveil est nécessaire : « Un projet politique commun à tous ces sujets hétérotopiques et tous ces archipels d’exceptions reste à inventer. Sans doute faudra-t-il, pour y parvenir, se “désenvoûter” du rêve et du glamour…15 »

Notons que les désirs et les réalités sociales qui poussent au choix d’un métier créatif sont pris très au sérieux. McRobbie s’intéresse en particulier aux travailleuses créatives, dont le choix de carrière est le fruit d’un désir d’émancipation animée par la volonté de « surmonter les limites imposées à la vie de leurs parents (ou de leurs mères)16 ». Cette « fuite » produit en réalité une précarisation des parcours et une dissolution des liens sociaux. Ainsi pour McRobbie, « le travail passion est intrinsèquement individualiste et conservateur17 ». Elle « désenchante » donc les perspectives enthousiastes des penseurs qui tendent à investir le travail « immatériel » d’un potentiel critique. Mensitieri se défend quant à elle de toute forme de moralisation (fig. 2) en soulignant que ce qui est dénoncé est la manière dont le capitalisme « capture » nos désirs, dont celui de s’émanciper du travail18. La quête est fallacieuse parce qu’en réalité le travail et les formes d’exploitation et de domination qu’il produit sont partout, permises et amplifiées précisément par l’idée que le travail créatif ne serait pas travail mais « passion ». Le constat qu’établissent sous différentes formes les deux chercheuses est qu’au sein des industries créatives et en particulier de la mode, le travail se trouve libéré non pas de sa dimension de labeur mais bien des garde-fous qui encadrent habituellement les relations de travail. Au nom de la « créativité » du travail et du glamour de la mode, sont normalisées l’absence de rémunération ainsi que de nombreuses formes de violences psychologiques. Pour Mensitieri, « l’exceptionnalité des produits » que la mode produit permet bien « “l’exceptionnalisation” des conditions de travail19 ».

Malgré des intentions contraires, il est difficile de se défaire du sentiment que l’appel à désenvoûtement moralise les parcours de vie20. Plus fondamentalement, la critique du travail créatif profite ici au travail en tant qu’institution sociale et économique. Sauvé des mains de la mode, le travail se trouve, chez McRobbie en particulier, (re)valorisé par la réhabilitation du salariat contre « l’entreprécariat21 » d’une part et en louant, d’autre part, les mérites d’une « éthique du travail bien fait » que convoque la figure de l’artisan. Enfin, si le recadrage du travail créatif est essentiel, il ne règle pas la question de la subsistance. Le travail non-rémunéré qui a cours dans de nombreux studios indépendants témoigne de la difficulté – let’s be honest, l’extrême difficulté – de vivre de la mode en dehors de marques moyennes et grandes. On peut se demander ici si la quête légitime d’une stabilité financière ne sert pas, en fin de compte, les conglomérats qui régissent l’industrie de la mode. Enfin, si l’on suit la théoricienne des médias McKenzie Wark, les spécificités du capitalisme contemporain compliquent « l’inversion du tournant néolibéral22 » vers lesquels tendent selon elle les travaux de McRobbie.

Fig. 2 « No Money in My Prada Purse », entretien entre la journaliste Aya Noël et Giulia Mensitieri à propos de l’ouvrage de cette dernière.

 

Rêver d’un bon travail

Il y aurait chez McRobbie une nostalgie pour le travail et les formes d’activisme que le régime néolibéral tend à démanteler (l’institution syndicale par exemple). Le corollaire : une inclination à défendre la dignité du travail « ordinaire » ou de l’ombre (les « petites mains » chez Mensitieri23). Modelé sur la figure du travailleur « artisan » promu par le sociologue Richard Sennett24, le travail, chez McRobbie est à certains égards antidote. Dans l’esprit d’un déclassement radical de la créativité, elle souhaite aux travailleu·r·se·x·s créati·f·ve·x·s de trouver dans l’idée du « travail bien fait » (« a good job well done ») un objectif, certes modeste, mais à même de les combler, en les encourageant à considérer des issues professionnelles moins glamours mais plus stables, enracinées dans leur localité. Elle nous enjoint donc à (quiet) quitter le rêve et ré-enchante l’idée du travail bien fait comme une fin en soi, à ceci près qu’elle sert ici à promouvoir des métiers à vocations sociales comme une orientation possible et désirable de la création.

