Des emballages à croquer
Chocolat, secours suisse, boîte de nuit : les mandats externes en communication visuelle
Résumé
Marque de chocolat genevoise fondée en 1826, bien connue pour ses avelines, une praline au chocolat emballée dans un papier doré, Favarger a mandaté le Département Communication visuelle de la HEAD – Genève pour développer une nouvelle identité visuelle en 2021. Le projet retenu (Fanny Alvarez, Loraine Friedli, Elsa Hoover, Jordane Vincenzi) s’inspire de carrés de chocolats brisés qui forment des motifs à l’abstraction évocatrice du contenu des emballages. Retour en images commentées sur ce mandat qui s’inscrit dans une volonté de confronter les étudiant·exs à des demandes concrètes et situées.
Texte
Marque de chocolat genevoise fondée en 1826, bien connue pour ses avelines, une praline au chocolat emballée dans un papier doré, Favarger a mandaté le Département Communication visuelle de la HEAD – Genève pour développer une nouvelle identité visuelle en 2021. Le projet retenu s’inspire de carrés de chocolats brisés en morceaux qui forment différents motifs à l’abstraction évocatrice du contenu des emballages. S’il n’est pas certain aujourd’hui que le projet soit véritablement mis en circulation, en raison de changements dans le management de l’entreprise, ce type de mandats fait partie du cursus des étudiant·exs, qui découvrent par ce biais les attentes et les besoins de clients réels, qu’il s’agisse du Secours suisse d’hiver, d’une salle de concert comme le Zoo de l’Usine, ou de marques comme Favarger. Responsables de ces projets au Département, Dimitri Broquard et Anette Lenz expliquent comment ils se mettent en place.
Sylvain Menétrey : Comment les mandats externes se concrétisent-ils à la HEAD ?
Dimitri Broquard : La HES-SO nous demande de réaliser des missions de ce type qui s’intègrent au contexte pédagogique. Proportionnellement, la HEAD – notre département communication visuelle singulièrement – en réalise beaucoup. Sont exclues d’emblée les demandes qui cherchent un service à bas prix, car nous pratiquons les tarifs en vigueur sur le marché.
S.M. : Quelles sont les vertus pédagogiques de ces mandats ?
Anette Lenz : Ils permettent aux étudiant·exs de saisir toutes les contraintes absentes des projets fictifs, telle que la compréhension d’un contexte spécifique dans lequel leur création s’intègrera ou la confrontation aux problématiques commerciales. Par exemple, lors de notre collaboration avec la marque de chocolat genevoise Favarger, qui nous avait mandaté pour refaire son identité visuelle, notamment les emballages, nous avons appris qu’il leur restait des milliers de boîtes de chocolats. Il a donc fallu imaginer un système qui prenne en compte cette réalité. Les étudiant·exs ont proposé un système de bandeaux pour habiller ces boîtes de la nouvelle identité.
D.B. : Il ne faut pas perdre de vue que le graphisme est avant tout un métier de service. Nous ne sommes pas des techniciens, mais pas des artistes non plus. Nous poussons les étudiant·exs à la fois à répondre aux demandes des clients, mais aussi à les questionner pour les emmener plus loin.
S.M. : Et à l’inverse qu’est-ce que les marques ont à gagner à travailler avec une école comme la HEAD plutôt qu’avec un studio professionnel ?
D.B. : Elles cherchent surtout la spontanéité et la fraîcheur des étudiant·exs. C’est aussi un moyen d’obtenir beaucoup de propositions d’un coup puisque toute la classe participe.
A.L. : Il y a aussi la plus-value d’une collaboration avec notre école, dont les marques peuvent se servir comme carte de visite dans un processus de valorisation. Elles mettent alors en avant le fait de travailler avec la prochaine génération, elles se positionnent en découvreuses de talents. Dès le départ, on leur précise bien que l’école n’est pas un studio. Elles ne peuvent pas en attendre la même réactivité ni les mêmes deadlines ; ce n’est tout simplement pas la même démarche qu’avec des professionnel·les.
S.M. : Comment s’est engagée la collaboration avec Favarger ?
D.B. : L’entreprise venait de changer de directeur qui avait des ambitions de repositionnement et souhaitait refaire toute son identité visuelle. Nous avions carte blanche. C’était forcément très intéressant pour notre module « identité visuelle », donc nous avons accepté, même si une telle marge de manœuvre nous est apparue presque trop belle. À juste titre, puisque à l’heure actuelle, la direction a de nouveau changé et que notre projet a été gelé.
S.M. : Comment s’est organisé le travail au sein de la classe ?
