ISSUE #4 – Études sur l’empathie

Comment les images nous affectent

Ce dossier prend pour point de départ l’exposition Études sur l’empathie que Charlotte Laubard, responsable du département Arts Visuels, a organisée à la Fondation Ricard à Paris en décembre 2019. Rassemblant quatorze artistes issu·e·s de la HEAD, l’exposition présentait des œuvres qui prenaient l’empathie et les mécanismes émotionnels comme propos de leur travail, qui abordaient le souci des autres ou l’éthique du care, qui se servaient d’une iconographie contemporaine qui éveille notre indignation ou notre attendrissement, à l’exemple des mèmes de Lolcats ou qui exploraient le rapport entre corps et esprit dans nos expériences sensorielles qu’on nomme l’embodiment.

Tout en partant du principe que parler d’empathie, c’est aussi parler des effets de l’art, dans le sens où l’esthétique est ce par quoi s’engage une compréhension de l’autre, l’exposition faisait le point sur une tendance marquante de la dernière décennie de la recherche en sciences cognitives et en neurosciences sur les mécanismes pré-conscients qui nous permettent d’avoir accès aux états émotionnels des autres et sur la capacité de les reproduire, grâce entre autres aux neurones miroirs. Cet intérêt dépasse largement ce domaine, puisque, par exemple, la recherche en cultures visuelles se penche aussi sur la manière dont les images nous affectent, ce sur quoi s’explique dans ce dossier le chercheur du centre Aby Warburg Manos Tsarikis dans un entretien avec Lauren Huret.

Cette passion contemporaine pour l’empathie est bien sûr à mettre en regard avec les développements techniques en intelligence artificielle. C’était tout le propos du film Blade Runner de Ridley Scott en 1982 déjà, où les androïdes étaient censés se distinguer des êtres humains par leur absence d’empathie. Charlotte Laubard évoque cette question de l’empathie des machines avec l’anthropologue spécialiste de l’Inde Emmanuel Grimaud, qui a notamment travaillé avec des scientifiques pour développer un robot du dieu Ganesh, qui répond aux prières des fervents.

Malgré toutes ces recherches, l’empathie demeure un objet dont la définition reste difficilement cernable par le grand public et dont l’appréciation n’est pas unanimement positive. Le psychologue Paul Bloom a ainsi écrit l’ouvrage Against Empathy, où il relève les effets pervers de cette identification aux états émotionnels de l’autre qui peut mener des foules à développer une haine collective basée sur des critères de sexe ou de race. Il défend à l’inverse la notion de sympathie qui est une réaction rationnelle aux sentiments de l’autre et non une imitation semi-consciente. L’essai master de Simon Pinkas reproduit dans ce dossier sur l’indignation en ligne illustre les risques d’une société purement empathique.

Image de couverture: Vanessa Safavi, Velvet, 2019 (capture d’écran)

Frontières de l’empathie

Le pouvoir performatif des images

Outrage!

Agencements de cobayes