Wark décèle dans le diagnostic posé par McRobbie et les remèdes suggérés une faiblesse conceptuelle propre à peu près tou·x·te·s les auteu·r·e·x·s dont elle décortique le travail dans General Intellects puis Sensoria25 : une tendance à faire du capitalisme une essence aux « apparences changeantes, mais qui reste éternellement la même26 ». Wark, à propos de Be Creative :

“Creative work has become separated from ordinary labor, but does it follow as McRobbie thinks that it is thereby depoliticized? Maybe there’s another kind of politics for something that is not exactly labor. It is the case that a wedge was driven between creative labor and other kinds, thereby weakening social-democratic politics. But perhaps the strategy is not then to bring the former back into the latter. McRobbie sometimes sounds as nostalgic as Sennett, if not exactly for the same image of the past. Rather than a neoliberal vocabulary of the entrepreneur, or the old social-democratic one of industrial labor, perhaps it is time to think of another one that might more accurately map onto the class formations of our time. Rather than reverse the neo-liberal turn, let’s take a new turn27».

Wark évalue les conclusions de McRobbie par le prisme de l’idée qu’elle défend depuis The Hacker Manifesto28, selon laquelle est apparue au-dessus de la classe des capitalistes une classe dominante supérieure, « la classe vectoraliste ». Elle serait le produit « de transformations dans les forces de production » permises par les technologies de l’information29. Wark étoffe en quelque sorte l’adage premier des media studies30 en pointant vers le « surplus d’information » collecté par des Facebook ou Google (les fameux « vectoralistes ») sur la base des services « gratuits » mis à disposition par ces plateformes.« L’expropriation31 » opérée par le capitalisme de plateforme serait plus totalisante : « Not just our labor, not just our leisure – something else is being commodified here: our sociability, our common and ordinary life together, what you might even call our communism32 ». Elle prolonge celle du travail postfordiste qui produit et requiert la dissolution de la frontière entre la sphère du travail et celle du « non-travail » par sa nature « cognitive » et/ou « affective ». Le modèle fordiste apparait « désirable » en comparaison, au sens où le travail (« productif ») y prenait fin et que, crucialement, la conscience et l’action politique collective des travailleu·r·se·x·s permirent d’arracher des concessions du capital.

L’expansion de la sphère productive sous le régime de l’information signale, pour Wark, la nécessité pour les critiques du travail de s’équiper d’une théorie des médias et d’embrasser un marxisme « vulgaire33 ».L’appropriation de son temps serait donc le fait de deux classes dominantes sensiblement différentes bien que leurs effets sur nos vies semblent se confondre et donner lieu à un état d’épuisement permanent. C’est précisément autour de la question du temps et de son appropriation « augmentée » que s’est vu ravivé, au moment de la pandémie notamment, l’intérêt pour l’anti-travail et les demandes formulées en ce nom (un revenu de base par exemple)34. Il faudrait donc envisager la question du travail de concert avec l’extraction rendue possible par les technologies de l’information, tout en se gardant d’y voir une rupture. L’expérience nouvelle de l’épuisement des classes dominantes fait courir le risque d’une invisibilisation plus grande encore de l’épuisement continu des travailleu·r·se·x·s « invisibles », racialisé·e·x·s et féminisé·e·x·s, pour lesquel·le·x·s, rappelle François Vergès, l’épuisement est « condition d’existence35 ». Elle semble par ailleurs intensifier l’obsession des classes supérieures pour le « bien-être », animées par l’objectif d’une productivité plus diffuse mais bien présente, aussi bien dans les projets entrepreneuriaux écologisants qui en émergent que dans la médiatisation permanente d’un mode de vie conçu comme moralement supérieur36.

Si l’extraction opérée par les vectoralistes se passe pour partie du salariat, elle est tributaire d’un même ethos : notre propension à embrasser une forme de productivité et à y déceler un caractère moral en soi.

 

Kathi Weeks

Les travaux de Mensitieri et McRobbie servent à détourner les désirs du travail dans la mode, rappelant en quelques sortes qu’elle est bien l’enfant chéri du capitalisme. Ils permettent de lever le voile sur les réalités du travail au sein de l’industrie de la mode, une étape essentielle, seulement le « rêve » de la mode n’est pas le seul à l’œuvre. La critique qu’élabore Weeks nous détourne d’abord du travail et donc évite l’écueil qui consiste à sauver un « mauvais » travail par un « bon » travail ou plus précisément, à s’en satisfaire. En alliant les critiques du travail à la critique de l’idéologie du travail, il est possible d’envisager un horizon dans lequel le refus du travail ne consiste pas en un acte individuel, un choix de carrière tourné vers les industries créatives, mais bien un geste à destination de la transformation collective de nos vies. Sans horizons, sans une critique du travail tout court, la critique du travail dans ses particularités, a pour effet, paradoxalement, la fétichisation de la productivité, sans direction aucune que sa valeur en soi37.

