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Pratiques artisanales et expérimentation en design graphique à la HEAD – Genève
Par une enquête auprès de quelques alumnae et enseignant·es du département de Communication Visuelle de la HEAD, Florence Marguerat discute du renouveau des pratiques artisanales dans le design à une époque où le numérique prend de plus en plus de place dans les métiers de création et où l’on s’interroge sur l’impact des intelligences artificielles.
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Dossier #26
In Their Own Words
Ce dossier rend compte d’une recherche menée durant l’année académique 2023 –2024, grâce au Fonds Gendered Innovation que nous avons obtenu en 2023 pour le projet de recherche In Their Own Words. Il s’agissait pour nous de formaliser une réflexion au long cours, déjà partiellement développée sous d’autres formes et dans d’autres contextes. Nous avions initié quelques années auparavant la collection d’entretiens d’artistes On Words, à laquelle Sarah Burkhalter s’est ensuite associée, lorsque le projet a trouvé sa place à l’Institut suisse pour l’étude de l’art (SIK-ISEA). Si les recherches théoriques développées en amont pointaient déjà les enjeux des conversations d’artistes femmes, On Words posait cette fois les bases d’une création empirique, reposant sur le principe de l’écoute, de l’échange horizontal et de la prise de parole non finalisée.
Pour la recherche In Their Own Words, nous avons plongé dans la pratique féministe de la conversation d’artistes, en parcourant ses occurrences, de la naissance de l’enregistreur au podcast. Le postulat de départ voulait que les artistes et historien-nexs de l'art féministes aient imaginé de nouvelles formes d'écriture expérimentale et de documentation à travers les pratiques conversationnelles.Or cette pratique, qui s'inscrit également dans notre travail au sein d'une école d'art, est profondément ancrée dans la rencontre radicale entre le militantisme et la recherche.Autour de ces questions, nous avons convoqué des approches artistiques et théoriques, à la fois spéculatives et historiques, pour partager des réflexions intersectionnelles sur les histoires de l'art non documentées (unrecorded). Pour les saisir, nous avons recours à la pensée féministe, queer et décoloniale.
Inclure les récits sonores féministes dans le récit plus large de l’art nécessite le développement de méthodes d’analyse spécifiques.Il s’agissait ainsi de prendre en compteles médias utilisés pour enregistrer et partager les conversations; les processus d’archivage impliqués dans le stockage et la mise à disposition du public de ces conversations; l’obsolescence des supports et des canaux utilisés pour accéder à ces conversations dans les archives analogiques historiques et, aujourd’hui, dans les archives numériques en ligne.
Dans cette optique, nous nous sommes interrogées sur l’influence de la fonction play-back du magnétophone sur la mémoire, sur les ressorts affectifs révélés par l’archivage de voix autrement inaudibles, et sur la manière de répondre aux préoccupations concernant la légitimité des informations personnelles et politiques recueillies à partir de ces archives conversationnelles.
Au cours de la recherche, les frontières de la notion d'internationalité ont été remises en question dans une perspective intersectionnelle. Si le corpus d'entretiens féministes étasunien et européens que nous avons analysé en premier lieu reste encore largement invisible dans l'histoire de l'art canonique, une invisibilité supplémentaire a pesé sur le travail essentiel mené par les artistes Helen Khal au Liban et Nazli Madkour en Égypte, qui avec Cindy Nemser et Eleanor Munro, partagent notre intérêt. Ces perspectives méthodologiques, esthétiques et d’histoire de l’art sont complétées par la contribution d’Olivia Alexandra Fahmy, chercheuse associée à notre projet, sur la publication Women Artists in Egypt de l’artiste Nazli Madkour.
Le dossier In Their Own Words rend compte des différentes étapes de notre recherche. Outre l’article d’Olivia Alexandra Fahmy susmentionné, il fait état des questions méthodologiques abordées ( "On the Record : Notes sur les pratiques féministes de l'entretien en arts visuels ") ; il permet de visionner les interventions de la journée d’étude organisée en mars 2024 ; enfin, un podcast réalisé à partir d’une conversation avec l’artiste née en Pologne et établie à Londres Marysia Lewandowska, retrace le parcours de cette artiste dont la trajectoire s’est dessinée à partir de conversations avec des artistes femmes : le Women's Audio Archive. Autoproduits, spécialisés ou généralistes, dans les années 2000 les podcasts offrent une forme d’écoute flexible et une discursivité accessible. Ils ont depuis une dizaine d’années suscité une nouvelle vague de projets féministes visant à redécouvrir les voix absentes des récits officiels. Le format intimiste de diffusion du podcast nous a permis d’en questionner le potentiel d’autoapprentissage Comment le public s’engage-t-il avec les podcasts d’histoire de l’art, en particulier la génération Z et les plus jeunes auditeur-icexs ? Quels sont les contextes de réception de cette histoire et en quoi l’écoute intimiste permet-elle une expérience d’assimilation différente des contenus ?
Bonne découverte !
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De la résonance queer
Dans la préface de sa collection d'entretiens enregistrés sur bande, Autoritratto (1969), Carla Lonzi défiait ses lecteurs·ices avec la question suivante : « S'il avait été possible d'enregistrer ce que les artistes disaient dans leurs conversations quotidiennes, aurions-nous encore besoin de lire les Vies de Vasari pour entrer en contact avec elles·eux ? » En convoquant un anachronisme technologique, Lonzi a mis en lumière la capacité même de l'enregistrement sonore à redéfinir la séparation entre histoire et expérience. En suivant son exemple, dans cette conférence, Francesco Ventrella s'inspire d'une série d'entretiens avec des artistes, de tableaux parlants et d'autres scénarios acoustiques pour explorer comment la résonance peut nous aider à repenser les limites de la représentation dans le discours de l'histoire de l'art.
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ANOL1 : la première rencontre
ANOL1 : The First Encounterest la première animation 3D de la série ANOL1 qui explore le riche tissu des créatures mythiques féminines d'Asie centrale, mettant en lumière leurs histoires non racontées dans un contexte décolonial. En s'appuyant sur le concept de la monstruosité féminine, l'animation vise à souligner les connexions intergénérationnelles et à renforcer les générations futures avec des récits oubliés.
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In Her Own Words
Le podcast restitue l'essentiel d'une conversation que nous avons menée avec l'artiste d'origine polonaise Marysia Lewandowska en novembre 2023, à son studio à Londres. Cette conversation constitue le point de départ et la matrice du projet de recherche In Their Own Words. Tout en retraçant sa trajectoire d'artiste passée du bloc de l'Est à l'Angleterre capitaliste, Marysia Lewandowska évoque comment son usage de l'enregistreur lui a permis d'entrer en relation avec le monde de l'art occidental. De là est né son projet "auto-institué " des Women's Audio Archive, une archive de plus de 120 heures d'enregistrement aujourd'hui numérisée. Quel est le rôle d'une conversation d'artiste et quel statut l'histoire de l'art lui donne-t-elle ? Comment la diffuser ? L'archiver ? Faut-il l'éditer et, si oui, jusqu'à quel point ? Ce podcast réunit l'essentiel des questions méthodologiques soulevées par ces échanges menés dans une perspective féministe.
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Les parleuses
Conversations sur l’art dans l’Italie des années 1960-1970
Dans l’Italie des années 1960 et 1970 Carla Lonzi et Anne Marie Sauzeau Boetti, toutes les deux engagées dans le mouvement féministe, ont proposé de penser l’art à travers le dialogue entre les artistes et les générations d’artistes, au-delà des catégories esthétiques et des groupes établis. Elles ont contesté la verticalité des généalogies d’une histoire de l’art organisée en une succession de mouvements artistiques et grands artistes, dans une conception qui laissait de côté l’idéologie du chef-d’œuvre et du génie créateur. A partir d’exemples tirées du contexte italien, cette conférence proposera une réflexion sur les enjeux épistémiques et politiques d’une écriture sur l’art basée sur la relation, le dialogue et l’écoute.
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L’exception qui confirme la règle ?
Nazli Madkour, Nawal El Saadawi et Women and Art in Egypt
À la fin des années 1980, parce qu’elles se connaissent et se font confiance, Nazli Madkour, artiste égyptienne active dans la scène culturelle, et Nawal El Saadawi, psychiatre, écrivaine et militante politique féministe, s’accordent pour publier un ouvrage qui revient et fait la lumière sur le rôle des femmes artistes en Égypte. La publication voit le jour en 1989 sous le titre Les Femmes égyptiennes et la créativité artistique [المرأة المصريةوالإبداع الفني]. En 1991, le département de l’information du gouvernement égyptien [State Information Service] commande une édition anglaise, Women and Art in Egypt. Dans un entretien avec Olivia Alexandra Fahmy, Nazli Madkour revient sur l'histoire de ces deux ouvrages.
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Deux prophétesses auditionnaires face à des savants
Hildegarde de Bingen et Elise Müller
Qu’est-ce que la puissance d’une femme qui entend des voix face aux autorités artistiques et politiques ? L’abbesse rhénane Hildegarde de Bingen (1098-1179) était une prophétesse visionnaire et « auditionnaire ». Sa musique est toujours chantée et sa voix traduite dans toutes les langues, jusque dans la revue féministe Heresies. Elle transmettait un message venu d’une autre dimension, attesté par des autorités masculines (des abbés et un pape). La médium genevoise Elise Müller (1861-1929), connue sous l’hétéronyme Hélène Smith, avait aussi des visions et entendait des voix, qui lui dictaient ses dessins et peintures de Mars, Ultra-Mars et de la Terre sainte. Elle transmettait des messages dont elle ne se disait pas l’autrice, contrôlés et mis en doute par de multiples autorités masculines. Ces deux artistes anachroniques, séparées de huit siècles, ont transmis leur voix dans les interstices des contrôles masculins, et des définitions de l’art et de la vision.
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Voicing the Archive
Quelle est la charge de l'archive sinon la mémoire elle-même ? Pouvons-nous passer de la conception des archives comme des collections de données à une idée d'archive de désir, un réservoir de matériaux affectifs et d'opacités résistantes ? En établissant la Women's Audio Archive à Londres (1985-1991), j'avais en tête à la fois une collection et un lieu où les conversations enregistrées participeraient à développer une histoire des femmes dans la tradition médiatico-visuelle, qui par sa nature éphémère peut facilement être oubliée.
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Histoire de l'art et militantisme
Pourquoi une création sonore ?
Pourquoi utiliser un médium sonore pour parler d'images ? Quel rôle social peut jouer le podcast ? Dans quelle mesure est-il un espace d'expression relativement libre et sécurisant pour porter un discours engagé ? Comment conserver et valoriser des archives sonores ? Sans prétendre apporter des solutions définitives à ces sujets complexes, cette intervention proposera des éléments de réponses et des pistes de réflexion.
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On the Record
Notes sur les pratiques féministes de l’entretien en arts visuels
Dans cet essai, les deux autrices discutent des méthodologies féministes de l’entretien en arts visuels. Adopter l’entretien pour obtenir des informations sur l’expérience des femmes en matière d’art, c’est axer la recherche sur les termes de la conversation et du langage. De cette approche découle une réflexion critique sur la dimension d’exclusion dans le vocabulaire utilisé, qui ne revêt pas le même sens selon qui parle. Si, pour la critique et l’histoire de l’art contemporain, l’entretien appartient à la catégorie des écrits d’artistes, l’approche féministe met davantage l’accent sur la voix et la prise de parole.
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En mode anti-travail
Aude Fellay examine dans cet article les critiques du travail dans la mode et celui-ci plus largement, à l’aune du concept et de la demande d’un rejet du travail ( « the refusal of work ») tel que formulé par la chercheuse américaine et militante anti-travail Kathi Weeks dans The Problem with Work : Feminism, Marxism Antiwork Politics, and Postwork Imaginaries (2011). Si les critiques du travail dans la mode ont produit jusqu’ici des élans réformateurs, s’en revendiquant parfois, le cadre conceptuel des imaginaires post-travail de Weeks permet un élan plus radical et à l’horizon, un monde plus désirable. Cet article s'inscrit dans le cadre du projet de recherche @fashion_colloquialism mené par l'autrice et Émilie Meldem à la HEAD — Genève (HES-SO).
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Quel est le rôle d’un·e directeur·ice artistique aujourd’hui ?
Dans le cadre de la série de rencontres Mode Conversation organisée par le Master en Design Mode et accessoires de la HEAD — Genève (HES-SO), Lutz Huelle a dialogué avec Alice Bouleau, associée du cabinet de recrutement Sterling International, et le designer mode Felipe Oliveira Baptista du rôle d’un·e directeur·ice artistique aujourd’hui. Directeur·ice artistique est-il le seul poste désirable ? Quelles sont les alternatives ?
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Dossier #25
Trans Hirstory and Art
« Pendant des millénaires, le patriarcat a eu l'histoire ; pendant quelques années, dans les années 1970, certaines féministes blanches ont eu l'herstoire; mais aujourd'hui, les personnes transgenres ont enfin une hirstoire au genre neutre qui leur est propre ». (Chris E. Vargas, Museum Of Trans Hirstory and Art, 2017)
S'inspirant de l'expression hirstory/hirstoire de l'artiste Chris Vargas, le colloque Trans Hirstory and Art, dont ce dossier constitue les actes, visait à créer un espace de rencontre pluriel pour envisager l'histoire trans, des archives trans et des liens avec le passé, qui font et défont les subjectivités trans et les luttes trans contemporaines. Trop souvent, le passé a été transformé en un récit hégémonique qui disqualifie la possibilité même de la variabilité des genres. Les archives soumises à une série de choix de conservation et d'indexation convergent progressivement vers la mise en évidence de vies conformes aux normes et standards actuels. Les chercheur·eusexs en études queer et subalternes ont appris à lire entre les lignes des documents normatifs et à révéler ce qui était autrefois présent et qui est aujourd'hui réduit au silence. Si la lutte contre l'effacement est sans fin, il semble que la variabilité de genre et les sexualités queer étaient trop présentes pour passer inaperçues.
Dans les contributions qui suivent, sont présentes les nombreuses perspectives qui convergent dans le domaine des études trans et visent à remettre en question la construction de la transidentité en tant que sujet prétendument nouveau. Alors que les publications dans le domaine de l'histoire trans* ont gagné en importance ces dernières années, les liens entre la recherche anglophone et les études francophones sont encore insuffisants. Il s’agit donc de mettre en lumière différentes perspectives, en soulignant le rôle des communautés trans, des mouvements sociaux et des luttes politiques, ainsi qu'en décentrant l'hégémonie des épistémologies occidentales.
Quelques artistes ont développé leurs projets autour de la construction d'une histoire alternative queer et trans, en utilisant des archives et en leur redonnant du pouvoir (Yuki Kihara et Chris Vargas notamment). Si les études queer et trans ont un terrain commun, certaines expositions et certains catalogues ont pu brouiller les sexualités et les catégories de genre, incluant différentes approches du sexe et du genre (par Vincent Honoré ou Smith & Piton par exemple). Mais les multiples contradictions qui s'opposent à cette visibilité accrue ont également été abordées de manière critique, dans le contexte de l'augmentation des violences systémiques, notamment à l'égard des femmes trans racisées et des travailleuses du sexe trans. Nous voyons ce colloque comme un point de départ pour des recherches qui doivent être prolongées en la matière, et nous remercions chaleureusement la HEAD –Genève (HES-SO), nos collègues du Work.Master, TRANSform et CCC, le Centre Maurice Chalumeau en Sciences des Sexualités (UNIGE), Camille Yassine, Constance Brosse et les collègues qui ont accepté de présider les séances : Sébastien Chauvin, Yasmina Foehr-Janssens, Federica Martini, Noureddine Noukhkhaly, Lee Rozada, pour leur accompagnement et leur confiance.
Image : Drag, The International Transvestite Quaterly, vol. 3, n°11, 1973.
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Transitionner est un truc de gosse.
Enfances/trans* au tournant du 19e et du 20e siècle en Europe
Cette contribution s’intéresse à la réalité des vies des enfants trans, aux contextes sociaux dans lesquelles iels évoluent, à leurs jeux et à leurs émotions ; mais également aux luttes des enfants trans, aux stratégies et espaces d’autonomie qu’iels déploient pour faire face aux violences vécues.
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Le pape accouche
Iconographie d’une parturition masculine au Moyen Âge
Le XIIIe siècle occidental donne naissance au récit légendaire d’un pape parturiant, celui de la « papesse » Jeanne. Ce récit, bien qu’il soit au cœur d'une riche production littéraire, iconographique et historiographique, du XIIIe siècle à nos jours, n’a été considéré qu’à travers une grille de lecture d’un seul possible jusqu’ici, le possible cis, celui de la seule congruence avec son sexe d’assignation : Jeanne, une femme, se déguise en autre, en homme, et par là, se travestit et se cache. Ce possible s’avère peu à même de rendre compte à lui seul de l’étendue des possibles médiévaux : Jeanne est aussi Jean, et Jean, lui, est possiblement un homme trans.
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La respectabilité comme stratégie politique contrainte
Premiers éléments d’analyse du mouvement trans parisien des années 1990
Cette intervention présente les résultats provisoires d’une recherche en cours, réalisée dans le cadre d’un doctorat sur les mobilisations pour la santé des personnes trans en France, de la fin des années 1970 à la fin des années 2010.
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Mauvais tours
En Guadeloupe, après la Seconde Guerre mondiale, une communauté d'individus de genre non conformes a été l'actrice essentielle de préservation et de transmission de la culture musicale traditionnelle à tambour. Dans cette présentation, Michaëla Danjé a analysé quelques modalités de cet effacement et sa disparition historiographique.
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Une Silhouette cauchemardesque
Les phénomènes de racialisation et la longue exposition médiatique de la transition
Dans Black On Both Sides : A Racial History of Trans Identity [Noir·es des deux côtés : une histoire raciale de l'identité trans], C. Riley Snorton parcourt l’historiographie trans états-unienne au prisme des enjeux raciaux : comment le genre et la race interfèrent et s’entrelacent dans les vies trans et noires ? comment des concepts comme ceux de passing ou de fugitivité de genre circulent entre les vies qui se tiennent au bord du monde esclavagiste-raciste états-unien et celles qui se tiennent au bord du patriarcat et du cissexisme ? ISSUE propose une traduction inédite d'un chapitre de l'ouvrage de Snorton par Mabeuko Oberty.
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Notes on trans*grievability
Could we learn to grieve without fetishizing our dead (human or more-than-human) ? Could we spend more time with our dead without making them into «steps » in the advancement of other causes ?
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Élaborer le bruit
Cette contribution est le point de départ de la recherche nommée « Élaborer le bruit. Les identités en traduction », qu'Ève-Gabriel Chabanon mène dans le cadre d’une thèse par la pratique en art, inscrite simultanément à la Villa Arson à Nice et à l’Université Paris Cité. Elle explore l'oeuvre du poète Justin Chin, et ses traductions possibles.
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« Exister pour résister »
L’Existrans comme plateforme des luttes trans en France
À travers une méthodologie ancrée en histoire orale et l'analyse d'archives communautaire, cette communication se concentre sur les stratégies théâtrales développées par les activistes trans pour faire entendre leurs revendications en France. Elle centre l'analyse sur l'Existrans/ExisTransInter, le plus grand événement consacré à la visibilité trans en France. Alors que l'activisme centré sur la visibilité suscite de plus en plus de scepticisme parmi les activistes trans, cette communication soulève des questionnements clés sur le futur de l'ExisTransInter.
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Écrire une archive transféministe des sentiments avec des instruments à cordes
Trois méthodologies d’hirstoire queer et trans dans la musique contemporaine
Liz Escalle-Dyachenko discute de trois pièces pour cordes des années 2010, de trois compositeurices trans et non binaires de musique contemporaine basé·exs aux États-Unis.