A.L. : Nous avons d’abord été invité·es à visiter la chocolaterie, après quoi on nous a détaillé la demande, le positionnement, les différents produits, les besoins de déclinaisons, qui allaient du conditionnement du chocolat individuel, la fameuse Aveline de Favarger par exemple, aux différents emballages, notamment les boîtes pour les occasions spéciales comme Noël, et jusqu’à des points de vente. Pour répondre au brief, nous avons alors créé des équipes à l’intérieur de la classe, comme de petits studios.
D.B. : Ensuite nous avons organisé une présentation intermédiaire en présence de la direction de Favarger et de leur service de communication : chaque studio a fait son état des lieux. Le client a donné son avis basé sur le point de vue de l’entreprise et la validité des propositions au vu de sa stratégie marketing. À partir de là, les différents studios ont pu affiner leur proposition, qu’ils et elles ont finalement défendue devant un jury composé du client et de professeur·es. L’équipe qui a gagné le projet a décidé de continuer à travailler ensemble et de former un studio à la fin des études !
S.M. : Un autre exemple de collaboration avec un client très différent, c’est le concept de communication pour le club de musique électronique le Zoo de Genève.
A.L. : Le Zoo cherche régulièrement à travailler avec des graphistes émergent·es sur son identité visuelle. On a décidé d’ouvrir le projet à une dizaine d’étudiant·exs de troisième année dans le cadre d’un cours optionnel, en parallèle de leur travail de Bachelor. Cela n’était pas facile d’associer les deux, mais le Zoo s’était engagé à offrir un poste fixe au ou à la lauréate du concours, ce qui était bien sûr une perspective de de début de carrière stimulante.
S.M. : Comment se passe ensuite l’implémentation ?
D.B. : Ça dépend beaucoup de la nature et de la taille des projets. Pour une affiche par exemple, le processus se termine quasiment en même temps que la phase pédagogique. Pour des mandats comme celui avec Favarger, on n’arrive pas à résoudre toutes les questions ni à tout décliner à temps ; c’est tout un système qu’il faut mettre en place. En l’occurrence, le mandat aurait plutôt consisté à élaborer des « graphic guidelines » qui auraient ensuite été transmises à une agence de communication chargée de créer et développer les supports. À notre niveau, la phase de développement peut s’avérer trop lourde à organiser. Nous n’avons pas forcément le cadre adéquat. En ce qui concerne les projets moyens ou longs, ce sont typiquement les assistant·exs qui continuent le travail, sous la supervision des étudiant·exs et des enseignant·exs.
Mission Favarger
Sept groupes de deux, trois ou quatre élèves ont imaginé une série de propositions pour moderniser l’identité de la marque de chocolat genevoise. Le projet retenu de Fanny Alvarez, Loraine Friedli, Elsa Hoover, Jordane Vincenzi a séduit la direction de la marque pour ses parti-pris de couleurs fraîches et contrastées, sa typographie de la famille « grotesque » aux racines helvétiques égayée d’ornements organiques ou encore sa mise en avant astucieuse de la date de fondation de la société. Le concept visuel de la plaque de chocolat concassée a plu car il renvoyait à l’image du chocolat en vrac ou fait à la main que Favarger veut valoriser. Suffisamment novateur pour attirer de nouveaux et jeunes regards, tout en restant accessible à une clientèle traditionnelle, le projet correspondait largement aux attentes de la marque. L’entente était telle entre les quatre graphistes, qu’elles ont décidé de continuer à travailler ensemble à la sortie de l’école.
Anette Lenz tient à préciser que chaque projet possédait des qualités et des idées intéressantes. « Nous encourageons les étudiant·exs à développer leur langage et leur approche visuelle afin que chacun·e trouve son identité personnelle. » Citons par exemple, un concept inspiré par les Furoshiki, l’emballage traditionnel japonais en tissu par Lily Grangier et Pauline Riegler ou des tablettes habillées tels des tableaux des éléments chimiques jouant sur les carrés et la matière première par Adam Chatir, Belinda Thimotée, Chiara Preiswerk et Mélanie Berger.
Projet vainqueur commenté par les graphistes
Favarger par Fanny Alvarez, Loraine Friedli, Elsa Hoover, Jordane Vincenzi.
Autres projets
Favarger par Amalia Chraïti, Aurore Mesot, Blinera Haliti
Favarger par Mathilde Schibler
Le Zoo de l’Usine
L’univers de la musique électronique offre un terrain d’expérimentation plus libre que l’industrie du chocolat. Ce mandat de 2020 pour la salle de concert et boîte de nuit a permis aux étudiant·exs de développer leur écriture.
Le Zoo par Coline Besson
Le Zoo par Sam Fagnart