C’est donc à l’éthique du travail (« the work ethic ») que s’intéresse Kathi Weeks dans les pas du sociologue Max Weber. L’Éthique protestante et L’Esprit du capitalisme (1904) complète l’analyse marxienne en s’attelant à « la construction des subjectivités capitalistes », à ce qui façonne et assure, « la participation de sujets exploitables38 » à l’entreprise du capitalisme. La valeur morale du travail façonnée par le protestantisme en constitue la pierre angulaire. La dévotion au travail y apparaît constitutive de ses doctrines39. Chez Calvin, l’engagement au travail servirait à apaiser l’anxiété causée par une « mobilité dans l’au-delà40 » scellée d’avance, et donc à se convaincre par le travail d’en être digne. Il est alors une fin en soi : il ne s’agit plus de travailler pour vivre mais bien de vivre pour travailler. Et c’est précisément cette orientation envers le travail, « sa non-instrumentalité » au sens où il n’a plus pour seule vocation la satisfaction de besoins matériels, qui en fait un « stimulant important du développement capitaliste41 ».

Weeks prolonge, dans un premier temps, son analyse pour le XXe et XXIe siècle en se penchant sur les promesses dont le travail est investi dans le contexte nord-américain : la promesse, d’abord, d’une mobilité sociale sous le fordisme, puis de l’expression et de la réalisation de soi sous l’ère postfordiste. L’éthique, sous ses différentes itérations, (re)produit des individus prêts à vivre pour le travail, consentant aux formes d’exploitation et de domination que le travail produit et constitue en premier lieu. En effet, la critique de Weeks n’est pas une critique du capitalisme depuis le travail et ses conditions (« a critique of capitalism from the standpoint of labor ») mais bien une critique du travail au sein du capitalisme (« a critique of labor in capitalism »). Weeks fait un pas en arrière en interrogeant d’abord la mise au travail exigée par le capitalisme et replace le travail et son éthique au centre de sa critique en s’appuyant sur la tradition marxiste autonome à l’origine du concept et de la demande d’un rejet du travail. Marx said it first : le travail est l’édifice premier des relations capitalistes et c’est de cette (ré)interprétation de travaux de Marx qu’émerge le concept de rejet du travail que Weeks explore dans un second temps :

« [W]ork – not private property, the market, the factory, or the alienation of our creative capacities – is understood to be the primary basis for capitalist relations, the glue that holds the system together. Hence, any meaningful transformation of capitalism requires substantial change in the organization and social value of work.42 »

Antonio Negri le répète en backcover : « the real liberation of labor must be a liberation from labor ». Weeks s’y rallie et s’attaque donc aussi « au spectre » de la productivité qui « hante », pour reprendre les mots de Jean Baudrillard, « l’imagination révolutionnaire » et insiste sur la nécessité critique et la cohérence conceptuelle d’une critique de l’éthique du travail43. Pour Weeks, l’utilité du concept que constitue le rejet du travail réside précisément dans le fait qu’il sert à contester non pas simplement l’organisation du travail, mais bien aussi son idéologie.

Sa critique excède la sphère productive du travail salarié, cible première des critiques marxistes du travail et au cœur du récent enthousiasme pour les perspectives anti- ou post-travail44. Il est décentré, en effet, par les traditions marxistes féministes que Weeks mobilise, dont le mouvement Des Salaires pour le Travail ménager (Wages for Housework) et l’ouvrage fondateur de Mariarosa Dalla Costa et Selma James45. En insistant sur la qualité « productive » du travail ménager, leurs travaux extraient l’analyse du capitalisme de l’usine pour y inclure la sphère privée et féminisée, où est reproduite, gratuitement, la force de travail. Crucialement pour Weeks, en plus de l’exigence d’une reconnaissance du travail ménager par l’instrumentalisation du salaire, Des Salaires pour le Travail ménager refuse simultanément la valeur morale du travail, qu’il soit rémunéré ou non. Autrement dit, les termes du travail sous le capitalisme y sont intégralement rejetés puisque sont contestées non seulement son organisation, dans ses dimensions productives et reproductives, mais aussi l’éthique qui façonne « ses sujets productifs ». L’éthique du travail irradie au-delà des sphères conçues comme productives. Elle n’est donc pas moins présente au sein des champs créatifs qui se conçoivent au-dessus ou en marge du travail et de ses formes traditionnelles, bien au contraire.