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Contes des marais, fantômes trans et réalisme (magique) non-binaire
Cette conférence se concentre sur la façon dont la non-binarité, en tant qu'outil analytique, officie comme portail vers la reconsidération des conceptions dominantes de temporalité, de territorialité et de forme, en-dedans et au travers des différences sociales. En commençant par les représentations littéraires et médiatiques des monstres du Green Swamp et de l'Honey Island Swamp – des contes de marais qui ramènent le 18èmeet le 19ème siècle au temps présent – cette présentation met en lumière la monstruosité de la fugitivité.
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Quelle place au soin dans nos histoires trans ?
Déjouer le tropisme médical
Centrales dans le récit qui est fait de nos vécus trans passés et actuels, les violences médicales structurent également la façon qu'a l'histoire trans d'être recueillie, construite et racontée, tant épistémologiquement que matériellement. À partir d'une expérience de chercheuse communautaire, de formatrice associative et de soignante, cette intervention illustre trois formes de violences imposées par l'institution médicale sur l'histoire trans ainsi que des trois pistes de réponse pour construire un récit qui ne tombe ni dans la surmédicalisation ni dans l'effacement de la matérialité des corps trans. Déjouer les forces d'attraction et de répulsion imposées par ce tropisme médical permet alors la transmission d'une histoire trans elle-même source de soin.
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Composite Curation
Imagine yourself in a photography museum.
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Transmuting Black Sonic Entities
Un extrait du mémoire de master en CCC de Jazil Santschi, "Transmuting Black Sonic Entities. The Necessary Voices of a Culture in the Making ".
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Eugen·i·e, Hyacinthe et Prote
Trans* et eunuques dans les catacombes de Rome
Peut-on faire de l’histoire trans avant l’émergence de récits à la première personne, et avant la conceptualisation même des questions trans ? L’hypothèse que cette communication développe est que l’étude des transitions de genre prémodernes peut nous apprendre d’autres manières d’envisager le genre qui complexifient notre perception actuelle, et ouvre des perspectives pour les futurs trans.
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L’incomplétude de l’archive nous appartient
Plutôt qu'écrire l'histoire, pratiquer l'archive vivante
Invisibilisation, effacement, dépossession, les formes d’incomplétude qui affectent les archives trans* sont nombreuses. L’écriture d’une histoire trans* compensatrice ou réparatrice s’impose souvent comme solution. Mais d’autres stratégies et pratiques d’archives telles que la resynchronisation des corps avec les archives (l’archive vivante) et le fait de tirer parti de l’itérabilité de l’archive ouvrent un espace de liberté et de rencontre dans les archives qui est proportionnel au désir - grand - qu’elles suscitent en nous.
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Autofiction Afrocosmic
Dans cette contribution, Nayansaku Mufwankolo discute de sa pratique d'écriture, la poésie d'autofiction afrocosmique, et lit l'un de ses poèmes.
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Écrire l’histoire trans*
L’histoire trans pousse dans les interstices et les entre-deux des institutions, des disciplines et de plusieurs pays et apparaît comme un espace intellectuel qui mêle une grande diversité de formes d’écritures, de matériaux, de contextes et de positionnements. Le programme de ce colloque témoigne de cette richesse indisciplinée, en faisant dialoguer l’histoire de l’art, l’histoire politique, militante et communautaire, l’histoire médiévale et contemporaine, les théories noires et décoloniales, les réflexions sur les archives ou encore les recherches créatives.
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Ce que la recherche-création fait aux thèses universitaires
Depuis plus d’une décennie, le terme «recherche-création » circule de plus en plus largement pour désigner des travaux relevant de fertilisations croisées entre investigations universitaires et expérimentations artistiques. Derrière les polémiques entre les voix qui y annoncent un renouveau de l’université et celles qui y dénoncent une imposture pseudo-artistique et pseudo-scientifique, des thèses de doctorats commencent à arriver en nombre significatif au stade de la soutenance. Que nous montrent ces soutenances ? Et que nous disent-elles de la recherche à l’âge de l’Anthropocène ?
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«Doing the Knowledge »
Entretien avec Khalik Allah
Le département cinéma de la HEAD – Genève a invité Khalik Allah à donner un atelier lors de la « Semaine de tous les possibles » en février 2024. Cinéaste et photographe de renom (voir sa biographie sur le site du département cinéma), Khalik Allah est aussi un communicateur chaleureux, quelqu’un qui a à cœur de partager sa démarche et ses réflexions avec les publics et les étudiant·exs. Nous avons discuté avec lui de son travail artistique et de l’atelier qu’il a donné aux étudiant·exs de différents départements.
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Dossier #24
Matérialités du numérique
Ce numéro d’ISSUE regroupe des contributions qui questionnent les matérialités du numérique et les enjeux écologiques, de classe, de race et de genre qui les traversent. Chaque auteur·ice développe des perspectives critiques qui permettent d’éclairer différentes faces de la notion de «matérialité ». Celle-ci renvoie aux matériaux qui composent nos outils numériques et à leur extraction mortifère; aux environnements dans lesquels ils évoluent, et aux significations qui y sont rattachées; ou encore aux rapports de force et de travail qui les constituent. Le dossier dans son ensemble s’inscrit résolument contre l’idée d’une «dématérialisation » qui aurait accompagné le passage au numérique.
Les contributions ont en commun d’adopter des méthodologies de recherche-création. Elles développent des analyses issues de recherches de terrain et/ou de croisements théoriques et historiques. Elles proposent aussi des formes artistiques et de design qui travaillent la spéculation et dessinent des possibilités de voir différemment et de faire autrement. En somme, l’apport de la recherche-création est de taille : elle permet de tracer des perspectives émancipatrices dans notre rapport au numérique.
Le dossier s’ouvre avec la contribution du chercheur et designer rattaché à la HEAD Cyrus Khalatbari, qui opère comme un guide méthodologique à destination des artistes et designers. Khalatbari nous invite à aller au-delà des esthétiques plaisantes des plateformes, à ouvrir les boîtes noires de nos technologies, pour créer des objets qui permettent de mettre à distance la soi-disant «immatérialité » du numérique.
L’historienne de l’art Béatrice Joyeux-Prunel et le philosophe et enseignant à la HEAD David Zerbib s’attachent à décrire les conditions contemporaines de la vie des images numériques. Plus que le contenu des images ou leur médium, ce sont les infrastructures, les programmes qui génèrent les images, qui sont aujourd’hui au cœur du «théâtre d’opérations visuelles », selon elleux. Leurs réflexions émanent directement de l’exposition AIAIA Sweatshop qu’iels ont organisée à l’artist-run space à Duplex, à Genève (17 mai – 21 juin 2024). Les œuvres agencées au sein de cette exposition sont décrites dans l’article consécutif. L’artiste et chercheuse Raphaëlle Kerbrat déploie dans sa contribution la profondeur théorique de son œuvre Si (1-bit computer), présentée dans le cadre d’AIAIA Sweatshop. Son installation sous forme d’un ordinateur réduit à ses composants essentiels rend visible et sensible le signal qui anime le dispositif. Par sa pratique, Kerbrat défend l’importance de créer les conditions pour une attention des utilisateurs·ices au «poids des données ».
Les deux contributions suivantes adressent les conséquences de l’extraction de ressources naturelles pour composer nos appareils et technologies numériques, par le biais du film ou de la vidéo d’artiste. Dans sa vidéo Bedrocks for Digital Systems, l’artiste, chercheuse et enseignante à la HEAD Mabe Bethônico, avec la collaboration de l’artiste Victor Galvão, ausculte les logiques coloniales dissimulées dans nos smartphones, ordinateurs, télévisions, etc. Ainsi que le montre Bethônico, la matérialité de ceux-ci fait littéralement écran aux inégalités géopolitiques et à la violence du travail d’extraction qui caractérisent leur production. Le court métrage Kasiterit, réalisé par l’artiste Riar Rizaldi, dont le travail a récemment été exposé au Centre de la Photographie Genève[note]A Phantom Ride of the Sunda Plate, cur. Holly Roussell, Danaé Panchaud et Claus Gunti, 6 décembre 2023 - 11 février 2024[/note], est disponible en intégralité durant un mois sur le site d’ISSUE. Dans ce film diffusé dans de nombreux festivals internationaux et sous forme d’installation dans des musées, c’est une voix issue de l’intelligence artificielle – créée par Rizaldi – qui s’interroge sur ses origines, sur l’île de Bangka en Indonésie, où des travailleurs·euses extraient l’étain utile à la fabrication et au fonctionnement des technologies les plus contemporaines.
L’artiste et chercheuse Cindy Coutant, responsable de l’option [Inter]action au département Arts visuels et curatrice de l’exposition The Future is Unmanned à l’espace LiveInYourHead (7 février – 13 avril 2024), met à nu dans son article éponyme les symboliques genrées et délétères attachées aux technologies contemporaines. En s’appuyant sur des écrits cyberféministes, elle en appelle à un retour vengeur des « corps engloutis » par le grand récit du progrès : ceux des aliens, des gremlins, des déchets. «Apprendre avec les déchets », c’est la proposition avancée dans l’article dessiné de l’artiste et anthropologue Anaïs Bloch, qui travaille dans le cadre du projet de recherche Discarded Digital à la HEAD. Ainsi rend-elle compte de ses échanges avec Gerry Oulevay, artiste inventeur autodidacte qui travaille avec les rebuts du numérique pour fabriquer des objets et des installations insolites. Comme avec les autres articles du dossier, on y apprend à écouter les voix dissidentes et minoritaires, celles qui nous dévoilent les entrelacs complexes des matérialités du numérique.
Crédit photographie : capture d’écran du film Kasiterit (Riar Rizaldi, 2019)
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The Future in Unmanned
Pourquoi le futur se rêve tracé, quadrillé et en pilotage automatique par la culture de la haute-technologie ? Comment la technologie parvient-elle à se présenter comme un marqueur de civilisation affirmant la suprématie de certains corps sur d’autres corps, et à renforcer un ordre symbolique et social qui sépare et immunise l’être humain des déchets, gremlins, aliens, inhumain·x·es et autres corps indésirables de « l’humain civilisé » ? Ces 40 dernières années, des voix se sont élevées pour remettre en question le grand récit de la technologie occidentale. Ces voix demandent : qui compte comme agent de la technologie, comme agent humain, et conséquemment comme agent du futur ? C’est à partir de ces zones de contestations, dont il nous faut remarquer le retour aujourd’hui, que cet article cherche à décrypter le rêve d’une technogouvernance safe, propre, objective et rationnelle, qui se révèle antiterreste, excrémentale, aberrante et sexuellement agressive.
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Si (1-bit computer)
Le signal comme médium de représentation des matérialités numériques
Le projet Si (1-bit computer) réalisé par Raphaëlle Kerbrat dans le cadre de sa thèse «Le poids des données, paradoxes matériels et sensibles du numérique » à l’École des Arts Décoratifs de Paris, propose de rendre sensible l’empreinte physique d’un processus computationnel. Il repose sur la décomposition physique d’un système binaire et s’appuie sur la manipulation du silicium, un matériau semi-conducteur utilisé pour la fabrication des transistors, base de l’électronique numérique. Le dispositif opère par agrandissement d’échelles physiques et temporelles, en étirant une opération logique sur plusieurs secondes et en amplifiant la taille initiale des composants. La matière est un élément central de ce projet, qui dévoile le fonctionnement de nos appareils numériques d’une manière à la fois archaïque et poétique.
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Apprendre avec les déchets
Réparer, réutiliser, détourner pour reprendre la main sur les équipements numériques
Cette contribution envisage le numérique par le prisme du rebut et de ses potentialités. Elle repose sur un cas d’étude issu d’une enquête ethnographique que Bloch mène avec Thibault Le Page et Nicolas Nova depuis 2022 à la HEAD – Genève (HES-SO). Elle a notamment pour but de rendre visible différentes formes de réappropriation et de transformation qu’il est possible d’effectuer avec des éléments provenant des équipements numériques tels que les smartphones, ordinateurs, écouteurs, objets connectés etc., ou avec leurs composants.
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De l'esthétique du cloud aux circuits et assemblages alternatifs
Pour un rapprochement de la théorie, du travail de terrain et du design visant à nuancer nos tropes et récits informatiques
De la métaphore fondatrice du nuage (cloud) aux boutons verts en passant par l’émoji bleu du pouce levé, nos interactions numériques incarnent, à l’instar des discours dominants sur le sujet, un programme capitaliste bien précis : celui d’un fétichisme de la marchandise technologique que l’on se contente de consommer puis de mettre au rebut sans comprendre son fonctionnement. Par ailleurs, ces interfaces et métaphores cachent les assemblages humains, matériels et environnementaux complexes qui, au fondement-même de nos processus numériques, les pilotent et les optimisent. À partir de ce constat, l'article s'adresse aux artistes et aux concepteur·rices d'interaction désireux·euses de s'engager de manière critique dans la technologie et ses «boîtes noires » ; il souligne l'importance d’un rapprochement du design, des sciences sociales et du travail ethnographique de terrain et, dans cette optique, postule que les designers peuvent, d’abord, mieux comprendre le cycle de vie et les infrastructures de nos objets électroniques puis, ensuite, créer des artefacts pour critiquer ou nuancer ces récits et croyances dominants autour de «l’immatérialité » numérique.
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Un socle pour les systèmes numériques
Réalisée en collaboration avec Victor Galvão, qui en a également créé le son, cette vidéo de Mabe Bethônico découle d’un article de Lee Mackinnon intitulé « Technologies of Romance : Mineralogy : a digital account », publié dans le Science Museum Group Journal en 2019 et reconstruit pour l’occasion à l'aide de la technique du cut-up. Difficilement saisissables, ses parties textuelles se rapportent rythmiquement à l'environnement de travail des sites d'extraction d'où proviennent les principaux minéraux utilisés dans nos appareils électroniques ainsi qu'aux grandes surfaces de vente spécialisées dans ce domaine. Mabe Bethônico en a filmé les images à Minas Gerais et en Suisse, mais la vidéo comprend également du contenu provenant de son projet « Museum of Public Concerns », une archive visuelle compilée à partir de multiples sources, avec la participation de différent·es contributeur·rices. Les documents en questions comprennent notamment un rapport des services d’incendie sur la catastrophe de Brumadinho ; des images produites par des membres de la communauté Maxakali du Minas Gerais ; ou encore de photos prises par des inspecteur·rices du ministère brésilien du travail et de l'emploi. Le récit invite à réfléchir aux ramifications environnementales et sociales des dépendances technologiques et rappelle ainsi les coûts d’une innovation toujours plus axée sur le pratique.
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Le milieu, c’est le message.
Matérialités du numérique et nouveau théâtre d'opérations visuelles
Il existe aujourd'hui un plan où la bataille des images fait rage, un plan infra-iconique où se détermine largement le sort des images et de celles et ceux qui les regardent, mais aussi des choses qui les regardent, entités non humaines de vision artificielle. Il s’agit du plan des infrastructures technologiques computationnelles et des normes qui déterminent leur fonctionnement; celui du codage de la réalité en information, de la numérisation et du stockage des données. C’est dans le lieu de la technique, lieu double de l’infrastructure matérielle et du code informatique, que se joue le sort de nos libertés et de nos imaginaires, et celui des images avec eux.
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Kasiterit
Un guide spéculatif pour Bangka
Un tiers de l'approvisionnement mondial en étain provient d'extractions sur l'île de Bangka en Indonésie. Il s’agit du minerai le plus concerné par les développements technologiques à venir, notamment ceux de l'intelligence artificielle et des énergies renouvelables. Natascha est une IA solaire qui, dans le court-métrage de Riar Rizaldi Kasiterit, retrace sa généalogie et la vérité de son origine, de la liquidité du capital à la dynamique du travail. Avec sa voix féminisée – comme l’est souvent celle des assistant·es vocaux·ales produit·es par des entreprises technologiques à partir de l’IA –, Natasha raconte l'émergence de l'étain sur l'île de Bangka ainsi que sa propre existence à iel, du point de vue de l'anthropologie tropicale de la nature, de la théorie de la valeur, de la philosophie du temps, des mutations génétiques, de la géopolitique et de l'automatisation. Kasiterit peut être visionné sur le site web d'Issue de la mi-juillet à la mi-août 2024, accompagné d'un extrait de la recherche doctorale de Riar Rizaldi.
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AIAIA Sweatshop
L'exposition AIAIA Sweatshop (qui s'est tenue du 17 mai au 21 juin 2024 à l'artist-run space àDuplex, à Genève) a exploré par les moyens de l'art, derrière les résonances médiatiques de l'acronyme IA/AI, certains paradoxes des dimensions matérielles de l'intelligence artificielle. En une série de "salles ", étaient mis en situation et en question ses rapports à l'histoire, aux machines, au corps, aux identités et à la technopolitique, loin des images éthérées, fascinantes ou effrayantes, d'une nouvelle puissance technologique autant immatérielle qu'inexorable. Cette exposition est née d'une collaboration entre le séminaire d'Humanités numériques de Béatrice Joyeux-Prunel à l'Université de Genève et du séminaire de Work.Master de David Zerbib à la HEAD.
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«Accompagner celles·eux qui vont faire l’histoire du cinéma »
Entretien avec Anita Hugi par Julie Enckell
Dans les sièges d’une salle de cinéma, Julie Enckell s’entretient avec Anita Hugi, responsable du Département Cinéma à la HEAD depuis septembre 2023. Celle-ci revient sur son parcours de cinéphile, son intérêt pour l’histoire, et ses multiples casquettes professionnelles de réalisatrice, programmatrice, directrice de festival et professeure. Durant la discussion se dessinent les lignes de force de ses multiples engagements : d’un travail au long cours sur la visibilisation des femmes artistes et cinéastes suisses aux réflexions sur les formes de participation des spectateur·ices, en passant par la défense d’une relève du cinéma suisse qui trace des voies inédites et enthousiasmantes.
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Mawtini
Cœur à corps cybernétique
Le court-métrage Mawtini, premier shōnen suisse signé par la réalisatrice Tabarak Allah Abbas, film avec lequel elle est ressortie diplômée du Département Cinéma de la HEAD – Genève en 2023, a convaincu ses premier·ères spectateur·ices. Ce bijou d'animation a remporté plusieurs prix, dont le prix Art Humanité de la Croix-Rouge et le prix Opening Scenes lors de la dernière édition du festival documentaire Visions du Réel. Fusion entre l’animation japonaise et l’univers traditionnel irakien, le film nous plonge au cœur du Bagdad des années 90, dans une réalité où les êtres humains sont envahis par des robots tueurs. Dans ce contexte de guerre, un jeune couple et leur première née décident d’adopter les caractéristiques de ces machines froides et efficaces pour quitter la ville.
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Voyage Voyage, la musique comme véhicule
L'article propose une réflexion à partir de la chanson Voyage Voyage (Desireless, 1987), qui fonctionne d'après l'auteur de façon performative : il s’agit moins de nous convaincre d’explorer un jour le monde que de nous permettre d’effectuer avec la chanteuse un voyage virtuel qui dure le temps de la chanson.
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Dossier #23
Géographie enchantée
Bienvenue à bord de la géographie enchantée !
Parce que sans chansons pas de lieux, pas d’histoires, pas de révolutions, pas de souvenirs ni love story… Bref, sans elles le monde ne serait pas tel qu’il est.
Jacques Demy disait qu’il faisait des films enchantés comme d’autres font des films en couleurs. Ses deux comédies musicales, Les Parapluies de Cherbourg (1964) et Les Demoiselles de Rochefort (1967), ont enchanté le public, mais aussi les deux villes. Dans l’imaginaire géographique, elles sont désormais indissociables de l’univers de Jacques Demy, des mélodies de son compositeur fétiche Michel Legrand et des années 1960. Plus récemment, Damien Chazelle – largement inspiré par l’œuvre du cinéaste et du musicien français – réenchante Los Angeles avec les chansons de La La Land (2017).
