ISSUE #12 – Dé/produire sans cons/dé/truire

À la suite d’un rêve dans lequel une intelligence extra-terrestre l’avertissait que l’écosystème planétaire s’effondrait, l’artiste situationniste et musicienx électronique Chris Korda fondait son mouvement « religieux » Church of Euthanasia en 1992, qu’iel ne dotait que d’un seul commandement: « Tu ne procréeras point » et d’un slogan répété de disques house en banderoles : « Save the Planet – Kill Yourself ». Trente ans plus tard, le comique grotesque de ce positionnement nihiliste ne s’estompe pas, mais son constat sur l’état de la planète n’en apparaît que plus amèrement visionnaire et intra-terrestre. D’urgentes questions se posent face au ravage des écosystèmes et à l’épuisement des ressources. Elles émergent de manière singulière dans une école d’art et de design qui forme des étudiant·e·x·s à la production d’objets.

Comment allier une pratique d’art et de design avec les enjeux écologiques ? La production implique-t-elle nécessairement une forme de destruction ? Quelles formes pourrait prendre un tournant vers la déproduction ? Ce dossier envisage ces problématiques par le biais de trois approches complémentaires. Il s’intéresse tout d’abord à la dimension pragmatique de la mesure de l’impact d’un projet qui permet de prendre conscience des émissions et d’orienter les pratiques de façon vertueuse. Le projet de calculateur carbone initié par Yves Corminboeuf, délégué au développement durable à la HEAD, est présenté ici à travers le cas réel du défilé de mode 2021.

Sur le plan historique, l’hypothèse d’une déproduction fait écho à différentes pratiques, conceptuelles et critiques, qui ont remis en cause le statut de l’objet ou l’injonction à faire carrière. Alors que l’utopie de la dématérialisation digitale se révèle très énergivore, David Zerbib s’engage dans une réflexion sur la dialectique contemporaine du matériel et de l’immatériel. S’écartant des pratiques d’art conceptuel, il voit dans l’instabilité et la reconfiguration multiple des formats de la production artistique contemporaine l’émergence d’une pensée écosystémique.

Logiquement, cette remise en question des logiques productives a pour maître mot l’épargne des ressources. La poursuite de cet objectif emprunte des voies multiples et souvent, comme les chansons de Chris Korda, pétries de joie plutôt que du sentiment de privation. Enlever, défaire, renoncer, recycler, réparer, réaffecter, saboter deviennent des pratiques en soi. Une série d’articles de ce dossier se concentre sur quelques pratiques radicales, de figures historiques et/ou récalcitrantes de l’art et du design, mais aussi d’étudiant·e·x·s et d’enseignant·e·x·s de la HEAD qui repensent leur production, leur improduction ou leur déproduction à l’aune du défi écosystémique.

Images de couverture: Church of Euthanasia, CC-BY-SA 3.0

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