 

Mode et (éthique du) travail

La mode est travailleuse. Pour les travailleu·r·se·x·s de la mode, étudiant·e·x·s compris·e·x·s, le surtravail est une réalité mais aussi le sceau de son appartenance au champ professionnel de la mode. Le travail, ou plutôt son excès au service d’une passion, y semble légitimer sa place. La dénonciation de cet état de fait, sur les réseaux sociaux notamment, apparaît alors en partie performative : il élève son aptitude au travail en critère d’appartenance. Le statut fragile de la mode auprès du grand public et de ses disciplines voisines au sein des écoles d’art et de design y contribue sans doute : la mode compense son apparente futilité en brandissant les efforts et sacrifices qu’elle requiert. C’est une stratégie par ailleurs assumée des grandes maisons du luxe. Par la médiatisation régulière du travail que nécessite la création de collections de haute couture notamment, elles mettent en scène leurs savoir-faire en insistant sur la durée de ce travail hautement qualifié (mais modestement rémunéré) qui justifieraient par effet de trickle-down les marges du luxe sur les marchandises qu’elles produisent et vendent en masse. Le travail y est symboliquement fétichisé mais financièrement sous compensé, grâce à la rémunération que constituerait en lui-même le travail « passion » et, comme le démontre Mensitieri, sa proximité au rêve. La passion n’est d’ailleurs pas le propre des travailleu·r·se·x·s « créati·f·ve·x·s ». Devant les caméras, les « petites mains » sont amenées à se confier sur leur passion intacte, parfois vieille de plusieurs décennies. Si les « petites mains » sont bien « exclues46 » du monde social de la mode, elles participent à produire la mode symboliquement – et gratuitement – par la médiatisation de leur travail. « Contenu » prisé, l’immersion en atelier à la Loïc Prigent, révèle l’aura qui entoure à la fois un travail ennobli à l’évocation du « savoir-faire exceptionnel » dont il est la marque et le « simple » labeur dans sa dimension de sacrifices. En effet, la nature éreintante et le caractère répétitif du travail, ainsi que la pression dont sont victimes les travailleu·r·se·x·s sont fièrement exposés à l’écran, sans arrière-pensée (fig. 3 et 4). Ils sont là pour témoigner de l’éthique de ces travailleu·r·se·x·s, en apparence corps et âme dédié·e·x·s au moment mystique de la « transmutation47 » de leurs efforts par la médiatisation éphémère mais sans commune mesure de leurs productions. Maigre récompense à vrai dire rappellent les travailleu·r·se·x·s concerné·e·x·s48.

 

Fig. 3
Fig. 4 « Immersion » dans les ateliers Haute Couture de la maison Balenciaga avec le journaliste Loïc Prigent, dans laquelle cohabite labeur, douleur et beauté.

 

Pour les travailleu·r·se·x·s occupé·e·x·s à conceptualiser et mettre en images les objets de mode, l’histoire est un peu différente. Ielles sont bien parties prenantes du monde social de la mode. L’aura de cette appartenance aux yeux du public, permet de faire valoir, au sein du champ professionnel, l’argument de « la chance d’être là49 » en dépit de la nature du travail et de ses conditions. S’y ajoute la promesse d’une mobilité sociale au sein du monde de la mode ; son extrême hiérarchisation et les inégalités salariales qui le structurent, contribuent à l’idée qu’un jour son tour viendra et que les sacrifices paieront, assurant ainsi l’engagement sans précédent de ses travailleu·r·se·x·s. « La condition d’accès au monde de la mode est la dévotion totale50 », conclut Mensitieri. Il faudrait préciser ici que cette dévotion s’applique au rêve comme au travail. Sans la croyance que ce dernier peut délivrer ses promesses de mobilité créative, il n’est pas certain que les imaginaires de la mode parviennent à eux seuls à assujettir leurs sujets. C’est l’enchevêtrement de l’éthique du travail à l’ethos de la créativité qui fait de la mode un monde où se côtoie burn-out et beauté. Le film The Devil Wears Prada (David Frankel, 2006) le met en scène de manière éloquente (fig. 5).

Fig. 5 Andrea Sachs (Anne Hathaway) dans The Devil Wears Prada : l’industrie de la mode est jetée à l’eau. Le personnage y aura pourtant prouvé sa disposition au travail.

 

Le film, starring Meryl Streep et Anne Hathaway, illustre l’articulation toxique de ces deux éléments tout en les décorrélant dans les dernières minutes du long métrage en plaçant l’éthique du travail au cœur de sa morale. On y voit donc Andrea Sachs (Hathaway) jeter dans une fontaine parisienne le portable qui la soumet aux demandes excessives de Miranda Presley (Streep), l’éditrice en chef de Runway librement inspirée d’Anna Wintour. Après avoir consenti à la cannibalisation de sa vie au service de Presley, compromettant sa vie privée et se mettant à dos ses collègues, Sachs finit par se détourner de la mode. Le film aurait pu se terminer ici. Au lieu de cela, il se conclut sur la surprise puis le soulagement de Sachs à la lettre de recommandation que Presley a soumise à son futur employeur. « You must have done something right », commente ce dernier. Le film l’a documenté en long et en large : ce something right est son aptitude au travail. L’abandon de Sachs est racheté par sa productivité et sa mise à profit d’une carrière désirée (au détriment de celle désirable d’une carrière dans la mode). Le voile de la mode levé, reste l’illusion du travail : sa valeur morale en soi d’une part et sa force « émancipatrice » d’autre part, c’est-à-dire dirigée à des fins d’émancipation personnelle lorsqu’il est « passionnel ». Ce qui sauve Andrea aux yeux de Miranda est bien son éthique du travail. En retour, celle-ci sauve partiellement le monde de la mode, ou du moins le personnage de Miranda, l’extrayant de la caricature pour en faire une travailleuse acharnée dont les demandes abusives sont partiellement justifiées par sa propre capacité au travail.