Géographie enchantée ? On sait bien que les romans, les tableaux et les films marquent les lieux. Mais on n’a guère été attentif aux chansons. Elles traduisent l’air du temps, rythment nos existences et participent des récits mémoriels. On pense moins à leur géographie. Pourtant que seraient Paris sans Édith Piaf, Lisbonne sans le Fado, Liverpool sans les Beatles ? Que seraient nos expériences des lieux sans les chansons qui souvent les accompagnent ? On ne compte pas les endroits qu’une chanson a rendus populaires et imprégnés de sens. Les chansons, qu’elles portent sur un lieu réel (une ville, un quartier, un pays…), imaginaire (le paradis), ou un type de lieu (l’île, le lac, la rue…) participent à l’enchantement du monde en le chargeant d’émotions. N’en déplaise à Max Weber pour qui la modernité procède d’un "désenchantement du monde[note]Max Weber, L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, Presses électroniques de France, 2013 [version originale allemande : 1905].[/note] ».
Le rapport entre chansons et lieux ainsi que leurs effets sur le monde est au cœur de la géographie enchantée. Le projet est né au moment où je travaillais pour le département de géographie de l’Université de Genève à la conception d’expositions[note]Expositions « Frontières en tous genres » (2017) et « Quartier réservé » (2022).[/note] et à la réalisation de projets de valorisation scientifique destinés au grand public. Aux côtés du Prof. Jean-François Staszak avec qui j’ai conçu et piloté le projet, nous avions travaillé à différents degrés et dans une perspective de géographie culturelle sur le cinéma, la photographie, la peinture : il nous manquait la musique. L’attention à la culture populaire nécessite de s’intéresser non seulement aux œuvres canonisées par l’histoire de l’art, mais aussi à celles qui n’ont peut-être pas leur place dans les musées, mais en occupent une – majeure – dans nos vies. La musique et les chansons, très peu étudiées en tant que telles par les sciences sociales, sont en la matière particulièrement importantes, notamment parce qu’elles permettent de développer une approche attentive aux émotions, aux sensations et aux ambiances.
C’est ainsi que 2020, nous embarquons pour une géographie enchantée, quelques mois à peine avant l’arrivée du Covid en Europe. Curieuse coïncidence, nous cherchions peut-être déjà un moyen de réenchanter un peu le monde à notre manière.
Aujourd’hui la géographie enchantée c’est :
· Trois livres collectifs qui examinent le rapport entre chansons populaires et lieux : Monde enchanté, chansons et imaginaires géographiques ; Villes enchantées, chansons et imaginaires urbains; Voyage enchanté, chansons et imaginaires du voyage (Éditions Georg, 2021, 2022, 2024, sous la direction de R. Pieroni & J.-F. Staszak); ouvrages qui s’accompagnent d’une série de dix clips vidéo (réalisation Mathieu Epiney)
· Deux expositions : Amsterdam, Bamako, Genève…Mais qui connaît la chanson ? (Bains des Pâquis, Genève, 2024); Voyage enchanté, chansons et imaginaires géographiques (Université de Genève, Salle d’exposition, 2024)
· Un jeu en ligne (disponible dès le 16 mai 2024) — geoenchantee.ch — créé en collaboration avec le département de Communication visuelle de la HEAD — Genève (HES-SO)L’ensemble est le fruit de collaborations vertueuses qui se sont renforcées avec mon arrivée à la HEAD — Genève. J’en profite ainsi pour remercier chaleureusement Julie Enckell et Faye Corthésy qui m’ont proposé la conception de ce dossier, Anthony Masure qui accueille le projet au sein de l’Institut de recherche en art et design de la HEAD (IRAD), Dimitri Broquard, responsable du département de Communication visuelle, ainsi que Juan Gomez et Linda Forestieri qui ont permis la réalisation du jeu en ligne.
Ces différents projets forment aujourd’hui un véhicule pour voyager virtuellement par les chansons populaires et un outil pour penser de façon critique nos manières d’appréhender le monde par la musique. Ceci, car l’enchantement du monde par les chansons s’appuie dans certains cas sur des imaginaires toxiques qu’il s’agit de mettre à nu. On pense notamment à la chanson coloniale (La Petite Tonkinoise, interprétée notamment pas Joséphine Baker) ou plus récemment à Africa (Rose Laurens) où l’Afrique devient le lieu de tous les possibles sexuels, qui ensorcellerait et ferait perdre la raison.
Certains lieux sont créés de toute pièce pour enchanter. Disneyland, par exemple, est décrit comme un ensemble de dispositifs d’enchantement de l’extraordinaire, car ceux-ci sont hors du quotidien et font appel à des spécialistes ainsi qu’à des machines[note]Yves Winkin, « L’enchantement : dispositif et disposition. Rétrospective et prospective », dans Rachel Brahy (dir.), L’enchantement qui revient, Paris, Hermann, 2023, pp. 15-35. https ://doi.org/10.3917/herm.brahy.2023.01.0015[/note]. Ces dispositifs ne sont pas le sujet de la géographie enchantée qui s’intéresse aux lieux plutôt ordinaires (réels ou fictifs) et qui font l’objet d’un processus d’enchantement par la chanson. Cet enchantement repose sur des imaginaires géographiques et se fait dans bien des cas pour le meilleur, mais aussi pour le pire quand ils sont fondés sur des stéréotypes racistes ou/et sexistes que les chansons participent à véhiculer. L’objectif n’est pas de faire le procès des chansons populaires, mais d’en décrypter les ressorts pour pouvoir continuer à danser et à les chanter en étant mieux informé-es à leur sujet.
Ce dossier fait appel à différentes personnes ayant contribué chacune à leur manière à la démarche. Jean-François Staszak, nous embarque dans une analyse critique de Voyage, Voyage (Desireless, 1987) au prisme d’une géographie culturelle attentive aux enjeux postcoloniaux et aux questions d’exotisme. Le voyage se poursuit avec le texte de Laura Saysanavongphet à propos de La Terre est Ronde (Orelsan, 2015). L’auteure met en perspective la chanson avec ses recherches doctorales qui portent sur les premiers tours du monde touristiques de la fin du XIXème. Il y est question de tradition littéraire et touristique et de (dés)enchantement géographique du monde. Puis, on parle scène musicale genevoise et pochettes de vinyles avec Quentin Pilet (Bongo Joe Records) dans un article conduit sous forme d’entretien. Le dernier texte, de Nicolas Leresche, porte enfin sur les enjeux muséographiques des expositions consacrées à la musique. Il revient sur la démarche d’exposition du projet Géographie enchantée pour expliciter les ressorts d’une scénographie qu’on ose ici qualifier de post-représentationnelle. Ceci pour qualifier une démarche guidée par la volonté de conserver au centre de l’expérience du public les émotions (géographiques) suscitées par les chansons.
Les chansons composent la bande-son de nos vies. Elles se superposent aux petits et aux grands moments. Elles se glissent dans le quotidien qu’elles enchantent ou qu’elles teintent de leur mélancolie. Les «chansons géographiques » donnent sens aux mondes que nous habitons et vous ferez peut-être le constat critique et douloureux que certaines d’entre elles que vous adorez vous ont trompé-e. Mais on vous le promet : vous ressortirez en chantant.
Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter un agréable voyage.
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Poétiques du tour du monde
Une réflexion sur les pas d’Orelsan
L'autrice propose ici une réflexion sur les « poétiques » du tour du monde, en essayant de montrer que La Terre est ronde d’Orelsan (2011) se situe dans une longue tradition à la fois littéraire et touristique qui produit un enchantement géographique du monde.
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Voyage enchanté avec Bongo Joe Records
Entretien avec Quentin Pilet (Bongo Joe Records) par Raphaël Pieroni
Raphaël Pieroni s'entretient avec Quentin Pilet, du label Bongo Joe Records, autour des multiples liens entre musique et géographie.
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Chanter au musée
Exposer les imaginaires des chansons géographiques
Exposer la musique populaire soulève des questions d’ordre méthodologique et muséographique, que l’auteur explore à travers l’exemple de l’exposition «Voyage enchanté. Chansons et imaginaires géographiques » présentée dans la salle d’exposition de l’Université de Genève en 2024.
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La longue histoire des transidentités
On a déjà trop entendu celles et ceux qui déplorent que la période actuelle serait marquée par une «épidémie de transgenres ». Ces propos injurieux comparent le fait d’être trans avec une maladie contagieuse, et oblitèrent tout un pan de l’histoire. Ce que la polémique provoquée par cette expression révèle, en creux, c’est que l’on ne sait rien, ou presque, des existences trans antérieures à la période très contemporaine. Elles ont été invisibilisées. Pourtant, essayer de retrouver des traces de celles et ceux qui ont vécu en marge, au-delà ou en dehors des normes de genre propres à leur époque, est une tâche essentielle à la fois pour les personnes concernées, mais également pour historiciser certaines des conceptions actuelles du genre et de la sexualité – au premier rang desquelles la binarité femmes/hommes – et remettre en question leur prétendue naturalité. Plongée au cœur du Moyen Âge, à la recherche de celles et ceux qui faisaient déjà l’expérience du changement de genre. -
Pratiquer l’analyse d’image avec les mèmes
Cet article restitue le travail pédagogique mené autour des mèmes dans le cours d’Analyse de l’image destiné aux étudiant-e-xs de première année du Bachelor Communication Visuelle.
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Dossier #22
Playing with Stories that Matter
Après une première série d’interventions axées sur l’industrie du jeu vidéo en Suisse ayant eu lieu à la HEAD – Genève en mars 2022, le symposium Playing with Stories that Matter : How Narration Drives Innovation in Game Design s'est proposé d'explorer les manières dont la narration stimule l'innovation dans la conception de jeux vidéo. ISSUE publie les captations vidéo des différentes interventions.
Au travers de récits, tensions et gameplay, les jeux nous aident à comprendre les complexités de nos sociétés contemporaines. Pour aborder ce riche sujet, la journée était composée de chapitres explorant différentes facettes du rôle de la narration dans les jeux vidéo.
Le symposium s'est tenu le 12 octobre 2023 et a été organisé par Alexia Mathieu, responsable du Master Media Design, avec l’aide de Delphine Jeanneret, maître d'enseignement dans le département Cinéma, et le précieux soutien de la Fondation Hasler.
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L’influence du jeu vidéo sur le cinéma
À travers plusieurs extraits de leurs films, Caroline Poggi et Jonathan Vinel évoquent l’influence des jeux vidéo sur leur pratique.
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Telling Stories with Robots
Un bref aperçu de projets utilisant l'intelligence artificielle pour raconter des histoires de manière inattendue.
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Play-to-Learn
Anthony Masure et Guillaume Helleu présentent leur projet de recherche portant sur l'utilisation des plateformes et des cultures du jeu vidéo pour explorer les sciences humaines et sociales.
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Why Oatmeal is Cheap
A Fundamental Theorem for Designing Procedural
Une démonstration pratique des promesses et des pièges de la narration générée de manière procédurale.
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Le hors-champ et son double
Est-il possible de réaliser un film documentaire entièrement tourné dans le moteur graphique d'un jeu vidéo ? Comment, à travers le cinéma, raconter la rencontre virtuelle, les émotions et les situations qu'elle provoque ?
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Interactive Design as Creative Discipline
Cette conférence offre des exemples et des idées d'une pionnière dans le domaine de la narration procédurale et interactive.
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The Purpose of Making Games
Dans sa conférence, Léa Schönfelder discute des manières de créer un petit studio dirigé par des femmes, qui développe des jeux vidéo avec une perspective indépendante marquée.
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Making Stories Together
Dans sa conférence, Leslie Astier explique comment tirer parti des soins communautaires et collectifs pour créer de nouveaux types d’histoires interactives.
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Habits de scène, vêtements de vie
Un dialogue avec François Chaignaud, chorégraphe et interprète, mené par Emma Bigé, philosophe et chorégraphe, et Magali Le Mens, historienne d’art, co-organisé par la HEAD – Genève et le Centre Maurice Chalumeau en sciences des sexualités de l’Université de Genève (CMCSS), le 11 décembre 2023
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Jeux de cartes performatifs
Interviews croisées de DD Dorvillier et Douglas E. Stanley
Dans le cadre de leur recherche croisée entre design et arts de la scène, le duo de chercheur·euses Isis Fahmy et Benoît Renaudin a questionné la danseuse et chorégraphe DD Dorvillier et l’artiste et designer Douglas E. Stanley sur leur pratique créative autour des cartes, du jeu et de la performance.
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Dossier #21
Mini-séries contemporaines ou les puissances de l’entre-deux
La production des mini-séries ne cesse de progresser, initiée tant par des chaînes de télévisions que par des plateformes de streaming, portées de plus en plus par des actrices et acteurs venus du cinéma. Des mini-séries telles que Top of the Lake (2013), P’tit quinquin (2014), Chernobyl (2019), Small Axe (2020) ou, encore plus récemment, We Own This City (2022) dessinent une vaste constellation esthétique, induite par des stratégies de production très variées.
La notion francophone de mini-série est très large ; elle se décline, dans le monde anglo-saxon, en sous-catégories aux frontières poreuses : miniserie, limited serie, limited-run serie dans le strict champ télévisuel, anthology mini-serie. La définition communément admise de miniserie s’appuie principalement sur l’autarcie du récit (a self contained narration) et réduit tant la structure que les modalités d’exploitation à un nombre limité d'épisodes (généralement moins de 12), devant être diffusés - dans le cas des limited-run TV series - sur des jours consécutifs et sur une période courte.
Ce colloque, qui a réuni durant deux jours des chercheuses et chercheurs internationaux (Belgique Canada, France, Pays Bas, Suisse), a eu pour ambition d’interroger les puissances esthétiques des mini-séries contemporaines, produites depuis les années 2000, d'analyser la sérialité singulière et les modes de productions qui leurs sont afférents, de questionner leurs modes spécifiques de diffusion.
Quels principes de sérialité sont à l'œuvre dans les mini-séries ? Le nombre limité d’épisodes ainsi que les stratégies de diffusions restreintes dans le temps impliquent-ils des formes narratives différentes de celles des séries au long cours ? Comment l'écriture des espaces, les dynamiques évolutives des personnages sont-elles contraintes par cette «sérialité limitée » ?
Ces questionnements ont été posés à l’aune de deux autres genres étalons que sont, d’une part, les séries (au sens propre du terme) dont les mini-séries seraient une modalité réduite et limitée, et, d’autre part, le cinéma de long-métrage, dont elles constituent un prolongement doté de sérialités. Il est ainsi apparu que les mini-séries constituaient un espace d’expérimentation fécond, souvent libéré des contraintes de formatage, propices à des inventions esthétiques, aux déploiements de formes filmiques singulières, souvent mises en œuvre par des cinéastes venus du long métrage et parfois même du cinéma expérimental ou encore de l’art contemporain.
Image de couverture : Normal People (BBC 3, Hulu, 2020)
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Sérialité générée par les utilisateurs·rices
Transmédiation des frontières des mini-séries sur les "true crimes "
Cette communication examine les mini-séries de documentaires sur les true crimesMaking a Murderer et The Staircase dans le contexte de leur structure transmédia à effet «boule de neige «. Si leur succès repose en partie sur les caractéristiques de diffusion des plateformes de streaming, elles doivent également beaucoup aux activités communautaires de fans dévoué·es sur une variété de plateformes tierces et de réseaux de médias sociaux. Par conséquent, la clôture narrative des mini-séries et des séries limitées sur le thème du true crimeoffre simplement la possibilité d'autres rencontres narratives par le biais de la sérialité transmédia générée par les utilisateurs·rices. Cette structure transmédia amateur incite à reconsidérer les forces qui affaiblissent les frontières de la mini-série en streaming à l'ère numérique.
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Les modalités d’écriture des mini-séries françaises
Cette intervention s’intéresse à la fabrication des mini-séries françaises. Pourquoi créer une mini-série plutôt qu’une série ou un long-métrage ? Est-ce le sujet qui impose le format ? Est-ce plutôt des stratégies productionnelles et financières qui sous-tendent un tel choix ? Comment écrit-on une mini-série ? Écrit-on aussi à plusieurs ? L’oralité est-elle aussi présente dans le processus créatif que dans celui d’une série ? etc. En s’appuyant sur des sources primaires (documents scénaristiques, entretiens, etc.), il s’agit de mener à la fois une analyse pragmatique qui permette de mieux cerner les gestes d’écriture d’une mini-série et d’en comprendre les raisons mais aussi de proposer une analyse socio-économique qui interroge le choix d’un tel format.
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La mini-série "Five Days at Memorial " face aux séries médicales au long cours
Une autre éthique de la catastrophe
La mini-série suit les soignant-es de l'hôpital Memorial (Nouvelle-Orléans) pendant et après le passage de l'ouragan Katrina. La mini-série emprunte aux films catastrophe et aux séries médicales au long cours. Sur un plan éthique, la mini-série déploie une puissance nivelante (puisque tous les personnages sont de passage pour une durée limitée) mais empêche une exploration minutieuse des dysfonctionnements et discriminations systémiques qui ont mené à la catastrophe. Entre long film et série, fiction et documentaire, Five Days at Memorialne met-elle pas en scène uneimpuissancede la mini-série à agir sur le monde ?
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"Small Axe " de Steve McQueen
Vers une sérialité limitée
En 2020, le cinéaste-plasticien britannique Steve McQueen a réuni sous le nom de Small Axe une collection de cinq films autonomes qui ont pour éléments communs un lieu (Londres, quartier Brixton), une communauté en construction (issue de l’immigration jamaïcaine), une époque (les années 70-80), l’essor d’un genre musical (le reggae), et surtout l’omniprésence d’un racisme systémique à l’encontre de cette communauté. Les extensions dans le temps des histoires qui les sous-tendent sont également diverses, allant d’une seule nuit à une période de 10 ans. Si cette anthology mini-serie fut produite à destination des chaînes de TV, certains des films qui la composent ont été toutefois diffusés séparément (New York Film Festival 2020, Festival de Cannes 2020). Quel type de sérialité, diffuse et minimale, la mini-série Small Axe offre-t-elle ?
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Watching "Watchmen " (HBO, 2019), ou la transmédiadaptation de l'Amérique du Nord contemporaine
"Watching Watchmen " (HBO, 2019), entend analyser comment la série télévisée limitée de Damon Lindelof pourrait être considérée comme un exemple d’adaptation transmedia réussie, agissant comme un pont vers une bande dessinée bien connue tout en créant une entité narrative qui tient complètement par elle-même. Comme la série offre une suite à la bande dessinée originale, créant ainsi une expérience narrative transmédia pour les lecteurs·rices/spectateurs·rices, elle met également à jour rétroactivement une partie du contenu original qui a été intentionnellement laissé dans l'incertitude dans la bande dessinée originale et permet à la série de se façonner elle-même dans un arc narratif tout à fait nouveau. Dans cet espace de négociation entre le récit original et la série, l'adaptation prend véritablement forme, car les scénaristes ont adapté aux maux de l'Amérique contemporaine ce qui avait fait la pertinence de Watchmen lors de sa sortie originale.
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"The Third Day ", renouveler l’espace sériel
The Third Day est une mini-série composée de six épisodes. Un septième épisode, Autumn, s’inscrit à la jonction entre les deux parties. Il a été tourné en direct le 3 octobre 2020 durant une période continue de douze heures sous la forme d’un unique plan-séquence. La diffusion de cet épisode s’est faite en Facebook Live. La présente contribution a pour ambition d’interroger l’inventivité formelle d’Autumn. En quoi cette expérience d’hybridation audiovisuelle a-t-elle été rendue possible dans le cadre des formats télévisuels contemporains ? Comment s’inscrit-elle dans les processus de lecture participative en ligne ? De quelle façon cet épisode renouvelle-t-il les questionnements relatifs à la façon de filmer l’espace de la fiction ?
