Fresque pour Isabelle Eberhardt au quartier des Grottes. © Karelle Ménine

Karelle Ménine : rencontres entre le poème et la ville

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La ville est un contexte qui accueille des signifiants divers. On y trouve majoritairement quantité d’inscriptions publicitaires et de repères signalétiques, ensemble qui sature l’expérience visuelle déambulatoire. Plus marginalement, aux frontières de la légalité, on observe des graffitis, des lettrages militants, des fresques urbaines, apostrophes hétérodoxes qui sont autant de contrepropositions dans l’ordre des offres de lecture et de visionnage adressées à l’arpenteur des rues. Le passant, tour à tour flâneur, touriste et – le plus souvent – travailleur pressé, se trouve confronté à cette multitude textuelle surabondante. Alors que les rythmes de vie contemporains, intensifiés par les modes de production néolibéraux, obligent au survol, l’existence de moments dédiés à la lecture, à la contemplation, deviennent le privilège d’une minorité. Cet enjeu, qui décrit la possibilité de jouir d’un temps libéré des contraintes de reproduction matérielle, n’est pas trivial. Il consacre le temps de l’expérience littéraire comme un évènement élitiste et privé. Ainsi, la littérature dite de patrimoine devient au mieux la préoccupation de spécialistes, participe aux mécanismes de différenciation classistes décrits par Bourdieu, ou tombe simplement dans les abysses de l’indifférence collective. Imaginons quelques instants être cette écriture poétique désertée par le public. Comment exister sans réduction au rang de slogan fragmentaire ? Comment ouvrir la possibilité d’une présence publique et légale du corps littéraire sans user de méthodes exagérément ostentatoires ? Peu de travaux artistiques prennent pour objet cette interrogation à l’horizon de cette double clause. C’est par ce positionnement spécifique que le travail de Karelle Ménine se démarque. Cette auteure, historienne et artiste Suisse, s’attache à porter des textes poétiques qu’elle inscrit à même l’espace urbain. Sa démarche, résolument collaborative, est une recherche des points de contacts entre la cité – entendue comme espace et champ d’interactions politiques – et les littératures.

 

Karelle Ménine devant l′une de ses création à Mons en Belgique, © Pierre Liebaert. Cliquer sur l′image pour accéder au mémoire.