Fig. 6-7 Reprenant à son compte l’instant viral des Beckham dans lequel le couple de stars débat de leurs origines sociales, @antwerpmemedepartement relève à la fois les inégalités qui façonnent l’industrie de la mode et son hypocrisie. Image récurrente : l’état d’épuisement permanent des étudiant·e·x·s en design mode.

 

Le même phénomène est à l’œuvre dans les mèmes qui dénoncent les sacrifices que requiert la mode à l’instar du compte géré par des étudiant·e·x·s (ou ex-étudiant·e·x·s) de l’académie d’Anvers @antwerpmemedepartment51. Ce qui frappe est à la fois une conscience aiguisée des inégalités et des formes d’(auto)-exploitation que le système rejoue et renforce (fig. 6) et, de l’autre, une solidarité qui semble précisément se constituer autour d’une même éthique du travail (fig. 7). En effet, les aspirations auxquelles donne lieu le « rêve » de la mode sont au centre de l’auto-critique à laquelle se prête le compte : y est dénoncée la naïveté de tou·x·t·e·s aspirant·e·x·s designer (fig. 8), rachetée seulement par une éthique du travail à laquelle fait référence un grand nombre de mèmes imageant un épuisement permanent qui apparaît à la fois noble lorsqu’il est le fruit des longues heures passées à travailler à sa collection, et absurde puisque les sacrifices que ce travail implique ne seront probablement pas (ré)compensés. En effet, de nombreux mèmes évoquent la démarchandisation du travail et le large recours au « stage » non rémunéré (fig. 9). Pour autant, en faisant du travail « long and hard » la marque des travailleu·r·se·x·s de la mode en dépit des conditions dont ielles sont au fait, l’éthique du travail s’en trouve renforcée. If all fails, la moralité du travail en lui-même semble servir de rédemption. Par ailleurs, à la démarchandisation du travail à laquelle ces étudiant·e·x·s font face, s’ajoutent les remontrances de leurs proches quant à un choix de carrière peu viable (fig. 10). Ce qui possède tous les attributs du travail ne reçoit pourtant pas de salaire : dans la bouche de parents agacés, la mode est alors « hobby ». Il semblerait ici que son déficit économique et donc symbolique en tant que travail est compensé par la médiatisation des efforts qu’elle requiert afin d’en signifier sa valeur, malgré tout52. En somme, l’éthique du travail survit à la dénonciation des formes d’(auto)exploitations qui ont court ; elle alimente la démarchandisation du travail, sous la forme du travail « passion », comme elle en constitue son lot de consolation. Les critiques du travail dans la mode que ces mèmes formulent apparaissent alors, à la manière des « lieux et initiatives non capitalistes » investis par la petite bourgeoisie culturelle face à l’enjeu environnemental, « comme des refuges ou comme des offres de salut éthique, professionnel et symbolique que comme instrument de changement politique53 » puisque s’y trouve (re)valorisée sa capacité au travail. À l’image de l’éthique protestante, il semblerait que l’éthique du travail apaise l’angoisse d’un destin créatif partiellement scellé.

Fig. 8-9 Les mèmes participent à la dénonciation du « rêve » de la mode et du travail démarchandisé dont profite l’industrie et servent, dans le même temps, à la visibilisation d’une éthique du travail qui semble servir de rédemption.

 

Fig. 10 Autre mème emblématique du compte : l’incompréhension de ses proches à l’égard de son choix de carrière et en particulier l’équation (sur)travail et absence de salaire.