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La star comme autrice
Nicole Kidman et la mini-série
Cette intervention propose une exploration du corpus de mini-séries « de » Nicole Kidman, c’est-à-dire qu’elle produit et/ou interprète : Big Little Lies (2017-2019), The Undoing (2020), Nine Perfect Strangers (2021)... Il s’agira d’analyser les fonctions de la mini-série pour la star (une production de prestige qui est une alternative au long-métrage de cinéma, et qui lui permet de se repositionner comme autrice), en prenant en compte les spécificités économiques et formelles qui distinguent ces étonnants star vehicles qui portent la « marque Kidman ».
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Puissance de l’entre-deux, un standard de la série japonaise
La notion de mini-série apparaît au Japon comme le format standard des dramas télévisiuels. Composées le plus souvent d’une dizaine d’épisodes, les séries sont des récits fermés ou l’intrigue posée à l’initiale trouve son dénouement dans l’épisode de fin, sans ouverture possible et donc sans suite. S’appuyant sur les séries Dragon Zakura (ドラゴン桜, 2005) et Kekkon dekinai Otoko (結婚できない男, L’Homme qui ne pouvait pas se marier, 2006) cette communication analyse des modalités structurelles et esthétiques des dramas japonais, de leur évolution dans le temps et du lien qui existe entre dramas et fil de cinéma.
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Normal People : liaisons et déliaisons
Dès la première séquence de Normal People, la dynamique des liaisons et déliaisons entre Marianne et Connell, qui constitue la substance narrative de la série, structure la mise en scène : dans un des couloirs de leur lycée, Marianne et Connell partagent le même espace (liaison), mais ne s’adressent pas la parole (déliaison), tout en se lançant des regards furtifs, chacun étant attiré et troublé par la présence de l’autre (liaison), en feignant néanmoins l’indifférence (déliaison). Ainsi iront leurs amours pendant les 4 ans de vie que couvre la série : ils forment le tissu d’une chronique sentimentale faite d’attirance magnétique et de désir incommensurable, autant que de blessures, de déceptions et de ruptures déchirantes. Liaisons et déliaisons semble représenter la matrice de la moindre de leur parole et du plus anodin de leur comportement, comme du plus sublime ou du plus indigne de leurs agissements. Ce sont aussi les choix esthétiques de la série qui figurent ce jeu incessant de liaisons et de déliaisons. Mais, on envisagera surtout ces liaisons et déliaisons au prisme du format de cette mini-série. Car la brièveté des épisodes, avec leur écriture elliptique ou leur temporalité dilatée, n’est-elle pas un moyen de rendre sensible l’enchaînement chaotique de ces liaisons et déliaisons ?
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Du grand écran au petit écran
Convertir un film en mini-séries
Cette présentation examine l'histoire et la pratique de la conversion de longs métrages en mini-séries, qui a récemment été relancée par diverses plateformes de streaming comme moyen d'augmenter l'audience et de générer plus de contenu. On analyse les effets de cette pratique en comparant différentes versions de plusieurs exemples représentatifs, et se concentrera principalement sur la façon dont le processus de re-montage génère une nouvelle structure narrative et une focalisation narrative plus dispersée qui modifie notre compréhension antérieure des films en question.
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Du club de lecture à la mini-série, la stratégie de Reese Witherspoon
Dans cette communication, nous proposons une analyse du mode de production et de diffusions des mini-séries, adaptées de roman, produites par les sociétés de production de l’actrice et productrice Reese Witherspoon, Pacific Standard et Hello Sunshine. Nous nous intéresserons tout particulièrement au lien entre le Reese’s Book Club, le club de lecture de Reese Witherspoon et les mini-séries Big Littles Lies (2017 et 2019) et Little Fire Everywhere (2020).
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Top of the Lake : mini-série auteuriste ?
La pratique sérielle met en jeu une réception souvent orientée autour du suspense. Mais Top of the Lake particularise son traitement du suspense par le biais de ralentissements ménagés dans le récit, constituant un frein à la progression de l’intrigue. Ces ralentissements sont d’autant plus sensibles dans une série dont la durée est limitée, et l’on s’interrogera sur la manière dont ils déjouent l’illusion d’un récit prioritairement centré sur la fabula. Nous aborderons ensuite la question de l’esthétique sérielle. Top of the Lake revient de façon récurrente sur des séquences qui concentrent le mystère dans l’intrigue, et ces retours déterminent des effets spécifiques sur le spectateur.
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We Own This City, une coda pour The Wire
Avec We Own This City (2022), David Simon retrouve Baltimore, sa ville de prédilection. En se basant sur l’enquête à peine romancée de Justin Fenton, il propose une mini-série aussi sèche dans son récit qu’implacable dans son réquisitoire contre les violences perpétrées par le BPD (Baltimore Police Department). Ce qui nous intéressera ici, c’est le passage du temps long des cinq saisons de The Wire au temps court de We Own This City. Qu’est-ce que cela induit en termes de récit, de focalisation ? Quelle réécriture de l’enquête de Justin Fenton cela a-t-il nécessité ? Quelle temporalité, particulièrement fragmentée, met en œuvre cette saison unique ? C’est à ces questions que nous tenterons de répondre dans notre conférence.
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Hybridations, entre-deux, effet-film et effet-mini-série dans The Red Riding Trilogy
Produite par Channel 4, The Red Riding Trilogy (2009) constitue un objet audiovisuel pour le moins singulier. D’une part, chaque volet de la trilogie vise à offrir au regard du spectateur les apparences d’une autonomie. D’autre part et en sens inverse, cette fiction en trois temps met à contribution une connectique narrative dont le but est de produire, entre les différents segments, de discrets et subtils effets de micro-sérialité. L’objet de la présente communication est d’étudier au plus près cette dialectique singulière entre autonomie et interdépendance, notamment en tant qu’elle revient à brouiller les frontières établies entre film de cinéma et mini-série.
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Dossier #20
Écopédagogies
Ce numéro d’ISSUE regroupe une série d’articles autour de la notion d’écopédagogie, terme que nous avons placé, depuis mars 2023, au cœur d’une recherche intitulée Faire éco. Co-créations artistiques en milieu scolaire pour expérimenter une écopédagogie[note]Recherche soutenue par le Réseau de Compétences Design et Arts Visuels de la HES-SO.[/note].
La notion d’écopédagogie est basée sur la conviction que l’éducation, si elle ne peut à elle seule changer le monde, est un outil dont on ne peut pas se passer pour le faire. L’écopédagogie remet en cause, comme l’ont toujours fait les pédagogies critiques auxquelles elle s’arrime, la compétition individuelle, les rapports d’oppression et les inégalités, tout en s’attaquant au mythe de la croissance perpétuelle, à la globalisation néolibérale, à la surproduction et à l’extractivisme, en s’inscrivant notamment dans les critiques de l’exploitation sous toutes ses formes, ouvertes par l’écoféminisme[note]Voir Isabelle Fremeaux, « Après la séparation : utopie et écopédagogie », dans Des utopies réalisables, dir. I. Fremeaux, J.P. Berlan, T. Paquot et J. Jordan, Genève, A.Type éditions, 2013, p. 109-116; Émilie Hache, «Pour les écoféministes, destruction de la nature et oppression des femmes sont liées. », Reporterre. Le quotidien de l’écologie, octobre 2016, https ://reporterre.net/Emilie-Hache-Pour-les- ecofeministes-destruction-de-la-nature-et-oppression-des-femmes, dernière consultation le 3.10.2023.[/note].
Les auteurices de l’écopédagogie nous montrent qu’une telle pédagogie a vocation à être envisagée de manière intersectionnelle, c’est-à-dire en prenant en compte les différentes injustices et biais qui forgent notre rapport à l’environnement[note]Angela Antunes et Moacir Gadotti, « Ecopedagogy as the appropriate pedagogy to the Earth charter process », dans The Earth Charter in action : Toward a sustainable world, dir. P.B. Corcoran, KIT Publishers, Amsterdam, 2005, p. 135-137 ; Richard Kahn, «From Education for Sustainable Development to Ecopedagogy : Sustaining Capitalism or Sustaining Life ? », Green Theory & Praxis : The Journal of Ecopedagogy, vol. 4, n° 1, juin 2008, p. 1-14 ; Richard Kahn, Critical pedagogy, ecoliteracy, & planetary crisis : The ecopedagogy movement, New York, Peter Lang, 2010a ; Richard Kahn, «Ecopedagogy : An Introduction », Counterpoints, vol. 359, 2010b, p. 1-33; Ria Ann Dunkley, «Learning at eco-attractions : Exploring the bifurcation of nature and culture through experiential environmental education », The Journal of Environmental Education, vol. 47, n° 3, 2016, p. 213-22; Irène Pereira, «L’éco-pédagogie : une conscience planétaire », Le Courrier, 3 août 2018, https ://lecourrier.ch/2018/08/03/leco-pedagogie-une-conscience-planetaire/, dernière consultation le 3.10.2023.[/note]. Ainsi, il ne saurait être question d’écopédagogie sans une approche décoloniale, qui comprend l’origine du désastre écologique actuel à l’aune de la colonialité[note]Malcolm Ferdinand, « Pour une écologie décoloniale », Revue Projet, n° 375, 2020, p. 52- 56, https ://doi.org/10.3917/pro.375.0052, dernière consultation le 3.10.2023.[/note].
L’écopédagogie place la question de la relation humain/environnement au cœur de l’expérience d’apprentissage et cherche à sortir d’une vision strictement anthropocentrée pour favoriser des changements durables de nos modes de vie. Pour Antonia Darder, spécialiste des pédagogies critiques, « il ne suffit pas de s'appuyer uniquement sur des processus cognitifs abstraits, où seule l'analyse des mots et des textes est privilégiée dans la construction du savoir », car un « tel processus éducatif d'éloignement a pour effet d'aliéner et d'isoler les élèves du monde naturel qui les entoure, d'eux-mêmes et les uns des autres [renforçant] une lecture anthropocentrique du monde, qui nie et néglige la sagesse et la connaissance en dehors des formulations occidentales »[note]Dans Kahn 2010a, p. xv. Notre traduction.[/note].
Pour sortir de cette impasse et favoriser un tournant écologique global, profond et durable, nous formulons l’hypothèse que les pratiques artistiques en co-création peuvent jouer un rôle clé dans un processus d’éducation à une écologie entendue au sens large. L’art, du fait de sa nature transdisciplinaire et de sa capacité à travailler sur les émotions et le psychique (comme le montra Félix Guattari[note]Félix Guattari, Les trois écologies, Paris, Galilée, 1989.[/note]), peut en effet être un espace privilégié pour aborder l’écologie dans toute sa complexité et inventer des formes nouvelles de relation au monde[note]Bruno Latour parle quant à lui aussi de l’importance de l’art pour faire face aux sentiments d’angoisse que les bouleversements écologiques provoquent. Voir Bruno Latour, « Avec le réchauffement, le sol se dérobe sous nos pieds à tous », Libération, 16 mars 2018, https ://www.liberation.fr/debats/2018/03/16/bruno-latour-avec-le-rechauffement-le-sol-se-derobe- sous-nos-pieds-a-tous_1636709/, dernière consultation le 3.10.2023.[/note]. Ainsi, la production collective de formes artistiques relève d’une démarche de recherche, et nourrit une production de connaissances dans laquelle s’intègrent les ressentis et les imaginaires de celleux qui s’impliquent dans de telles démarches.
L’une des manifestations de la première phase de la recherche Faire éco. Co-créations artistiques en milieu scolaire pour expérimenter une écopédagogie a été l’organisation d’Ecopedagogy, a series of talks, un rendez-vous public en ligne, rendant ainsi possible des discussions sans limitation géographique, auquel sept artistes et travailleureuses culturelles ont participé, avant de rédiger les articles présentés ici.
S’iels n’utilisent pas spécifiquement le terme d’écopédagogie pour parler de leurs pratiques, nous leur avons demandé, pour leur intervention, de penser ces dernières en lien avec ce terme. Ces invité·e·s ont en commun de penser la pratique artistique comme un processus consistant à faire avec d’autres, à dépasser la production artistique matérielle pour donner priorité à la relation, en développant des formes que l’on pourrait qualifier d’écosophique[note]Ibid.[/note] — soit une écologie mêlant dimension environnementale, sociale et mentale.
Pour ces auteurices, les questions de durabilité ou d’écologie, même lorsqu’elles ne sont pas abordées comme un thème, sont donc au centre de l’approche éthique qu’iels mettent en œuvre en favorisant des approches locales, collectives et à visée transformative, dépassant les enjeux de la représentation. Iels nous proposent ainsi des pistes de réflexion essentielles pour repenser les formations obligatoires et supérieures, dont celles de l’école d’art, en prenant la mesure de l’urgence climatique.
Si l’écopédagogie s’ancre en Amérique Latine (la notion est née dans les années 1990, dans les écrits du costaricain Francisco Gutierrez et du brésilien Moacir Gadotti[note]Irène Pereira, op. cit.[/note]), le terme est de plus en plus présent dans le domaine académique d’autres régions, en particulier aux États-Unis. Son usage en Europe reste néanmoins limité. Les propositions pour mener des actions réelles à partir de ces réflexions sont rares, et il semble ainsi difficile de traduire ces contenus théoriques et les imaginaires qu’ils portent dans une pratique concrète et située de l’écopédagogie. Bien que de nombreux·euses auteurices soulignent le rôle capital que l’art peut jouer pour encourager à l’action pour le climat, la manière dont cela devrait se faire est par ailleurs peu discutée. Si l’on assiste à une multiplication de formats (de médiation, d’ateliers créatifs…), si les démarches se multiplient, les outils pour les évaluer de façon qualitative doivent encore être conceptualisés.
L’une des ambitions de la présente recherche est de combler ce manque en cherchant et étudiant des exemples concrets d’actions écopédagogiques engageant des artistes (comme les exemples présentés ici) et en menant trois projets de co-créations artistiques entre des artistes intervenant·e·s (trois alumni du master TRANS — : Grace Denis, Aurélien Fontanet et Lavinia Johnson), des élèves de classes de l’école obligatoire, ainsi que leurs enseignant·e·x·s[note]En dialogue avec le Département de l’instruction publique de Genève, ces actions, menées par Grace Denis, Lavinia Johnson et Aurélien Fontanet, prendront place tout au long de l’année scolaire 2023-24.[/note]. À la fin du processus, une exposition-forum présentera les co-créations réalisées à LiveInYourHead[note]Exposition prévue en automne 2024.[/note]. Cette exposition sera notamment pensée comme un lieu de formation pour tout·e·x enseignant·e·x ou éducateur·ice·x désirant développer des pratiques similaires.
Image de couverture : Voyage d’étude basé sur les principes de l’écopédagogie, master TRANS –, Saint-Cergue, mai 2022.
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Les aspects micropolitiques et holistiques des écopédagogies
Le capitalisme cognitif d’aujourd’hui fonctionne sur la logique du séparatisme, qui exige l’auto-marchandisation et l’auto-représentation : une logique de l’extériorité qui, comme nous le savons, est également inscrite, par exemple, par les médias sociaux. De même, la consommation omniprésente des médias, la notion de spectateur·rice·x, l’observation, le statut de témoin et le regard extérieur sont des qualités dont la société actuelle est abondamment saturée, et qui contribuent aux efforts des acteurs·rices·x du capitalisme tardif cognitif et de surveillance dans le construction d’hyper-individualisme. La sensation de séparation et l’apathie sont des états émotionnels qui manipulent et éloignent les sujets de leurs propres efforts sociaux et expressifs.
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Se préparer au "Pas encore "
Comment pouvons-nous évoluer vers un désir partagé de la façon dont nous aimerions vivre ? Comment agir afin d’améliorer notre propre vie ou situation, tout en servant une approche collective ? Ce sont des questions qui doivent être abordées dans chaque cadre de vie – en ville comme ailleurs.
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Jouer dans le vide
L'écopédagogie
Je souhaite écrire sur ma pédagogie, qui est basée sur la performance, en relation avec une recherche textuelle plus explicitement politique. Ceci afin de mettre en évidence d'importantes tensions issues de la pratique, et de pointer quelque chose sur les relations entre savoir et enseigner dans notre monde en mutation.
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Quelques idées en cours d’élaboration de lignes directrices vers une sensibilité durable pour la pratique créative
Les réflexions présentées ici font suite à un exposé que j’ai donné en novembre 2022 dans le cadre d’une série de discussions sur l’écopédagogie organisée par le master TRANS — Pratiques artistiques socialement engagées (HEAD —Genève). L’intervalle entre cette présentation et cette publication m’a donné le temps et l’espace pour faire évoluer ma compréhension d’une sensibilité durable pour la pratique créative. Au lieu d’une conclusion, ce texte se termine par quelques idées en cours d’élaboration de lignes directrices choisies parmi une liste plus longue. Elles représentent une affirmation mais aussi une extension de la position que j’ai proposée en 2022. -
Pour un art profondément écologique
Ou l’écologie à partir de l’art
Dans l’art contemporain, un secteur professionnel basé sur l’économie de marché globalisée, et où j’ai travaillé pendant plus de vingt ans comme chargée de production, commissaire d’exposition, puis directrice, principalement en institutions publiques, la conscience écologique n’a guidé mes choix que très tardivement. La priorité était généralement donnée à la production du projet de l’artiste, à sa diffusion et à sa transmission, sans que le paradigme écologique n’interfère, ou si peu, dans la liberté de créer et de programmer.
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L'université indiscutée
Pratique artistique et transformation institutionnelle vers l'écopédagogie
En tant qu'artiste travaillant de manière collaborative, ma pratique artistique a activé des actions dans des contextes publics, tandis que le fait de travailler dans des universités a permis de payer mon salaire et de soutenir ma pratique artistique grâce à des subventions de recherche. En 2012, pour faire face à la crise socio-écologique, j'ai introduit ma pratique artistique à l'Université des Arts de Londres (UAL) où je travaille. En faisant des interventions conceptuelles, je me suis heurté à la séparation entre le discours académique ou artistique, et les pratiques de l’administration de l'université.
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Paysages déshydratés
Si vous lisez ce texte sur un écran d'ordinateur, il est possible que vos yeux s'assèchent. L'exposition prolongée à des écrans électroniques lumineux fait que nous clignons moins des yeux et que la lubrification se réduit, ce qui peut entraîner un état connu sous le nom de «sécheresse oculaire », provoquant une gêne et affectant gravement notre vision. Alors que nos globes oculaires se déshydratent devant les écrans, on estime qu'environ 33% du globe terrestre subit actuellement des processus d'aridification. Outre le réchauffement climatique, la cause la plus immédiate de l'aridification dans le monde est l'utilisation inappropriée des terres par l'élevage et l'agriculture conventionnels.
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À quoi une école d'art forme-t-elle ?
Trois parcours singuliers d'alumni·ae
La question posée en titre de cet article n’a rien de rhétorique. En effet, seule une petite minorité des diplômé·es en arts visuels de la HEAD – Genève poursuit une carrière d’artiste passant par des expositions en galeries et en institutions publiques. L’écrasante majorité opte pour des parcours moins fléchés ; certain·es inventent même leur profession. Avec l’intention de mieux valoriser et soutenir la richesse de ces trajectoires où s’expriment des formes de poésie et un désir d’autonomie cultivés pendant les études, le département Arts visuels a invité au printemps 2023 quelques alumni·ae à raconter leur parcours professionnel, dont nous publions des extraits. Récits d’un créateur de masques pour le théâtre, d’une cinéaste et d’un « artiste-cueilleur ».
