ISSUE #25 Trans Hirstory and Art
Introduction
« Pendant des millénaires, le patriarcat a eu l’histoire ; pendant quelques années, dans les années 1970, certaines féministes blanches ont eu l’herstoire ; mais aujourd’hui, les personnes transgenres ont enfin une hirstoire au genre neutre qui leur est propre ». (Chris E. Vargas, Museum Of Trans Hirstory and Art, 2017)
S’inspirant de l’expression hirstory/hirstoire de l’artiste Chris Vargas, le colloque Trans Hirstory and Art, dont ce dossier constitue les actes, visait à créer un espace de rencontre pluriel pour envisager l’histoire trans, des archives trans et des liens avec le passé, qui font et défont les subjectivités trans et les luttes trans contemporaines. Trop souvent, le passé a été transformé en un récit hégémonique qui disqualifie la possibilité même de la variabilité des genres. Les archives soumises à une série de choix de conservation et d’indexation convergent progressivement vers la mise en évidence de vies conformes aux normes et standards actuels. Les chercheur·eusexs en études queer et subalternes ont appris à lire entre les lignes des documents normatifs et à révéler ce qui était autrefois présent et qui est aujourd’hui réduit au silence. Si la lutte contre l’effacement est sans fin, il semble que la variabilité de genre et les sexualités queer étaient trop présentes pour passer inaperçues.
Dans les contributions qui suivent, sont présentes les nombreuses perspectives qui convergent dans le domaine des études trans et visent à remettre en question la construction de la transidentité en tant que sujet prétendument nouveau. Alors que les publications dans le domaine de l’histoire trans* ont gagné en importance ces dernières années, les liens entre la recherche anglophone et les études francophones sont encore insuffisants. Il s’agit donc de mettre en lumière différentes perspectives, en soulignant le rôle des communautés trans, des mouvements sociaux et des luttes politiques, ainsi qu’en décentrant l’hégémonie des épistémologies occidentales.
Quelques artistes ont développé leurs projets autour de la construction d’une histoire alternative queer et trans, en utilisant des archives et en leur redonnant du pouvoir (Yuki Kihara et Chris Vargas notamment). Si les études queer et trans ont un terrain commun, certaines expositions et certains catalogues ont pu brouiller les sexualités et les catégories de genre, incluant différentes approches du sexe et du genre (par Vincent Honoré ou Smith & Piton par exemple). Mais les multiples contradictions qui s’opposent à cette visibilité accrue ont également été abordées de manière critique, dans le contexte de l’augmentation des violences systémiques, notamment à l’égard des femmes trans racisées et des travailleuses du sexe trans. Nous voyons ce colloque comme un point de départ pour des recherches qui doivent être prolongées en la matière, et nous remercions chaleureusement la HEAD–Genève (HES-SO), nos collègues du Work.Master, TRANSform et CCC, le Centre Maurice Chalumeau en Sciences des Sexualités (UNIGE), Camille Yassine, Constance Brosse et les collègues qui ont accepté de présider les séances : Sébastien Chauvin, Yasmina Foehr-Janssens, Federica Martini, Noureddine Noukhkhaly, Lee Rozada, pour leur accompagnement et leur confiance.
Clovis Maillet et Ruby Faure
Image: Drag, The International Transvestite Quaterly, vol. 3, n°11, 1973.