 

Rêver plus

À la dénonciation des rapports d’exploitation et de domination que le « rêve » de la mode exacerbe, il convient donc de prêter attention à la fonction idéologique du travail et en particulier à la manière dont s’articulent éthique et démarchandisation du travail. Et cela non pas simplement pour exiger la rémunération de son travail, mais bien pour se défaire de sa valeur morale. L’entreprise de Weeks ne nie pas l’utilité des critiques visant un champ professionnel en particulier, ni des revendications qui en émergeraient, dont la nécessité de réclamer le terme de « travail ». Néanmoins, en réorientant l’analyse vers la catégorie elle-même, la nature du travail perd en importance : « what you do is not the problem54 ». L’horizon collectif n’est donc pas non plus celui d’une classe de travailleu·r·se·x·s en particulier. Weeks s’applique moins à définir cet horizon qu’à déterminer les conditions cadres de son invention collective. La chercheuse est attachée en particulier au concept de liberté (« freedom ») dans son appréhension féministe : il définit « une pratique et non une possession, un processus plutôt qu’un objectif55 ». Celui-ci comprend un refus d’une part, ou dans les mots de Wendy Brown, « une lutte permanente contre ce que l’on fera de nous et pour nous56 » ; et d’autre part, une pratique créative qui consiste à « générer ensemble des avenirs plutôt que de naviguer ou de survivre à ces derniers57 ». Cette dernière exige du temps : le recouvrer des mains du capitalisme est donc une étape essentielle mais pas une fin en soi. Comme le notent les chercheu·r·se·x·s Helen Hester et Nick Srnicek, une société post-travail n’est qu’un « des objectifs souhaitables58 ». Y aspirer engage la question du désir – que désirons-nous pour nos vies ? – ainsi que les enjeux politiques collectifs qui excèdent la seule question du travail et appellent à l’articulation des luttes de justice sociale. Après tout, les projets d’entreprises telles qu’Open AI (à l’initiative de Chat GPT) dont l’artiste Hito Steyerl dénonce les pratiques (crypto)-coloniales, sont conçus par leurs géniteurs précisément comme « un premier pas vers l’instauration d’un revenu de base universel mondial, partageant la richesse générée par l’IA avec celle·s·eux qu’elle rendrait inutiles59 ». Une politique post-travail ne peut donc être qu’une politique non capitaliste et décoloniale, et donc permettre aussi, dans les mots de Vergès, au « temps des soins et du nettoyage décoloniaux (pour la réparation)60 » de prendre place. Les imaginaires post-travail ne sont pas dépourvus d’activités.

La critique du travail portée par Weeks appelle une forme de « ré-enchantement » au sens où elle nous enjoint à désirer davantage pour nos vies. Elle a le mérite d’insister, et c’est précisément à ses yeux l’intérêt d’un revenu de base « vivable », sur « les possibilités de sujets riches en désirs et besoins61 ». Elle nous enjoint à considérer un tel revenu non pas comme une compensation pour « la production commune de valeurs mais de la reproduction commune de la vie62 ». Weeks marque donc une différence avec les politiques dont le leitmotiv est « work harder and want less63 » (ibid.). Le « projet politique commun » que Mensitieri appelle de ses vœux est donc peut-être précisément à formuler à l’endroit d’un rejet du travail – ou plus crucialement de son idéologie – comme l’un des enjeux d’une politique du désir qui échapperait à la solidarité négative que son industrie, comme le travail, produit.

À la question « What’s your dream job? », envisageons d’y répondre, premièrement, par « [we] do not dream of labor 64 ».

 

 