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The kaleidoscopic effect
Tout en faisant de nous autres humains, les créatures les mieux renseignées de cette terre, nos modes de communication contemporains nous coupent d’un rapport direct et incarné à notre environnement. S’interrogeant sur cette anomalie dans son mémoire de master en arts visuels, Ani Kocharyan spécule de nouvelles interactions purement physiques entre les choses. Reprenant le concept de corps-sans-organe de Deleuze et Guattari, elle envisage un monde de la communication radicalement inclusif, sans organisation ni finalité, où divers corps désirants forment des entités et des significations temporaires poétiques. -
Incarnation des spectres
Entretien avec Clélia Zernik sur les fantômes au cinéma
Le septième art est « l’art du fantôme » disait Jacques Derrida. C’est ce que démontre dans son brillant essai L’attrait du fantôme (2019), co-écrit avec Erik Zernik, la professeur d’esthétique aux Beaux-arts de Paris Clélia Zernik. Selon l’autrice, le spectre et le spectral nous sont nécessaires, car ils apportent un éclairage fondamental sur la co-présence du visible et de l’invisible. Organisé ce printemps pour les étudiant·exs en première année Cinéma de la HEAD – Genève, son workshop a permis de lever le voile sur cette fantomachie du septième art, d’explorer comment les spectres apparaissent à l’écran, mais également comment l'image en mouvement – plus encore que la photographie – est ontologiquement fantomatique. Entretien.
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Conversation autour de "End Credits "
Le FBI a surveillé pendant des années les activités du couple Eslanda et Paul Robeson engagé dans la lutte pour les droits civiques et sympathisant·es communistes aux États-Unis. L’artiste Steve McQueen a rendu cette surveillance visible à travers une œuvre qui combine le défilement pendant plus de douze heures des documents d’archive expurgés d’informations sensibles du bureau d’enquête et des enregistrements sonores. Dans le cadre du projet de recherche FNS et HEAD – Genève « Decolonizing Socialism. Entangled Internationalism », Doreen Mende (HEAD – Genève, HES-SO) s’est entretenue avec l’artiste au sujet de cette œuvre et de ces figures intellectuelles et militantes qui ont contribué au panafricanisme ainsi qu’aux échanges entre Est et Ouest pendant la guerre froide.
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À la recherche de l’utilisatrice
Représentations genrées dans les publicités pour ordinateurs
Ce texte propose une étude iconographique de la figure de l’utilisatrice d’ordinateur à partir de brochures publicitaires de la deuxième moitié du XXe siècle. Quelles situations fictives ces photographies commerciales représentent-elles ? Et surtout quels rôles de genre définissent-elles pour les femmes ? Par l’étude des images, le texte soutient l’hypothèse que le boom de l’informatique personnelle et la naissance du concept d’ «utilisateur » dans les années 1980 ont conduit à déconstruire l’image de l’ordinateur comme machine féminine.
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Dossier #19
Formes de création bas-carbone : conférences Talking Heads
Ces dernières années, la crise climatique a forcé les milieux de l’art, de la mode, de l’architecture, du design, de la danse, du théâtre, du cinéma ou de la musique, à se questionner sur l’empreinte carbone de leur industrie et à prendre des mesures pour réduire leurs émissions de CO2. Mais si nous avons plutôt entendu parler de mesures prises à l’échelle organisationnelle, relatives aux modes de production, de transport ou de monstration, d’encadrement des œuvres, –comme par exemple faire des visioconférences plutôt que de longs déplacements en avion, réutiliser les cimaises dans les musées plutôt que les jeter, adapter les éclairages pour être moins gourmand en énergie, trier les déchets, etc. – il a moins été question de l’œuvre d’art elle-même, de la manière dont la crise climatique est en train de transformer le contenu et le contenant de l’art, le signifié et le signifiant de l’œuvre, le sujet autant que la forme et le matériau même de la création. Ce cycle de conférences Talking Heads consacré à la création bas carbone examine de quelle manière le nouveau régime climatique révolutionne la nature même de l’œuvre d’art, sa raison d’être, ses valeurs mais aussi ses critères esthétiques et finalement la beauté. Toutes les conférences sont à visionner en vidéo.
Image de couverture : thermographie de Pauline Julier
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There's plenty of room at the bottom
Talking Head avec Marie-Sarah Adenis
Faisant le constat des limites du discours scientifique qui, en l’absence d’un récit porteur, ne parvient pas à fédérer les populations autour du défi commun de la sauvegarde du vivant, la designer et artiste Marie-Sarah Adénis développe un travail hybride entre cosmologie et cosmogonie. Ses projets se concentrent sur les échelles de l’ADN et des cellules qu’elle met en scène dans des représentations où l’histoire du vivant se déploie sous des formes narratives ou mythologiques. En marge de cette pratique de fabuliste contemporaine, l’ancienne chercheuse en neurosciences mène des expériences avec des bactéries afin de développer des pigments écologiques. Dans cette conférence, elle insiste sur la dimension centrale du storytelling dans notre monde en «crise de sensibilité ».
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Comment le climat transforme la mode ?
Talking Head avec Cecilia Llorens
Marque connue pour ses chaussures confortables aux couleurs vives et au design ludique, Camper est aussi très investie dans la durabilité de ses produits. Dès l’origine, l’entreprise fondée en 1975 à Majorque, a employé des chutes de cuir ou de caoutchouc de pneus. Invitée de cette Talking Head, Cecilia Llorens, directrice de production chez Camper, explique comment la marque poursuit cette politique de réduction de l’impact environnemental de ses chaussures par des modèles monomatériaux, l’usage de ressources certifiées ou recyclées, et même l’introduction de matières compostables. En parallèle, Camper cherche à augmenter la durée de vie de ses produits et prône une communication à contre-courant avec le slogan : «Si vous n'en avez pas besoin, ne l’achetez pas ».
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Le style anthropocène
Talking Head avec Philippe Rahm
S’appuyant sur son approche climaticiste, l’architecte et initiateur de ce programme de conférences Philippe Rahm, conclut ce cycle en rappelant les défis actuels pour la création. Il insiste sur l’importance de prendre en compte le réchauffement climatique dans la culture et de s’organiser pour l’estomper en donnant la priorité à un cadre de pensée et d'action matérielle etpratique. Réengager le principe dialectique du matérialisme historique l’amène à imaginer le scénario, peut être inévitable, d’un style culturel de l’anthropocène, où les films seraient tournés à la bougie, afin que les projecteurs consomment moins d’électricité lors des séances, où la danse contemporaine serait moins acrobatique afin de limiter la consommation en nourriture des performeur·euses, et où les designers et architectes inventeraient des objets aux composants qui limitent les pertes de chaleur en hiver et nous maintiennent au frais en été.
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Numérisation et crise environnementale
Talking Head avec Gauthier Roussilhe
Il y a près de vingt ans, des organisations aussi diverses que le WWF ou le Forum économique mondial de Davos faisaient la promotion du numérique comme solution pour régler la crise climatique. Cet optimisme technologique s’est nuancé ces dernières années en raison de la prise de conscience de l’impact environnemental du secteur. Dans cette conférence, Gauthier Roussilhe, chercheur et consultant spécialisé dans les enjeux environnementaux de la numérisation, présente un état des lieux des apports positifs et négatifs du numérique. Formé en tant que designer, il s’appuie non seulement sur des études scientifiques mais aussi sur des créations qui matérialisent l’empreinte carbone du numérique.
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No Emission No Exploitation
Talking Head avec Yasmin Afschar, Vanessa Billy, Elise Lammer
Les curatrices Yasmin Afschar et Elise Lammer sont à l’origine du manifeste No Emission No Exploitation qui vise à inscrire dans la production d’art et d’exposition une approche découplée de la consommation d’énergie fossile tout en favorisant la justice sociale. Leur initiative cherche à nourrir le dialogue avec les artistes autour de ces problématiques. Elles s’associent pour cette conférence à l’artiste Vanessa Billy, dont le travail de sculpture et d’installation s’inscrit dans une démarche très mesurée envers la production, à travers des principes de ré-usage, d’envois d’instructions à distance ou de sélection de matériaux naturels replacés dans leur lieu d’origine après une exposition temporaire.
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Regard avec le monde
Talking Head with Pauline Julier
Dans son récent film Follow the Water (2022), Pauline Julier s’est intéressée au désert d’Atacama au Chili. Ce territoire, le plus sec de notre planète, héberge d’énormes mines de lithium, un métal nécessaire aux batteries électriques. Il est aussi un terrain d’exploration pour les scientifiques de la NASA qui y trouvent un analogue de sol martien. Par l’usage de plusieurs écrans, l’artiste mêle les perspectives et tente de décrire les relations entre les différents éléments propres à ce lieu, reliés entre eux par la question de l’eau. Dans cette Talking Head, elle revient sur quelques-unes de ses productions audiovisuelles marquées par la question environnementale et le désir d’esquisser de nouveaux imaginaires reconnectés au monde. Selon elle, les récits dominants des médias et des blockbusters reflètent une réalité factice en racontant des histoires hors du monde : des récits climatisés.
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Jeansdinge
Chronique d'une collection en mouvement
Jeansdinge était à l'origine, au début des années 2000, une collection d'objets en denim, que les artistes et chercheuses Katharina Hohmann et Katharina Tietze ont réunis pour une exposition dans un ancien kiosque est-allemand à Weimar, ville du Bauhaus, où elles exploraient les zones grises entre l'art et la mode. Les questions esthétiques et politiques soulevées par ces artefacts de la pop culture américaine ont conduit Katharina Hohmann à diriger le projet de recherche Jeansdinge on the Move entre 2021 et 2022. Dans cet article en forme de chronique, elle détaille les multiples approches artistiques et critiques développées autour de la collection. Toutes ces productions sont à retrouver sur le site : jeansdinge.com
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Dossier #18
Usages de l'art
Avec la modernité, la compréhension de la pratique de l'art s'est largement réduite à l'expression d'une subjectivité individuelle à travers la production d'objets ou d'évènements conçus pour le marché ou les institutions. Les deux entretiens de ce dossier témoignent du renouveau d'autres approches, où l'art réinvestit des fonctions qui furent les siennes par le passé, liées au rituel ou à la création de communs : un art en usage.
Mathilde Chénin est l'autrice d'une thèse (HEAD/EPFL) défendue en 2022 dans laquelle elle s'est posée la question du devenir de l'art dans des expériences de vie et de pratique communautaires entre artistes. Prenant appui sur deux exemples de collectifs d'artistes, elle a étudié avec les outils de la sociologie pragmatique les déplacements qui s'opèrent dans les usages et les imaginaires à travers ce projet commun de fabrication d'un lieu d'habitation et de travail.
L'entretien de Gene Ray avec Isabelle Frémeaux et Jay Jordan s'intéresse à l'expérience singulière de ce duo d'artistes, activistes, chercheur·euses, pédagogues qui vit depuis plusieurs années sur la zad de Notre-Dame-des-Landes en Loire-Atlantique, formée pour lutter contre le projet de construction d'un aéroport sur ce territoire. Iels reviennent sur leur engagement militant ainsi que sur les différentes expérimentations artistiques menées sur ce territoire au fonctionnement utopique. Très présent, l'art y prend des formes de célébration collective du vivant, à travers notamment des rituels. Le duo s'engage aussi dans une réflexion sur la pédagogie artistique.
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Formes de vies d'artistes
Entretien avec Mathilde Chénin
Cherchant à échapper au modèle proposé par les institutions ou les entreprises privées de la friche à occuper temporairement, des collectifs d’artistes repensent le vivre et le travailler ensemble en faisant l’acquisition de terrains qui assurent une pérennité à leur action. Dans sa thèse Quand les artistes font forme en habitant ensemble. Usages, présences, imaginaires, (sous la dir. d’Olivier Desvoignes, HEAD, et Luca Pattaroni, EPFL) soutenue en 2022, Mathilde Chénin a observé quel vivre-ensemble se crée au sein de ces collectivités et comment la pratique individuelle de l’art subit des déplacements.
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Rural Riots, Animist Rituals and Teaching from the Territory
A Conversation with the Laboratory of Insurrectionary Imagination
Enseignant du Programme master de recherche CCC et chercheur à la HEAD – Genève, Gene Ray s’intéresse aux pratiques radicales d’art et d’activisme à une époque de multiples crises sociales et écologiques. Poursuivant cette réflexion, il s’est entretenu avec Jay Jordan et Isabelle Frémeaux, un duo d’artistes, chercheurxs et activistes qui a participé à la lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et s’est installé sur cette zad fortement médiatisée. Ensemble, ils reviennent sur les esthétiques qui se sont développées sur ce terrain d’expérimentation de formes sociales. En défendant d’anciens principes comme la convivialité et en proclamant leurs pouvoirs de guérison et d’invention de mythes galvanisants, ses formes refusent l’art contemporain tel qu’on le connaît.
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Les réseaux sociaux comme espaces de représentation
Dans le cadre d’un cours consacré à la Théorie de la représentation, les étudiant·exs de 1ère année Bachelor en architecture d’intérieur ont livré des analyses chromatiques ou sur l’usage et le programme de Tik Tok, Instagram, Pinterest et leurs concurrents comme s’il s’agissait de bâtiments. Nous présentons ici des extraits de ces diagnostics surprenants qui partent du principe que l’architecture d’intérieur se situe désormais au nexus entre espaces physiques et médiatisés, comme l’enseigne Javier Fernández Contreras, responsable du cours.
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Le tournant politique de la mode
Entretien avec la journaliste de mode Mélody Thomas pour le podcast Front Row
La HEAD – Genève a reçu la journaliste Mélody Thomas lors de ses traditionnelles portes ouvertes pour un entretien sur son livre La Mode est politique : Un bref lexique inclusif (2022). Enregistrée, la rencontre a donné lieu à un épisode du podcast Front Row de Tara Mabiala et Camille Farrah Buhler. En discussion avec le duo de chercheuses et designers, la journaliste retrace son parcours dans une industrie en mutation et évoque certains des enjeux de son ouvrage.
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En communication avec l’histoire
Entretien avec Pierre Leguillon au sujet de la version digitale du livre Oracles
Le livre collector Oracles – Artists’ Calling Cards se réinvente et s’ouvre au plus grand nombre dans un format digital. Instigateur de ce projet aux multiples ramifications sous l’égide de son Musée des Erreurs, Pierre Leguillon revient dans cet entretien sur sa pratique du livre comme espace d’exposition, le rôle de l’archive et l’importance d’initier une contre-histoire à travers la récupération des déchets de la culture visuelle.
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Dossier #17
L’illustration et ses secrets de fabrication : captations vidéos du colloque Filigrane
Organisé par le Bachelor en Illustration de la HEAD – Genève en février 2023, le cycle de conférences Filigrane a été pensé comme un espace de rencontre et d’échange entre étudiant·texs et professionnel·les. Comme son titre le sous-entend, l’intention première était d’entrer dans les coulisses de la création en illustration, de mettre au jour les traits cachés sous les images. Au travers de ces deux journées consacrées respectivement à l’atelier et à la production sous contrainte, sept illustrateur·trices représentatif·ves des courants actuels nous parlent de leurs moyens et méthodes de création, de leur vie quotidienne, de leur rapport à l’espace de travail.
À partir du carnet, comme «espace de footing » ou «réserve de compost » en cas de page blanche, nous explorons les méandres du cerveau et des ateliers, rangés ou en désordres feints et nous décortiquons la mécanique de précision du livre articulée à celle de la narration. Les cartes sont ensuite rebattues et nous découvrons que la sérendipité peut être la pièce maîtresse qui entraîne la machine, tout comme le rituel matinal du déplacement entre espace privé et espace d’artiste. Parfois, c’est le paysage même de l’enfance qui amène à vouloir habiter celui du livre. Enfin, il arrive que le travail à quatre mains sur une même image finisse par effacer l’empreinte de l’artiste.
Ces différents témoignages lèvent le voile sur des procédés multiples, résolument singuliers, personnels voire intimes et qui restent le plus souvent confinés au secret de l’atelier ou du cerveau. Ce qui transparait entre les mots, entre les lignes, en filigrane de ces images et de ces paroles, c’est bien la nécessaire élaboration d’une réflexion profonde et complexe sur l’acte créatif dans le vaste champ de l’illustration.
Ce colloque donne la trop rare opportunité à des pensées affutées par l’expérience et la pratique, de se transformer, une fois n’est pas coutume, en discours pour faire récit collectif. À travers les mots, les images et à l’instar des livres illustrés, Filigrane raconte une histoire : celle de la création dans l’illustration contemporaine.
Image : Marion Fayolle, Les amours suspendues, Magnani, 2018. 4e de couverture (détail)
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Comment le style personnel se fond dans un travail en duo
Dans cette conférence, Anne-Margot Ramstein évoque le travail à quatre mains qui se développe par le biais de sa collaboration avec Matthias Arégui. Entamée de manière instrumentale, afin d’avoir des dessins à montrer à une éditrice, cette fabrication d’images en commun a permis à l’illustratrice de se libérer de certaines pesanteurs liées au style personnel et à la signature qu’on attend d’un album. Elle raconte comment fonctionne cette collaboration, où iels se permettent d’ajouter ou d’effacer sans déférence marquée pour le travail de l’une ou de l’autre, afin de créer une œuvre duelle, et comment cette activité en binôme irrigue sa pratique personnelle.
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Sur l'accident heureux
Réfractaire à l’intentionnalité et aux processus de création figés, Anne Brugni a mis en place un cadre de travail où l’accident, l’association fortuite et la sérendipité peuvent surgir. Elle compose ainsi souvent à partir de papiers découpés qui se retrouvent en fouillis sur son bureau ou au sol. Certains hasards de proximité favorisent la mise en forme des images.L’artiste décrit ce mode de production fait d’incertitude contrôlée où l’idée voisine toujours avec l’oubli, le déchet avec le repêchage.
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Pratique quotidienne et amour du papier
Depuis les années 1990, Guillaume Dégé s’astreint à la pratique quotidienne des carnets. Celle-ci est devenue le vivier de l’ensemble de son travail graphique. Il présente dans cette conférence la typologie de cette pratique libre et dénuée de prérequis mais aussi rituelle et formalisée. Entre carnets de «footing » qui lui permettent de formuler des problèmes graphiques et de maintenir l’aptitude de sa main et carnets de «compost » où des parties intéressantes de dessins ratés sont recyclées à l’aide du collage, l’illustrateur bibliophile détaille les usages de cet outil intime.
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Sur le théâtre de papier
Passionnée par le théâtre et la danse, mais se jugeant peu douée pour ces pratiques, Marion Fayolle a contourné les limites de la scène en imaginant un théâtre sur papier, où elle fait danser et bouger ses personnages. Elle explique sa manière de traiter les figures humaines comme des archétypes déguisés, qu’elle décalque, et réemploie comme des comédien·nes interchangeables d’une scène et d’un livre à l’autre. Ses histoires se développent à partir d’un dessin qui en suggère un autre, dans une forme de séquence aux potentialités d’interaction et de transformation bien plus vastes que celles des individus de chair sur scène.
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Enquête sur le muscle créatif
Delphine Perret s’interroge sur la pensée créative. L’illustratrice a voulu se confronter aux expériences de ses collègues. Son livreLes Ateliersest le fruit de la rencontre de 24 illustrateur·trices qui lui ont parlé de leur manière de stimuler lemuscle créateur et des conditions dans lesquelles celui-ci peut fonctionner. Rapport entre travail artistique et non artistique, procrastination, besoin de reconnaissance de l’activité créative comme un travail, l’atelier comme lieu intime d’une émergence, épiphanie créative : Delphine Perret montre à travers ces rencontres que la mise au travail nécessite le déploiement d’une énergie considérable.
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Au sujet des contraintes de temps et d'espace
Se questionnant sur les contraintes qui pèsent sur une activité d’illustration, Mirjana Farkas les regroupe sous les vastes catégories du temps et de l’espace. Temps qu’on gagne et qu’on perd, dont on rêve ou qu’on parvient à se ménager. Temps long du livre et plus ou moins court de la commande. Espace du musée imaginaire qui peuple l’esprit, celui des rencontres et des collaborations. Mais aussi espace physique des activités créatives, qu’il s’agisse de l’atelier ou du médium. Mirjana Farkas évoque sa pratique sous le prisme de ces diverses manières d’appréhender ces contraintes qui sont aussi des opportunités.
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Le livre comme medium
Page de garde, reliure, sens de lecture, 4ede couverture, Blexbolex envisage le livre comme une mécanique précise, dont il use et détraque les rouages pour imaginer des publications qui surprennent et émerveillent par leur ingéniosité et leur capacité à créer de la narration. L’illustrateur revient sur les prémisses de cette passion pour l’objet livre dans un atelier de sérigraphie et commente toute la variété de sa production qui s’étend de productions underground, jusqu’au polar et à l’imagier jeunesse.
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What's with the Gimmick ?
Cet essai part de Theory of The Gimmick : Aesthetic Judgment and Capitalist Form (2020) de Sianne Ngai pour analyser la réception du collectif de mode Vetements à travers le prisme du gimmick, en prenant notamment l’exemple de son célèbre t-shirt DHL, illustration parfaite de la sur- et sous-performance simultanée d’un objet. Jugement esthétique, le gimmick semble relever à la fois d'un excès et d'un manque de travail et reflète selon la chercheuse «une incertitude dans la conception du temps et l’appréciation de la valeur ». L’essai crée un parallèle entre le t-shirt DHL et le statut des créatif·ves dans leur domaine d’activité, mettant ainsi au jour l’implication du design dans les questions relatives au travail.
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Exercices d'observation
Entretien avec Nicolas Nova
Nicolas Nova, enseignant et chercheur à la HEAD – Genève, a récemment publié le livre Exercices d’observation qui invite à entraîner ses capacités d’attention. Composé de courts textes, il est illustré par des croquis qui sont eux-mêmes des manières de noter, de classer et au final de penser le monde qui nous entoure et ses menus détails. Il s’entretient avec Julie Enckell Julliard sur cette pratique d’observation commune aux anthropologues et aux artistes qu’on nous enjoint à cultiver mais qui passe par des modalités qu’il s'agit de nourrir.
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Dossier #16
Profession : travailleur·euse créatif·ve.Artistes et designers face au grand chantier du travail
Vous le savez peut-être déjà : nous sommes entré·es dans l’ère VUCA (Volatile, Uncertain, Complex, Ambiguous). Dans ce monde mouvant, il est désormais impossible de se projeter à plus de deux ou trois ans. Le climat change et avec lui la société, ses habitudes et ses acquis. C’est ce que le théoricien anglo-polonais Zygmunt Bauman appelait la société « moderne-liquide » : les êtres agissent dans des situations qui se modifient, avant même que leurs façons d’agir ne réussissent à se traduire en habitudes. À l’ère « solide » de la production succéderait celle, fluide et incertaine, des consommateur·ices, incapables de tirer un enseignement durable de leurs expériences, le cadre et les conditions dans lesquelles celles-ci se déroulent changeant sans cesse.
Est-ce à ce rythme effréné du changement que l’on doit le phénomène du Big Quit ? Dans la foulée de la crise covid, plus de 4 millions d’Américain·es ont donné leur démission et nombre d’entre elleux se sont filmé·es sur TikTok en claquant la porte. Le réseau social chinois est rapidement devenu l’espace d’un forum citoyen autour du travail, sujet aux plus de 50 milliards de vues cumulées. Au cœur du débat : le sens de l’engagement et du don de soi dans la sphère professionnelle, avec cette question revenant en boucle : puisque le covid a redéfini la composante sociale du travail, à quoi sert-il désormais, s’il n’apporte ni nouvelle expérience, ni bien-être ?
Issu du latin « tripaliare », littéralement tourmenter, torturer avec le trepalium, travailler signifie en ancien français « faire souffrir ». Comme verbe transitif, il revêt aussi le sens d’agiter, de transformer (travailler la pâte à pain). Dans l’idéal, le travail serait ainsi le terrain possible d’une transformation de soi, par l’entremise d’expériences nouvelles. Mais, alors que le nombre de burnouts explose, celui-ci doit impérativement garantir une certaine qualité de vie. Les entreprises le savent, cet aspect qui possède désormais son propre acronyme QCVT (qualité des conditions de vie au travail) est désormais un prérequis de tout recrutement. Dans un monde où l’on prévoit de moins en moins, le temps court d’un quotidien heureux prime sur l'accumulation des biens à long terme et il s’agit de le faire valoir pour convaincre que l’effort consenti en vaut la peine.
Du côté de la création, la stabilité du travail n’a pas lieu d’être et le monde VUCA paraît exister de longue date. Toutefois, la définition de la profession et la façon de s’y projeter connaissent elles aussi des mutations. Comment les créateur·ices envisagent-iels aujourd’hui leur avenir ? Quel rapport entretiennent-iels à leur carrière ? Ce mot a-t-il encore un sens et, si oui, lequel ? Peut-on déléguer, mimer les rôles de l’entreprise ou doit-on inventer une alternative à cette organisation du travail ? En 1973, Ivan Illich attirait l’attention sur le risque d’une trop grande dépendance à l’industrie : « Une société qui définit le bien comme la satisfaction maximale du plus grand nombre de gens par la plus grande consommation de biens et de services industriels mutile de façon intolérable l’autonomie de la personne. Une solution politique de rechange à cet utilitarisme définirait le bien par la capacité de chacun de façonner l’image de son propre avenir[note] Ivan Illich, La convivialité, Paris : Seuil, 1973, p. 31[/note] ». En prônant l’ « autonomie créatrice » et une société « conviviale » reposant sur l’accès libre aux outils de la communauté, le penseur de l’écologie politique théorisait avant l’heure la crise de sens que traverse la Génération Z. Décroissance, bien-être, changement climatique et précarité des acquis : la relation au travail des designers et des artistes se réinvente, alors que leur contribution n’a jamais paru aussi indispensable pour penser l’avenir. Dans ce dossier réunissant les contributions critiques d’alumni·ae et d’enseignant·es de la HEAD, nous donnons la parole à celleux qui questionnent cette relation à la profession.
Dans un entretien, le designer graphique Etienne Mineur commente son exploration des plateformes de génération d’images et spécule sur l’évolution des métiers de la création face à cette automatisation du dessin. Aude Fellay et Emilie Meldem débattent avec Giulia Mensitieri, autrice du Plus beau métier du monde (2018) de la manière créer des alliances entre les créateur·trices etles forces productives de l’industrie de la mode. Dans deux de ses films, l’artiste et alumna Lou Cohen explore avec un humour grinçant le monde professionnel contemporain. Des cabinets de recrutement aux start-up, elle imagine des situations où le coaching et les rapports de pouvoir se combinent et s’entrechoquent au dépend de travailleur·euses en auto-performance d’elleux-mêmes. Dans son mémoire de Master TRANS dont nous publions de larges extraits, Eva Meister revient sur son quotidien d’étudiante, dicté par la nécessité de financer ses études par des petits boulots. En écho à Services d’Andrea Fraser, revisitée et commentée par l’équipe du Master CCC, la curatrice et alumna Julie Marmet revient sur le mouvement Wages for Wages against et fait le point sur le salaire des artistes, tandis que Yoan Mudry interroge, dans une suite de peintures et installations, la représentation mondialisée du travail sur Google.
Bonne lecture !
Image de couverture : still du film Alexandre le bienheureux, d'Yves Robert, 1968. © Gaumont
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Quand on s'adresse à toi, tu souris
Présentation de deux films de l’artiste Lou Cohen qui explorent avec un humour grinçant le monde professionnel contemporain. Des cabinets de recrutement aux start-up, elle imagine des situations où le coaching et les rapports de pouvoir se combinent et s’entrechoquent au dépend de travailleur·euses en performance d’elleux-mêmes.
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L’automatisation pour ou contre les designers
Designer graphique et enseignant qui s’intéresse depuis longtemps aux questions d’interactivité, Etienne Mineur a commencé à expérimenter avec les plateformes de génération d’images par intelligence artificielle comme DALL·E ou Midjourney pour créer de la typographie. Testant les limites de ces outils, en demandant par exemple des lettrages en crème chantilly en forme de crustacés, il est parvenu à produire des images qu’il juge peu concevables sans cette aide. Il détaille ses observations dans cet entretien et spécule sur l’évolution des métiers de la création face à cette automatisation du dessin.
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Mode et anthropologie : chassé-croisé autour de la question du travail
Important livre d′anthropologie, Le plus beau métier du monde (La Découverte, 2018) de Giulia Mensitieri menait une enquête de terrain sur les conditions de travail des travailleur·sexs de la mode. La chercheuse démontre que l′image du luxe masque et justifie la réalité précaire des employé·exs de ce secteur. Par le biais d′un long entretien contradictoire, Aude Fellay et Emilie Meldem, elles-mêmes critiques de l′amalgame qu′elles voient dans le livre entre design de mode et publicité des objets, tentent de co-construire avec l′anthropologue une approche qui s′inscrit dans la pratique.
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Étudiant·ex – Artiste – Travailleur·eusex
Intersectionnalité et précarité d'un triple statut
Pendant ses études, Eva Meister a multiplié les boulots d’étudiant·e·x·s, nécessaires à son autonomie financière d’enfant d’une famille non privilégiée. Dans son mémoire de Master TRANS, cette alumna revenait sur cette activité et son articulation avec sa pratique d’artiste et ses études. À partir d’un constat sur la précarité et le risque d’enlisement de ce triple statut, elle évoque la manière dont l’art permet de s’auto-représenter et par là même d’objectiver la condition salariale et les contraintes quotidiennes. Nous publions ici de larges extraits de ce mémoire ainsi que des dessins de l’artiste en lien avec son travail.
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L'art c'est du travail
Sur l'impossibilité d'exiger une protection sociale et juridique pour les artistes sans questionner la nature du travail artistique
Ces dernières années, de multiples initiatives ont réclamé une meilleure rémunération des artistes. Le succès de ces campagnes témoigne d’un changement salutaire du statut d’artiste, resté trop longtemps associé à une vision romantique de l’art qu’on pratique par passion et non comme un travail justifiant rétribution. Dans ce texte, l’artiste et chercheuse Julie Marmet, qui s’investit au sein de Visarte Genève en faveur des droits des artistes, revient sur la généalogie de ce mouvement et spécule sur la manière dont cette intégration des artistes au monde des travailleur·euses redéfinit la notion même de travail.
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Peintre de la semaine
Entretien avec Yoan Mudry
Dans Condition de l’homme moderne, Hannah Arendt a fameusement distingué le travail, lié à l’activité corporelle et à sa reproduction, de l’œuvre qui transcende la vie individuelle. Peindre n’en est pas moins une activité qui recouvre, par ses aspects physiques et matériels, les réalités du travail, tout en offrant une autonomie par rapport à ce champ qui lui ouvre un espace critique. Dans cet entretien réalisé dans son atelier genevois, le peintre Yoan Mudry parle des questions pratiques et comptables liées à son processus de production et de la possibilité, par la peinture, de commenter les représentations uniformisées de la vie au travail proposées par Google.
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Connaître le monde par la peinture
Entretien avec Nicolas Chardon
Les moyens mis en œuvre dans sa peinture par Nicolas Chardon sont excessivement limités : des formes géométriques simples, le carré de préférence, parfois une expression tautologique comme «peinture abstraite », le blanc et le noir comme couleurs dominantes. Son travail s’éloigne pourtant du dogmatisme par la fidélité que son pinceau témoigne aux mouvements de ses tissus à motif de grille qui se déforment lorsqu’il les tend sur des châssis. Le bien fait et le mal fait se confondent dans une danse qui réunit la quête d’absolu de Malevitch avec le matérialisme de l’objet tronqué. Dans cet entretien, l’artiste français revient sur sa démarche d’artiste et d’enseignant de l’option Représentation à la HEAD – Genève.
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Des emballages à croquer
Marque de chocolat genevoise fondée en 1826, bien connue pour ses avelines, une praline au chocolat emballée dans un papier doré, Favarger a mandaté le Département Communication visuelle de la HEAD – Genève pour développer une nouvelle identité visuelle en 2021. Le projet retenu (Fanny Alvarez, Loraine Friedli, Elsa Hoover, Jordane Vincenzi) s’inspire de carrés de chocolats brisés qui forment des motifs à l’abstraction évocatrice du contenu des emballages. Retour en images commentées sur ce mandat qui s'inscrit dans une volonté de confronter les étudiant·exs à des demandes concrètes et situées.
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Condensation de l'immatériel
Entretien avec le cinéaste Louis Henderson
Assembler. Tel est le mot d’ordre de Louis Henderson. Depuis treize années, l’artiste et cinéaste britannique construit une filmographie 2.0 en utilisant essentiellement l’univers foisonnant des images et sons en expansion issus d’internet, plus connus sous le nom de net found footage. À ce titre, ses textes et films protéiformes interrogent la matérialité d’internet avec une approche archéologique, tout en explorant des thématiques aussi variées que le politique, la sociologie et l’anthropologie. Plus singulièrement, Henderson s’attache à mettre en lumière la permanence des vestiges culturels en lien avec les passés coloniaux. Rencontre avec le cinéaste en amont de son intervention dans le cadre de l’atelier net found footage du Département cinéma en 2023.
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De la nécessité d’une nouvelle communication dans l’espace pédagogique intergénérationnel
Le mème formé avec la phrase « Ok Boomer » résume bien le fossé qui s’est creusé entre les générations ces dernières années. D’un côté des Millenials et des Gen Z en quête de davantage de justice sociale et capables de résumer une situation complexe en une image ravageuse à tendance virale. De l’autre, des Boomers et des GenXers qui sont vu·exs comme les principaux représentant·exs de structures de pouvoir responsables d’inégalités et de catastrophes écologiques. La rupture de dialogue se manifeste à tous les niveaux de nos sociétés et singulièrement dans une école où ces générations se rencontrent dans des positions asymétriques. Nayansaku Mufwankolo, enseignantx en théories critiques qui occupe le poste de déléguéx à l’inclusivité à la HEAD – Genève (HES-SO) revient sur cette dichotomie et avance quelques pistes pour rapprocher les générations.
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Dossier #15
Net found footage : une archive du monde à portée de mains
En 2019, le département cinéma lance un premier atelier autour des images trouvées sur internet et les réseaux sociaux (Instagram, TikTok, etc.) sous l’impulsion de la réalisatrice et enseignante, Maryam Goormaghtigh, autour du thème « Les apocalypses ». Avec cet atelier consacré au montage, le département cinéma propose de réfléchir au statut des images, à la force du récit et de la voix off. En 2020, Caroline Poggi et Jonathan Vinel, artistes et réalisateur·rices, dont les films explorent la jeunesse contemporaine désabusée face au réel, et submergée d’images virtuelles, sont invité·es pour donner un nouvel atelier autour de la notion du « soin », avec la participation de l’artiste et musicienne Christelle Oyiri (Crystallmess). Iels reviennent en 2021 pour un atelier autour du « portrait » avec la participation du réalisateur Guillaume Lillo.
Plusieurs films réalisés au cours de ces ateliers ont été sélectionnés dans des festivals nationaux et internationaux tels que le Locarno Film Festival, les Int. Kurzfilmatge Winterhur, les Journées de Soleure, le GIFF, Festival Côté Court (FR), IndieLisboa (PT), ou encore au Festival du Nouveau Cinéma à Montréal (CA).
Ce bref dossier est introduit par un texte du cinéaste, critique et intervenant au Département cinéma de la HEAD Jean-Sébastien Chauvin sur diverses modalités de mise en récit à partir d’images trouvées sur internet. Trois films issus des ateliers 2021 et 2022 sont présentés. Enfin, un entretien avec Louis Henderson, aussi intervenant à la HEAD, revient sur l’usage par le cinéaste anglais d’images trouvéesdans sa pratique décoloniale.
Photo de couverture : capture d'écran du filmAll that Is Solid, Louis Henderson, 2014
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Les 1001 images d’un grand cerveau
« Le monde est déjà filmé, il s’agit de l’organiser » disait déjà Guy Debord dans La Société de Spectacle. Internet a rendu ce réservoir d’images disponible. Le cinéaste et critique français Jean-Sébastien Chauvin envisage dans cet article les pratiques de cinéastes, qui, plutôt que d’ajouter des images au monde, recyclent, dans un pratique volontairement non productive, ces traces d’évènements historiques ou ces fragments du quotidien trouvés sur internet. Les montages qu’ils ou elles en tirent (ré)articulent ce flot d’images, produisant des récits, souvent engagés, qui contrent la logique de spectacle aliénante dénoncée par Debord. Ce texte introduit un programme consacré au net found footage présenté au festival Entrevues de Belfort du 22 au 27 novembre 2022.
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Trois films des ateliers de net found footage
D’un fantasme éveillé par les emballages de slips masculins, à la quête de soi dans les tréfonds des réseaux sociaux, en passant par une recherche sur ses origines irakiennes, trois films créés dans le cadre des ateliers de net found footage dirigés par Caroline Poggi et Jonathan Vinel à la HEAD – Genève sont à découvrir ici.
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Learn to Code vs. Code to Learn
Creative Coding Beyond the Economic Imperative
Publié en 2022 et déjà épuisé, le livre Graphic Design in the Post-Digital Age est en cours de réimpression. Afin de célébrer ce retour en librairies, nous publions un extrait de cette recherche (projet HES-SO dirigé par Demian Conrad, 2019-2021) sur la manière dont les designers graphiques ont intégré les langages de programmation informatique dans leur pratique créative. L’essai introductif de Silvio Lorusso s’intéresse aux représentations sociales du codage et aux limites qu’elles introduisent dans l’adoption de cette pratique. L’auteur suggère qu’au lieu d’insister sur la nécessité d’apprendre à coder, mettre l’accent sur ce qu’on apprend en pratiquant le codage serait bénéfique et émancipateur.
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Night Express : le train de nuit, version confort
Entretien avec Elizaveta Krikun
L’Europe s’est donnée pour objectif de relancer plusieurs lignes de trains de nuit afin de réduire l’empreinte écologique du transport de personnes. On parle de relier Paris à Barcelone ou à Madrid en une nuit d’ici 2024. De Suisse, le Bâle-Amsterdam a repris du service nocturne. Mais force est de constater que ces voyages rappellent davantage des nuits en boîte Tupperware que l’élégance de l’Orient-Express. Pour son Master en Architecture d’intérieur, Elizaveta Krikun s’est penchée sur cette discordance entre l’image et la réalité du train de nuit. Dans son projet, elle s’inspire des trains de la Belle Epoque pour créer un décor contemporain et confortable avec des matériaux qualitatifs, des espaces modulaires et des lieux de socialisation.
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Dossier #14
À qui donne-t-on la parole ?Cinéma, représentations et représentativité
Alors que le mouvement #metoo continue de faire des vagues dans le milieu du cinéma et au-delà, que les manifestations Black Lives Matter mobilisent toute une génération et que de nombreux comptes sur les réseaux sociaux relatent des histoires de tournages affublé de #balancetonporc, le séminaire « À qui donne-t-on la parole ? » voit le jour au Département cinéma sous l’impulsion d’Alice Riva (assistante pédagogique et programmatrice à Visions du Réel), Nicolas Wadimoff (responsable du département cinéma et réalisateur) et Delphine Jeanneret (responsable adjointe du département cinéma et programmatrice au Locarno Film Festival). Ce séminaire propose des rencontres avec des cinéastes et penseur·eusexs portant des voix critiques et questionnant les enjeux de représentation, de représentativité et la construction de nos imaginaires. En parallèle, des lectures de textes fondamentaux de ces courants, des visionnements de films, des écoutes de podcasts et des discussions visent à transmettre et débattre des concepts théoriques de la pensée décoloniale, féministe et queer, afin d’aborder de manière critique la lecture de films.