Notes

  1. 1 Granary, le média de mode britannique, traite régulièrement de la précarité des conditions de création, des jeunes designers en particulier.
  2. Le terme est central à la critique qu’élabore l’anthropologue Giulia Mensitieri à l’encontre de la mode et de ses effets sur le travail. Elle qualifie les imaginaires façonnés par l’industrie de la mode dans lesquels se mêlent « la beauté, le luxe, les fastes, la créativité, les excès, le pouvoir et l’argent » et le processus à l’œuvre dans leur production, soit « une transformation de la nature et du statut des choses aussi bien que des personnes » par le biais de la production d’images. Giulia Mensitieri, « Le plus beau métier du monde ». Dans les coulisses de l’industrie de la mode, Paris, La Découverte, 2018, p. 12-13 et p. 41.
  3. Les idées développées ici sont le fruit d’un séminaire que j’ai conduit sur la mode et l’anti-travail. Je souhaite remercier les personnes qui y ont pris part et qui contribuent à la richesse de ces débats. Merci à Katherine Bautista, Jevica Rebetez, Jennate Laamyem, Paul Mégroz, Yaëlle Valenzuela, Marie Aebischer, Idalécio Pereira Silva Junior, Mathilde Valint, Vincent Delobelle, Sahara Azzeg, Noa Toledano, Omar Amorim-Esenli, Madj Zarour Eddin, Tanguy Mélinand, Romy Yedida, Ewen Danzeisen, Elisa Wyss et Bérénice Courtin. Merci également à Faye Corthésy.
  4. Kathi Weeks, The Problem with Work: Feminism, Marxism Antiwork Politics, and Postwork Imaginaries, Durham/Londres, Duke University Press, 2011.
  5. Leigh Claire La Berge, « Le travail démarchandisé : conceptualiser le travail après le salaire », Ouvrage, Canada, 1er mai 2020. En ligne : https://www.revue-ouvrage.org/le-travail-demarchandise-conceptualiser-le-travail-apres-le-salaire/.
  6. Jason Read, The Double Shift: Spinoza and Marx on The Politics of Work, Londres/New York, Verso, 2024.
  7. Giulia Mensitieri, op. cit., p. 170.
  8. Angela McRobbie, British Fashion Design: Rag Trade or Image Industry, Londres, Routledge, 1998.
  9. Angela McRobbie, Be Creative: Making a Living in the New Culture Industries, Cambridge, Polity Press, 2016, p. 47.
  10. Dont seul le Nord global et ses grandes capitales seraient en possession. Voir à ce sujet Christina H. Moon, Labor and Creativity in New York’s Global Fashion Industry, New York, Routledge, 2020.
  11. La contradiction se trouve au cœur des travaux de Richard Florida, premier cheerleader de l’économie créative, comme le souligne ici Laikwan Pang : « In this sense, Florida’s work contains a hidden tension in his formulation of the creative class, as he argues that creativity is both intrinsic to all, a biologically and intellectually innate characteristic in all human beings, and realized only selectively », Laikwan Pang, Creativity and Its Discontents: China’s Creative Industries and Intellectual Property Rights Offenses, Durham/Londres, Duke University Press, 2012, p. 60.
  12. Richard Florida, The Rise of the Creative Class: And How It’s Transforming Work, Leisure, Community and Everyday Life, New York, Basic Books, 2002.
  13. Elle emprunte le terme de « dispositif » à Michel Foucault : « Foucault describes the dispositif as “a thoroughly describes heterogenous ensemble consisting of discourses, institutions, architectural forms, regulatory decisions, laws, administrative measures […] the system of relations that can be established between the elements” (Foucault 1980, p. 194) », Angela McRobbie, Be Creative, op. cit., p. 38.
  14. « I argue that the call to be creative is a potent and highly appealing mode of new governmentality directed to the young in the educational environment, whose main effect is to do away with the idea of welfare rights in work by means of eclipsing normal employment altogether », ibid., p. 14.
  15. Giulia Mensitieri, « Le plus beau métier du monde », op. cit., p. 272.
  16. Angela McRobbie, Be Creative, op. cit., p. 98. Toutes les traductions, sauf mention contraire, sont de l’autrice.
  17. Ibid., p. 107.
  18. Giulia Mensitieri, op. cit., p. 101.
  19. Ibid., p. 179.
  20. Plus prégnante et assumée chez McRobbie: « When I commented on the shallowness of party management work, she [a student] agreed that a socially valuable job with, let us say, disadvantaged youngsters, would be something to consider, but not for the present », Be Creative, op. cit., p. 150-151.
  21. Silvio Lorusso, Entreprécariat: Everyone is an Entrepreneur, Nobody is Safe, Eindhoven, Onomatopée, 2018.
  22. McKenzie Wark, General Intellects: Twenty-One Thinkers for the 21st Century, Londres/New York, Verso, p. 115.
  23. Giulia Mensitieri, « Les ouvrières de la mode : entre luxe et blouse », AOC, 22 mai 2020. En ligne : https://aoc.media/auteur/giulia-mensitieriaoc-media/.
  24. Richard Sennett, The Crafstman, Londres, Penguin Books, 2009.
  25. McKenzie Wark, Sensoria: Thinkers for the Twentieth-first Century, Londres/New York, Verso, 2019.
  26. McKenzie Wark, « Et si ce n’était même plus du capitalisme, mais quelque chose d’encore bien pire ? », traduit de l’anglais par Yves Citton, Multitudes, no 70, 2018, p. 76.
  27. McKenzie Wark, General Intellects, op. cit., p. 115.