Ce séminaire expérimental commence en mars 2021 avec la lecture du texte de la réalisatrice, universitaire et afroféministe Amandine Gay «La réappropriation des moyens de production au service d’une esthétique autonome »issu de l’ouvrage collectif Décolonisons les arts ! sous la direction de Leïla Cukierman, Gerty Dambury et Françoise Vergès (L’Arche, 2018). Ensemble, nous lisons avec les étudiantxes – chacun·ex lit un ou deux paragraphes – ce texte qui frappe par ses mots bruts et clairs, nous rassemble autour des questions : Comment donner la parole à des personnes minoritaires ? Comment les représenter à l’écran ? Comment nommer pour faire exister ? La semaine suivante, Amandine Gay nous parle de son travail, de la réappropriation de la narration et des moyens de production d’un film comme un acte d’émancipation. Sa parole si directe et précise nous transperce et nous ébranle dans nos convictions.
Au fil des semaines et des années, d’autres paroles viendront s’ajouter à celle-ci pour créer une polyphonie décoloniale, féministe et queer. Alexe Poukine vient présenter son premier long métrage Sans frapper (Prix du jury à Visions du réel en 2019), dans lequel elle aborde la thématique du viol, ainsi que le trouble de stress post-traumatique qui en découle. Nous réfléchissons ensemble comment représenter l’innommable. Noémi Michel, universitaire et militante afro-féministe travaille sur la place des minorités en démocratie. En petits groupes et avec les étudiantxes, elle crée des situations afin de réfléchir aux mots qu’on utilise tous les jours pour se décrire. Avec Clara Schulmann, autrice et docteure en études cinématographiques, les étudiantxes à lire Zizanies (Paraguay Press, 2020) restituent les chapitres de son livre divisés en humeurs. Elle les écoute raconter leurs histoires et à travers son texte les étudiantxes dévoilent leurs fragilités pour mieux les comprendre.
L’éditeur, écrivain et curateur Greg de Cuir Jr, curateur de la rétrospective Black Light au Locarno Film Festival, parle de la place des représentations de personnes racisées dans le cinéma expérimental et de son travail qui visibilise des cinéastes peu connu·e·x·s. Iris Brey, journaliste, autrice et critique de cinéma partage ses recherches sur Le regard féminin, une révolution à l'écran (Éditions de l’Olivier, 2020). Elle partage ses questions sur le regard dominant des hommes au cinéma et permet de prendre la mesure de l'invisibilité des femmes dans l'histoire du cinéma. Nous en prenons la mesure et terminons le séminaire avec l’envie de changer le milieu du cinéma. Naëlle Dariya et river parlent des représentations des personnes trans à l’écran et déconstruisent les clichés portés au cinéma. Iels s’attachent à faire vivre des cultures minorisées, des personnages et des corps souvent invisibilisés au cinéma. La journaliste et chroniqueuse judiciaire Yamina Zoutat propose d’analyser les prises de parole au Palais de Justice de Paris et mettre en lumière les mécanismes de pouvoir à l’œuvre dans de tels espaces où la parole est la principale source de défense. La réalisatrice géorgienne Elene Naveriani, diplômée du Département cinéma en 2014, porte à l’écran un cinéma féministe, inclusif et antiraciste. Nous parlons des problématiques de représentations de communautés inexistantes dans certains pays dont la Géorgie. Enfin, la réalisatrice Callisto McNulty revient sur l’œuvre militante de Carole Roussopoulos, sa grand-mère, à travers son film Delphine et Carole, insoumuses (2019). Elle parle du « féminisme enchanté » des années 1970, des premières femmes réalisatrices militantes et de son regard féministe historique et contemporain à la fois.
Le séminaire « À qui donne-t-on la parole ? » a permis de mettre des mots sur des problématiques urgentes, parfois brûlantes, à travers une pédagogie participative où les étudiantxes co-construisent le débat avec les invité·exs et les enseignant·es. Ce focus propose un bref aperçu de cette polyphonie, en restituant sous la forme d’entretiens, la voix et le projet de quelques intervenant·exs du séminaire.
Photo de couverture : Image du film Ouvrir la voix d‘Amandine Gay (France, 2017, 122’), intervenante du cours « À qui donne-t-on la parole ? »
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Transition du regard
Entretien avec river, cinéaste et activiste trans
Derrière la caméra, dans les studios de casting, dans les boîtes de nuit, ou sur un terrain de foot, river travaille méthodiquement à la visibilisation des personnes trans et queer. Dans une industrie du cinéma aux structures conservatrices, qui n'a longtemps imaginé des histoires de personnes trans que sur le mode du pathos ou du fétichisme, des figures issues de ces communautés minorisées instillent de nouveaux récits où elles incarnent des sujets agissants. Dans cet entretien, river revient sur ces questions de représentations et sur son parcours volontairement plus occulte.
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Les voix tues du film de la justice
Entretien avec la cinéaste et chroniqueuse judiciaire Yamina Zoutat
Les procès suivent une dramaturgie qui leur est propre. C'est cette mise en forme du réel qui a donné envie à Yamina Zoutat de faire du cinéma lorsqu'elle était chroniqueuse judiciaire. Dans ses films, elle cherche à sortir de l'oubli certaines voix, comme celles des mères des accusé·es appelées à la barre, dont la parole semble avoir un statut secondaire.
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Les voix de la transmission
Entretien de Julie Enckell avec Clara Schulmann
Un parcours académique peut paraître tout tracé, balisé par des voix qui font autorité et une méthodologie de recherche éprouvée. Dans son livre Zizanies, l’historienne d’art et critique Clara Schulmann emprunte une autre voie, en se laissant entraîner par l’écoute des voix de son quotidien : la sienne d’abord, mais aussi celles d’autrices de podcasts, de penseuses, d’artistes et d’amies proches. Son ouvrage composé de fragments forme un tissage de voix et dessine un paysage intellectuel et affectif marqué par le féminisme, tout en faisant affleurer le cheminement personnel de l’autrice. Dans cette conversation à bâton rompus, Julie Enckell la questionne sur les implications de cette transition dans le cadre pédagogique.
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La curatrice dans la cour avec une clé anglaise
Entretien avec Roxane Bovet
Activités autonomes aux règles propres et dénuées de toute utilité identifiable, le jeu et l'art se sont régulièrement rencontrés et embrassés au fil de l'histoire, en particulier dans le projet subversif de l'Internationale Situationniste. Alors que le monde et ses interfaces nous engagent dans un jeu sans fin, la curatrice Roxane Bovet proposait avec son exposition Forget Chess, présentée dans le cadre de l'inauguration du campus HEAD en juin 2022, de retrouver l'essence politique et expérimentale du jeu, c'est-à-dire sa capacité à créer des modèles expérimentaux où les relations sociales peuvent être transformées.
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Talking Heads – Olia Lialina
Experience of Experiencing Experience
En conversation avec la critique d’art Jill Gasparina et l’anthropologue des cultures numérique Nicolas Nova, la net artiste Olia Lialina témoigne dans cette Talking Heads du changement de paradigme intervenu au cours des années 2000 avec le passage d’une culture des utilisateur·rices à une culture de masse où les technologies sont devenues invisibles et indistinctes.
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Tendresse
De la violence d’une tendresse qu’on nous refuse à la tendresse d’une amitié qui sauve, à celle du vêtement qui construit, dévoile, répare, Louise Jarrige-Le Berre donne à voir ce qu’il ya de radical dans la tendresse. Dans son mémoire, poésie et mode convergent pour donner voix au langage du corps, etfaire entendre les dialogues inaudibles des corps entre eux. Trouver sa forme dans l’acte de se vêtir, se former dans l’acte du faire avec, les mettre en mots :c’est l’enjeu d’un travail qui résonne avec la volonté de définir unepratiquede mode poétique et politique, sans quoi la mode n'est qu’artifice.
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La magie manipulatrice du montage
Entretien avec Ael Dallier Vega
Étape cruciale de la construction d’un film, où le rythme, la grammaire et la dramaturgie se redéfinissent, le montage reste une profession de l’ombre. Ael Dallier Vega, monteuse et intervenante au Département Cinéma de la HEAD – Genève, raconte au long de cet entretien avec Delphine Jeanneret ce travail en immersion dans l’obscurité de la salle de montage. Elle y édite des centaines d’heures de rushes afin de faire éclore la vision du réalisateur ou de la réalisatrice, jusqu’à parfois se laisser engloutir dans des temporalités parallèles. Active dans des domaines aussi variés que le film de fiction, le documentaire, le film d’art, le clip vidéo, Dallier Vega a notamment monté le film Atlantique de Mati Diop qui a remporté le Grand Prix à Cannes en 2019. Elle collabore étroitement avec l’artiste Philippe Parreno ainsi qu’avec Marie Losier, qui enseigne au Département Cinéma. Elle a récemment travaillé sur le documentaire Ardente·x·s(2022) de Patrick Muroni, consacré au collectif de production de films pornographiques éthiques lausannois OIL Productions.
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BH mon amour
Un film hommage au bâtiment historique des Arts visuels
Autrefois disséminée dans plusieurs bâtiments de la ville, la HEAD – Genève a désormais regroupé la majorité de ses activités sur un nouveau campus, dans le quartier de Châtelaine. Les Arts visuels en particulier ont déménagé en 2021 de leur bâtiment historique du Boulevard Helvétique – communément appelé BH –, à côté du Musée d’Art et d’Histoire, pour rejoindre des locaux neufs. Quelques semaines avant de quitter ces lieux emblématiques, couverts de patines et de graffitis, Michael Jakob est allé interroger ses usager·ères : huissier, personnel de nettoyage, étudiant·es, enseignant·es qui témoignent de leur attachement à ce site charismatique. La vidéo qu'il en a tiré à visionner ici rend autant hommage à la vénérable bâtisse qu'à l'énergie créatrice qui s'y est déployée.
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Dossier #13
Carnet de mémoires
C’est désormais un rendez-vous institué : tous les deux ans à la veille de l’été, ISSUE publie une sélection d’excellents mémoires produits au sein des différentes filières master de l’école[note]Côté arts visuels : CCC, TRANS, Work.Master ; côté design : Architecture d’intérieur, Espace et Communication, Media Design[/note]. Une nouvelle fois, l’enjeu de cette publication est moins de donner à lire les meilleurs mémoires que d’offrir un aperçu des problématiques variées qui habitent les diplômé·e·x·s de l’école et des méthodes originales, souvent propres à l’art et au design, qu’iels mettent en œuvre pour les aborder.
Cette seconde édition qui couvre la période 2021-2022 est marquée par le contexte de pandémie, dont le fort impact sur la communauté étudiante se ressent directement ou plus en creux dans les sujets choisis, dans leur traitement et leur engagement politique. La précarité, les discriminations et les inégalités rendues plus visibles et insupportables lors de ces épisodes de confinement imprègnent ces mémoires qui s’interrogent par exemple sur la pratique artistique en établissements médico-sociaux (Camille Sevez) ou les récits d’émigration africaine (Mbaye Diop). L’écriture à la première personne du singulier ou du pluriel via un journal de bord (Oélia Gouret) ou un tissage expérimental de voix (Loreleï Regamey) oppose une singularité active face au pouvoir, qu’il soit patriarcal, capitaliste, ou biopolitique. Les outils informatiques qui ont permis de poursuivre la production cognitive à distance sont réévalués de manière critique, qu’il s’agisse de l'utopie d’un internet supposément immatériel, en réalité fortement ancré dans notre environnement physique (Chloé Michel) ou de ces espaces virtuels qui ne représentent pas la multiplicité des genres, des groupes ethniques ou des cultures du monde (Tiki Bordin).
D’autres recherches manifestent un désir de s’évader de ce contexte anxiogène. Patrycja Pawlik analyse la techno, qui a cessé de se faire entendre en live pendant cette période, comme un générateur d’espaces immersifs. L’architecture rétrofuturiste de la station de ski d’Avoriaz comme catalyseur d’imaginaire fantastique (Robin Delerce) ou la poésie égrenée par l’autrice Karelle Ménine sur les murs de nos cités (Nessim Kaufmann) offrent d’autres échappées. En s’intéressant au blackout décrété par les autorités britanniques pendant la Deuxième Guerre mondiale pour protéger les villes des bombardements nocturnes ennemis, le mémoire de Martin Zambaz peut être lu, pour sa part, comme une allégorie de ces deux ans placés sous le signe du silence.
Ce panorama partiel des enjeux qui traversent la communauté de la HEAD – Genève a été assemblé par le bureau de rédaction, avec l’aide des responsables des différents masters qui sont chaleureusement remercié·exs.
Crédit image : Elorri Charriton pour ISSUE Journal
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Technospace
The intangible elements comprising its architecture
La techno et la culture rave, qui se sont développées jusqu’à inonder le monde au début des années 1990, sont les points d'entrée de cette étude. Le phénomène de la danse collective, les nouveaux formats de la fête, la musique comme actrice centrale ou encore l'appropriation exaltée de divers lieux ne constituent que quelques-uns des éléments de cette histoire. Ce mémoire se concentre en particulier sur la transformation de la Pologne après la chute du communisme en 1989 et la croissance de la scène techno dans ce contexte. En examinant l'évolution spatiale des espaces dédiés à cette musique, de leurs débuts souterrains illégaux à leur phase de maturité, hyper commercialisée et matérialisée par des festivals monstrueux comme des intérieurs de clubs offrant une expérience immersive, Patrycja Pawlik se penche sur les potentiels tangibles de ces environnements temporels, où le corps et la danse continuent de jouer un rôle crucial dans l'exploration du soi et du sentiment d'appartenance sociale.
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En eaux troubles
Comment continuer à produire en tant qu’artiste faisant partie d’un groupe social perçu comme minoritaire ? Derrière l’ouverture actuelle des institutions d’art aux dites minorités, se dresse, en effet, nombre de difficultés pour les artistes concerné·exs, dont Neige Sanchez, l’autricex de ce mémoire témoigne : devoir de représenter une communauté, sentiment d’être un alibi, obligation d’expliquer les codes auxquels iels font référence. Sa recherche envisage une série de stratégies qui tentent de répondre à cette question initiale. S’inspirant notamment des travaux de la théoricienne Tina Campt sur les politiques du regard à travers le black gaze et le développement d’une approche multisensorielle, de José Esteban Munõz sur les processus de désidentification et de fragmentation, ou de la peintre Toyin Ojih Odutola sur la recréation d’une histoire mythifiée par le déplacement fictionnel et spatio-temporel radical, Neige Sanchez propose une méthodologie de travail où l’abstraction, l’opacité, le détournement et la multidimensionnalité s’imposent comme des modes de résistance et de durabilité pour l’artiste face aux forces de récupération, de simplification et de contrôle du marché et des institutions. -
La géographie d'Internet
Internet est souvent considéré comme quelque chose d'immatériel. Pourtant, l’internet repose sur une infrastructure physique que nous utilisons tous et toutes quotidiennement. Pourquoi sa matérialité est-elle si souvent oubliée ? Pourquoi est-il perçu comme détaché du monde géographique ? Ce mémoire analyse comment l’Internet a été représenté de manière visuelle et textuelle au cours de son évolution. À travers six études de cas, choisies pour leur importance historique ou l’importance de leur diffusion, Chloé Michel observe comment ces représentations ont influencé notre perception de l’Internet comme un espace géographiquement ancré. -
Multipl*
Avatars In VideoGames : The Gender non-conforming experiences
Sur cette planète, les êtres humains sont réparti·e·x·s entre différentes zones habitables et représentent une grande diversité de genres, de groupes ethniques, de cultures, etc. Telle n’est cependant pas la réalité que présentent des médias comme les espaces virtuels ou les jeux vidéo. Dans la « réalité » de ces derniers, l'univers semble en effet tourner autour de « l'Humain normal », c'est-à-dire l'homme blanc hétérosexuel, inévitable protagoniste de chacun de ces récits. Entremêlant une lecture attentive de la littérature existante et d’entretiens qualitatifs, le mémoire de Tiki Bordin envisage la capacité des mondes virtuels à ouvrir les jeux vidéo à une approche plus inclusive. -
Les faussaires d'éclipses
Martin Zambaz s'intéresse à un épisode historique peu connu, celui du blackout auquel a été soumis la Grande-Bretagne pendant la Seconde Guerre mondiale. Les lumières artificielles étaient interdites pour protéger les agglomérations des bombardements aériens allemands. Face à cette mesure impopulaire et génératrice d'insécurité, de nombreuses campagnes de communication et propagandes sont menées par les autorités britanniques. Zambaz analyse cette production de messages à la population, des plus opportunistes comme l'appel à manger plus de carottes pour mieux voir dans le but d'écouler le stock de cette denrée abondante, jusqu'aux plus innovantes comme le style graphique de la Société royale de prévention des accidents (RoSPA) qui intègre des valeurs progressistes et fédératrices dans un langage moderne pour créer un sentiment d'unité nationale face au blackout. -
Karelle Ménine : rencontres entre le poème et la ville
En ville, le passant, tour à tour flâneur, touriste et – le plus souvent – travailleur pressé, se trouve confronté à une multitude textuelle surabondante : inscriptions publicitaires, signalétique, mais aussi le répertoire plus informel du graffiti, du lettrage militant ou de la fresque urbaine. Dans un système économique privilégiant l’efficience et la vitesse, l’existence de moments dédiés à la lecture, à la contemplation, deviennent le privilège d’une minorité. À travers une analyse de la pratique de l’autrice, historienne et artiste suisse Karelle Ménine, qui inscrit des textes poétiques dans l’espace urbain, ce mémoire interroge les politiques de l’attention et les mécanismes de différentiation classistes au sens bourdieusien dans ces points de contacts entre littérature et cité. -
République Tukki
C’est majoritairement sous l’angle dramatique que les migrant·es sont représenté·es dans l’art actuel. La dénonciation du sort qui leur est réservé en Europe, les risques de la traversée du Sahara ou de l’Atlantique, les radeaux de fortune sur lesquels iels s’entassent fondent l’imagerie qui leur est associée dans les médias et la culture. Dans son mémoire, Mbaye Diop adopte un point de vue plus poétique en s’intéressant aux raisons qui poussent à l’exil. L’assemblage de récits truffés d’anecdotes de migrant·es de la communauté sénégalaise qu’il a rencontré·es forme un chant qui donne une voix signuéière, et donc une dignité, un statut d’égal, à cette république Tukki (mot wolof qui signifie voyage). Son mémoire se distingue aussi par son aspect graphique, avec une mise en page sur des scans de pages de faux passeports. -
Les vieux, les vieilles, l'art et l'institution
À partir d’un épisode personnel douloureux, qui vit son grand-père mourir seul dans un Ehpad en plein confinement, Camille Sevez interroge dans ce mémoire notre rapport à la vieillesse. Celle-ci s’allonge toujours davantage, mais les « vieux et les vieilles » ne sont pas pour autant considéré·es autrement que comme des personnes malades, en attente de la mort. On les parque donc, dans ces « non-lieux », où même la nourriture ne ressemble plus à ce qu’elle est. Camille Sevez développe plusieurs pistes d’ateliers créatifs dédiés à cette tranche invisibilisée de la société, qu’elle présente comme des modes d’emploi illustrés. Un épisode de travail en Ehpad l’engage à questionner – avec humour et profondeur – sa pertinence même, le home rendant manifestement toute initiative de création collective stérile. Le territoire des possibles se déplace au final, dans un village, où le lien social est plus facile à nourrir par les moyens de l’art. -
/ˈNIː.DƏL.W3ːK/
Means of re/membering
Sous la forme d′une expérimentation poétique et théorique, le mémoire de Loreleï Regamey tente de rassembler les diverses voix qui l′ont accompagnée au cours de sa recherche au long cours sur la dimension politique et subversive des travaux d′aiguilles. Ces pratiques de tricot ou de broderie, qui symbolisent la soumission des femmes au sein du foyer, ont été réappropriées comme des moyens d′expression et de subversion. Elles ont été et sont aussi un terrain d′échange et de subjectivation par la sociabilité féminine qu′elles induisent. Loreleï Regamey s′empare du titre Re/member this house de l′auteur James Baldwin comme d′une méthode afin de faire émerger une série de figures réelles ou imaginaires de sweatshops, d′ateliers de couture, de maisons d′esclavagistes ou de musées d'ethnographie qui, par le tissage du récit, reconstruisent une maison idéale de la réparation et de la mémoire. -
Les nuits fantastiques
L'utopie du festival d'Avoriaz
Ville nouvelle des années 1960 et station de sports d’hiver de Haute-Savoie isolée et futuriste composée de tours en bois et de rues sans voitures, Avoriaz développe un fort imaginaire qu’un festival international de film fantastique viendra couronner et promouvoir dès 1973. Le festival d’Avoriaz a bénéficié de l’avènement d’une nouvelle génération de cinéastes fantastiques comme Steven Spielberg, Brian De Palma, David Lynch, John Carpenter, George Miller, Luc Besson, David Cronenberg, James Cameron, Paul Verhoeven ou Peter Jackson. Il a été, pendant deux décennies, une porte d’entrée pour de nombreux fans de fantastique de l’époque et a largement contribué à démocratiser le genre en France. Ce mémoire riche en matériaux d’archives et en interviews avec des protagonistes de l’évènement étudie le festival d’Avoriaz dans ses dynamiques marketing et analyse les causes qui ont amené son déclin. À l’occasion des cinquante ans du lancement du festival en 2023, ce travail est aussi une occasion de questionner la mémoire et l’héritage de cette manifestation.