  28. McKenzie Wark, A Hacker Manifesto, Cambridge/Londres, Harvard University Press, 2004.
  29. McKenzie Wark, « Et si ce n’était même plus du capitalisme… », op. cit., p. 77.
  30. Selon les mots de Wark : « if you get something for free, you are basically the product », in « Capital is dead. McKenzie Wark in conversation with Verso Books », 27 novembre 2019. En ligne : https://www.youtube.com/watch?v=eiV0wS_in-4.
  31. « We work to communicate to commune but must do so in a circuit of graduated expropriation », Jonathan Beller, The Message is Murder: Substrates of Computational Capital, Londres, Pluto Press, 2017, p. 12.
  32. McKenzie Wark, Capital is Dead: Is This Something Worse ?, Londres/New York, Verso, 2018, p. 3.
  33. La question des médias est instrumentale dans ce basculement chez Wark : « For years I was one of what the so-called alt-right calls a “cultural Marxist”, interested mostly in what happens in the political and cultural superstructures of modern society, rather than in the technical and economic base. However, trying to understand culture will lead you to understanding media, which will lead you to try to figure out some things about technology », ibid., p. 18-19.
  34. L’ouvrage de l’artiste Jenny Odell, How To Do Nothing: Resisting The Attention Economy (Londres, Melville House, 2019) est emblématique d’un regain d’intérêt pour la question comme l’est l’intérêt pour les travaux de Kathi Weeks, qui ont trouvé un nouveau public au moment de la pandémie. Je dois ma propre introduction à Sophie Lewis. En ligne : https://thebrooklyninstitute.com/items/courses/new-york/kathi-weeks-feminism-and-the-problem-with-work-2/.
  35. Merci à Émilie Meldem d’avoir attiré mon attention sur l’essai de Vergès. Françoise Vergès, « Capitalocène, déchets, race et genre », Ouvrages, 21 novembre 2021. En ligne : https://www.revue-ouvrage.org/capitalocene-dechets/.
  36. Anne Humbert décrit les logiques de classe et l’idéologie néolibérale à l’origine des « désertions » d’une classe de travailleu·r·se·x surdiplomé e·x « qui plaquent tout » pour se faire une nouvelle vie à la campagne. Anne Humbert, Tout plaquer. La désertion ne fait pas partie de la solution… mais du problème, Grenoble, Le monde à l’envers, 2023.
  37. C’est l’une des thèses avancées par Jason Read dans The Double Shift, op.cit.
  38. Kathi Weeks, The Problem with Work, op. cit., p. 40.
  39. Ibid.
  40. Ibid., p. 46.
  41. Ibid., p. 44.
  42. Ibid., p. 97.
  43. Ibid., p. 81.
  44. Ma propre introduction à la pensée de Weeks en est le fruit. Ses travaux ont fait l’objet d’un cours du Brooklyn Institute for Social Research délivré par l’auteure féministe queer pro-trans et chercheuse indépendante Sophie Lewis. Voir Sophie Lewis, « Kathi Weeks: Feminism and the Problem woth Work (Monday Section)», février 2022, en ligne : https://thebrooklyninstitute.com/items/courses/new-york/kathi-weeks-feminism-and-the-problem-with-work-2/.
  45. Mariarosa Dalla Costa et Selma James, The Power of Women and the Subversion of the Community, Bristol, Falling Wall, 1973.
  46. Giulia Mensitieri, « Le plus beau métier du monde », op. cit., p. 57.
  47. Pierre Bourdieu cité par Giulia Mensitieri, ibid., p. 42.
  48. Voir notamment les enquêtes de Mediapart à ce sujet. Le média d’investigation a consacré un grand nombre d’articles à ce qu’il nomme « l’envers du luxe », documentant entre autres les conditions précaires des ouvrières produisant les objets du luxe. Voir en ligne : https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/dossier/lvmh-l-envers-de-l-empire-du-luxe.
  49. Giulia Mensitieri, « Le plus beau métier du monde », op.cit., p. 178.
  50. Ibid., p. 265.
  51. « memes for depressed fashion students » dit la tagline.
  52. Helen Hester et Nick Srnicek notent que cela a été suggéré pour le travail domestique : « given the lack of value attached to work done in the home, women often see the performance of long hours as a way to indicate their own (non-monetary) contributions to a family », A History of the Home and the Fight for Free Time, Londres/New York, Verso, p. 146.
  53. Jean-Baptiste Comby, Écolos mais pas trop… Les classes sociales face à l’enjeu environnemental, Paris, Raisons d’Agir, 2024, p. 103.
  54. Conner Habib, « Dreaming of postwork utopias with Kathi Weeks », septembre 2020. En ligne : https://connerhabib.com/2020/09/09/dreaming-of-post-work-utopias-with-kathi-weeks-on-aewch-123/.
  55. Kathi Weeks, The Problem with Work…, op. cit., p. 22.
  56. Wendy Brown citée par Kathi Weeks, voir ibid., p. 22. Voir aussi Wendy Brown, State of Injury: Power and Freedom in Late Modernity, Princeton, Princeton University Press, 1995.
  57. Ibid.
  58. Helen Hester et Nick Srnicek, A History of the Home…, op. cit., p. 185.
  59. Hito Steyerl, « Common Sensing? Machine learning, “Enchatment” and Hegemony », New Left Review, no 144, novembre/décembre 2023.
  60. Françoise Vergès, « Capitalocène, déchets, race et genre », op. cit.
  61. Kathi Weeks, The Problem with Work…, p. 146.
  62. Ibid., p. 230.
  63. Ibid.
  64. L’origine de l’aphorisme est incertaine.