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Fuir Genève
Les trajets en train rythment ce mémoire d'Oélia Gouret en forme de journal de voyage, mais aussi de journal de bord d'une période exceptionnelle de pandémie mondiale, et malgré tout de formation, d'échanges, de lectures, de politisation. Se mettre en route devient un mode de construction de soi, de respiration et d'inspiration, de câblages temporaires dans un monde qui s'isole et se cloître. S'inscrivant dans la lignée d'un écrivain d'autofiction comme Guillaume Dustan, Oélia Gouret propose un texte richement illustré, où la mobilité s'apparente à un refus du pouvoir institutionnel et à l'expression de ce qu'Elsbeth Probyn nomme les « appartenances extérieures ». -
La « confrontention » du texte et du dessin
Des pots de fleurs qui se volatilisent annonciateurs d'un monde en décrépitude, la mort d'un tailleur de pierres tombales qui laisse un grand vide ou une surprise d'anniversaire cauchemardesque en rase campagne. Ces histoires imaginées par trois étudiant·es en deuxième année bachelor illustration sont passées par une série d'étapes avant d'exister sous la forme de bandes dessinées au stylo, au feutre ou à la tablette numérique. Du scénario à l'adaptation en dessins en passant par le découpage, cet article revient sur une année d'atelier en illustration à travers une sélection de productions étudiantes. Les enseignant·es qui ont encadré ces ateliers reviennent de leur côté sur les questions méthodologiques et théoriques propres aux différents objets produits par les étudiant·e·x·s.
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(Un)learning from Jakarta
Conversation entre farid rakun de ruangrupa et les étudiant·exs du Work.Master
Le 18 juin 2022, documenta fifteen ouvre ses portes à Kassel. Cette nouvelle édition dirigée par ruangrupa cherche à embarquer la manifestation quinquennale allemande dans l’écosystème communautaire et décentralisé du collectif indonésien. Les étudiant·e·x·s du séminaire de Marie-laure Allain Bonilla ont mené un long entretien avec farid rakun, l’un des membres de ruangrupa, qui détaille les méthodologies de travail du collectif, leurs concepts singuliers qui ouvrent à de nouvelles épistémologies curatoriales et les relations qui se sont établies entre leur base de Jakarta et Kassel.
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Ecosystème de l'œuvre d'art et matérialité du monde
La notion d’écosystème trouve un fort écho dans les pratiques artistique contemporaines. Influencé·e·s par l’approche néomatérialiste qui conteste la primauté du sujet et considère la matière comme dotée de vitalité, des artistes proposent des œuvres ouvertes à la mutation et à l’altération sans qu’ils ou elles n’en soient plus les opérateur·rice·s. Avant de pousser les artistes à sortir complètement du système productif ou à s’engager dans des pratiques purement immatérielles, David Zerbib postule dans cet essai que la crise écologique provoque d’abord et surtout un changement de positionnement de l’humain dans un réseau polycentrique d’agentivités plurielles.
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Dossier #12
Dé/produire sans cons/dé/truire
À la suite d’un rêve dans lequel une intelligence extra-terrestre l’avertissait que l’écosystème planétaire s’effondrait, l’artiste situationniste et musicienx électronique Chris Korda fondait son mouvement «religieux » Church of Euthanasia en 1992, qu’iel ne dotait que d’un seul commandement : «Tu ne procréeras point » et d’un slogan répété de disques house en banderoles : «Save the Planet – Kill Yourself ». Trente ans plus tard, le comique grotesque de ce positionnement nihiliste ne s’estompe pas, mais son constat sur l’état de la planète n’en apparaît que plus amèrement visionnaire et intra-terrestre. D’urgentes questions se posent face au ravage des écosystèmes et à l’épuisement des ressources. Elles émergent de manière singulière dans une école d’art et de design qui forme des étudiant·e·x·s à la production d’objets.
Comment allier une pratique d’art et de design avec les enjeux écologiques ? La production implique-t-elle nécessairement une forme de destruction ? Quelles formes pourrait prendre un tournant vers la déproduction ? Ce dossier envisage ces problématiques par le biais de trois approches complémentaires. Il s’intéresse tout d’abord à la dimension pragmatique de la mesure de l’impact d’un projet qui permet de prendre conscience des émissions et d’orienter les pratiques de façon vertueuse. Le projet de calculateur carbone initié par Yves Corminboeuf, délégué au développement durable à la HEAD, est présenté ici à travers le cas réel du défilé de mode 2021.
Sur le plan historique, l’hypothèse d’une déproduction fait écho à différentes pratiques, conceptuelles et critiques, qui ont remis en cause le statut de l’objet ou l’injonction à faire carrière. Alors que l’utopie de la dématérialisation digitale se révèle très énergivore, David Zerbib s’engage dans une réflexion sur la dialectique contemporaine du matériel et de l’immatériel. S’écartant des pratiques d’art conceptuel, il voit dans l’instabilité et la reconfiguration multiple des formats de la production artistique contemporaine l’émergence d’une pensée écosystémique.
Logiquement, cette remise en question des logiques productives a pour maître mot l’épargne des ressources. La poursuite de cet objectif emprunte des voies multiples et souvent, comme les chansons de Chris Korda, pétries de joie plutôt que du sentiment de privation. Enlever, défaire, renoncer, recycler, réparer, réaffecter, saboter deviennent des pratiques en soi. Une série d’articles de ce dossier se concentre sur quelques pratiques radicales, de figures historiques et/ou récalcitrantes de l’art et du design, mais aussi d’étudiant·e·x·s et d’enseignant·e·x·s de la HEAD qui repensent leur production, leur improduction ou leur déproduction à l’aune du défi écosystémique.
Images de couverture : Church of Euthanasia, CC-BY-SA 3.0
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Création en design et durabilité
Les bases d′une conception moins polluante
Yves Corminboeuf fait partie des pionniers du design durable en Suisse. Le chargé de cours et délégué à la durabilité de la HEAD conseille de nombreuses structures afin de les faire évoluer vers une prise en compte des enjeux écologiques propres à leur modèle de production. Il est également actif dans le réemploi à travers l'association Matériuum, une ressourcerie très appréciée du monde culturel qui récupère et remet en vente des matériaux de construction. Dans cet entretien avec Elizabeth Fischer accompagné d'une longue introduction, il revient sur les origines de la notion d'écoconception et les moyens à disposition des designers pour limiter leur impact sur les ressources du système Terre.
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Compte-rendus innovants d'antiques technologies
Interview de Kris De Decker, fondateur de Low-Tech Magazine
Les nouvelles technologies s’accompagnent souvent d’effets secondaires nuisibles, sur le plan écologique, mais aussi psychosocial. Plutôt que de mettre en avant la nouveauté, Kris De Decker tente de répondre à nos besoins humains par des articles sur des technologies oubliées, le recyclage, la réparation et l’ingéniosité. Il les publie en ligne sur Low-Tech Magazine, qu’il a fondé en 2007. La création d’une version du site à basse consommation énergétique alimentée par un panneau solaire installé sur son balcon allie le non seulement le média à son contenu, mais vient démontrer tout le potentiel créatif à tirer de la frugalité. L’enseignant et chercheur en design Nicolas Nova (HEAD – Genève, HES-SO), lui-même auteur d’un projet de recherche sur les magasins de réparations de téléphones portables, s’entretient avec De Decker au sujet de son passionnant et inspirant projet éditorial et sur la portée politique d’un changement de paradigme de la production, vers la dé-production, la maintenance et la réparation.
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Radical Acts of Love
Outre le fait d’être l’une des industries les plus polluantes au monde, la mode soumet ses ouvrier·ère·s à des conditions de travail parmi les plus dégradantes. Face à ces abus, la mobilisation des consommateur·ice·s reste négligeable. Partant de ce constat, Mikhail Rojkov s’est lancé dans une série d’actions de sensibilisation, parmi lesquelles la réparation de jeans déchirés neufs qu’il replace en rayon pour pointer les dérives et absurdités du système. Aussi douces et attentionnées soient-elles, de telles interventions foulent certains principes au cœur du capitalisme, comme la propriété privée. Dans ce texte, Rojkov discute des frontières entre vandalisme et embellissement, et du potentiel de transformation politique concentré dans un fil, une aiguille et un geste d’amour.
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Le Freistilmuseum vingt ans après
Les historien·ne·s se passionnent depuis quelques années pour le geste radical du retrait du monde de l’art et de l’activisme politique de certaines figures aux motivations et parcours divers telles que Carla Lonzi, Lee Lozano, Shulamith Firestone ou Agnes Martin. S’il ne s’inscrit pas dans cette généalogie féministe et largement reconnue, le Freistilmuseum (musée en style libre), initié par trois artistes argoviens dans les années 1970, éclaire d’une autre manière la distance avec le marché de l’art et le travail depuis la périphérie au travers d’une activité matériellement non productive qui se rapproche d’une forme de médiation. Au terme de ses études, Julie Enckell Julliard s’était enthousiasmée pour les contrepoints critiques créés par le Freistilmuseum lorsqu’il introduisait des objets du quotidien dans des expositions d’autres artistes. Vingt ans plus tard, elle opère une relecture de la valeur écosystémique de cette pratique de mise en relation. -
Architecture Without New Architecture
Longtemps l’architecture a été synonyme de construction. La prise de conscience de la dimension destructive au niveau planétaire d’une telle entreprise pousse les architectes à envisager d’autres voies pour poursuivre leur pratique. Réalisé dans le cadre de l’atelier RE :WORK de Leonid Slominsky du Master en architecture d’intérieur, le projet de Nobuyoshi Yokota propose de réaffecter une gare abandonnée à Crans-près-Céligny, dans le vignoble de la Côte, pour en faire un lieu d’apprentissage des métiers du vin. Par des interventions architecturales minimales, Yokota dote cette relique des débuts du rail d’un programme qui lie pensée écologique, sociale et économique.
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Entre concept et compétence
Le fait main dans l’œuvre de Zoë Sheehan Saldaña
En 1981, Ian Burn estime que l’art conceptuel est à l’origine d’une perte de compétences manuelles des artistes. A force de mettre l’accent sur la conception, ils se seraient privés des moyens de savoir spécifiques qu’ils avaient à leur disposition du temps où ils peignaient ou sculptaient. Sur ce terrain du deskilling, Zoë Sheehan Saldaña décide de se tenir d’une façon paradoxale. Depuis le début des années 2000, l’artiste explore en effet les modes de production industriels en reproduisant manuellement ou artisanalement des biens de consommation. Sa pratique donne lieu à une histoire de l’organisation du travail et du capitalisme dans laquelle Ileana Parvu voit se dessiner des possibilités de ralentissement. -
Du design centré utilisateur au design qui enlève
Le design centré utilisateur s’est imposé de manière exclusive dans le développement des interfaces et protocoles informatiques. Loin d’être neutre, cette approche du design est au contraire biaisée, car fondée sur certains utilisateurs bien identifiés – les actifs, les consommateurs – alors que d'autres populations plus précaires ou aux pratiques moins formatées restent dans son angle mort. La réduction de la pensée de l’objet à son seul usage se fait également au détriment d’une réflexion plus globale qui pourrait intégrer par exemple le devenir déchet d’un produit. À l’invitation de la Digital Tech Conference 2021 de Rennes, Anthony Masure, responsable de la recherche à la HEAD – Genève (HES-SO) et Brieuc Saffré, directeur de l’agence de design circulaire Circulab amorcent une critique de ce dogme du design pour envisager d’autres pistes, du design centré citoyen au design qui enlève plutôt qu’il n’ajoute. Nous publions ici une version audio de cette discussion animée par Julien Vey, président de l'Institut supérieur de design de Saint-Malo.
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Design of the Mind
Les films d’espionnage de l’époque de la Guerre froide témoignent d’une polarité entre technophilie affichée et critique de l’emprise de la technologie sur l’esprit humain. Dans ce texte qui préfigure une exposition qu’elle prépare sur cette analyse d’un pan du cinéma anglo-saxon d’Après-guerre, l’historienne du design Alexandra Midal (HEAD – Genève, HES-SO) compare les gadgets de la franchise James Bond qui laissent croire qu’une innovation technique peut régler n’importe quelle difficulté opérationnelle à des films, comme Ipcress, danger immédiat, où l’espion doit faire face à des techniques de manipulations mentales alors expérimentées dans les laboratoires secrets de la CIA. Comme dispositif multi-sensoriels de projections d’images, le cinéma se reflète lui-même dans ces films sur le lavage de cerveau. -
Combien une haute école émet-elle de CO2 ?
L'exemple d'une conférence du cycle Talking Heads
La HEAD et la HEG se sont associées pour développer un calculateur carbone avec pour objectif de mesurer l'impact sur le climat des activités des HES de Suisse romande. Porté par Anthony Masure, Yves Corminboeuf (HEAD – Genève, HES-SO) et Laurent Cornaglia (HEG), ce projet de recherche appliqué actuellement en phase finale de développement sera disponible via une application en libre service. Pour ce dossier, Yves Corminboeuf et Laurent Cornaglia ont calculé à l'aide de cet outil les émissions de la conférence de matali crasset de janvier 2022.
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Talking Heads – matali crasset
Le temps de la restitution
matali crasset est une designer admirée, connue pour ses nombreuses éditions avec des marques et pour ses commandes publiques. Lors de cette Talking Heads animée par Alexandra Midal, elle aborde les aspects plus souterrains et plus essentiels de son travail qui touchent à la question politique et au rôle du ou de la designer dans un monde abîmé. Entre un pas de côté qui nous fait entrer chez le voisin, une pensée de l'objet dans ses multiples couches de sensibilité et ce qu'elle nomme les "habitations de la restitution ", qui sont des hypothèses de logements en relation directe avec l'environnement, elle transmet une idée du design comme point de médiation entre les êtres "sentants " et la nature.
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Head to Head – Nayansaku Mufwankolo
Dans ce portrait vidéo qui lui est consacré, Nayansaku Mufwankolo, déléguéx à l'inclusivité à la HEAD – Genève, met en lumière les différentes étapes qui lui ont permis de déployer sa pratique. De poèmes d'abord confinés à des carnets privés et qui se développent désormais dans l'espace, à des études académiques centrées sur l'histoire de l'art officielle débouchant sur l'affirmation d'une pensée intersectionnelle à travers les moyens de l'art, le parcours de Nayansaku Mufwankolo est marqué par une volonté de s'affranchir des dogmes dominants et par un désir de transmission.
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No Monument
Diplômée en 2014 du CCC, l'artiste et activiste Marisa Cornejo a réalisé un film qui revient sur les événements de Plaza Italia à Santiago, renommée Plaza de la Dignidad depuis le 18 octobre 2019. Pendant plusieurs semaines, des manifestant·e·s s'y sont rassemblés face à la répression policière pour réclamer une meilleure justice sociale et l'abrogation de la Constitution héritée du régime d'Augusto Pinochet. La statue du général Baquedano qui trônait au centre de la place a été retirée par le gouvernement le 13 mars 2021 après les déprédations intervenues sur ce symbole des divisions chiliennes. Héros militaire pour certain·e·s, génocidaire de populations indigènes pour d'autres, Baquedano s'en est allé au milieu de la nuit, par la petite porte. Cornejo s'est associée à sa fille Katya Kasterine et à Cecilia Moya Rivera (étudiante du CCC) pour adosser le film à un essai à plusieurs voix, un journal de bord de la contestation – publié en anglais et en espagnol. Ensemble elles retissent la mémoire d'un pays traversé par de multiples conflits, espérances, violences et inégalités, dont la présence absente de la statue du général devient le leitmotiv. Cet article est un nouvel épisode et la coda du focus publié l'an dernier : All Monuments Must Fall.
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Femmage à Marion von Osten
Cet article rend femmage à l'artiste, organisatrice d'expositions et chercheuse Marion von Osten, décédée en novembre 2020. Cette pionnière d'une pratique nourrie par la recherche et d'une approche décoloniale de la modernité a enseigné pendant plusieurs années au CCC de la HEAD – Genève. Doreen Mende parle de son influence sur ce programme de recherche tandis que l'éditrice et chercheuse bâloise Lucie Kolb revient sur la manière dont Marion von Osten liait toujours aux enjeux de programmation une réflexion sur l'infrastructure dans laquelle ils s'enracinaient. -
Dossier #11
Art and Humanity : What Is Possible ?Actes du colloque en vidéo
Ce dossier reprend la réflexion entamée lors du colloque en ligne « Art et humanitaire : quels champs du possible ? », organisé en partenariat avec la Croix-Rouge de Genève par le Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (MICR), la HEAD – Genève et le Comité international de la Croix-Rouge à l'occasion de Concerné·e·s. 30 artistes face aux questions humanitaires, une exposition réunissant art, culture et action humanitaire au MICR du 27 avril au 26 septembre 2021. Son approche pluridisciplinaire vise à créer des liens et à explorer les possibilités de collaboration entre des domaines d'expertise rarement amenés à interagir.
À notre époque, les problèmes humanitaires sont plus complexes qu'il n'y paraît. Les conflits, dont on ne connaît pas toujours les protagonistes, s’éternisent. Leurs causes restent souvent difficiles à discerner et leur violence passe par différents niveaux. Les catastrophes naturelles deviennent plus brutales, plus soudaines, plus effrayantes. Elles atteignent toutes les couches de la société. Nous sommes en train de prendre la mesure de l'impact des pandémies, et des inconnues que cela génère. La numérisation de nos sociétés introduit de nouveaux enjeux humanitaires ; cyber-guerres, dilemme de la fracture numérique, conséquences des fausses informations et retombées de la propagande civile sont désormais à l’ordre du jour.
Face à ces défis, un certain nombre de questions se posent : l'art peut-il nous permettre d'appréhender la complexité de ces situations, et lui donner du sens ? Les œuvres d'art qui abordent les questions humanitaires peuvent-elles nous aider à en avoir une compréhension plus nuancée, plus concrète, par la création d’espaces et de temps de réflexion profondément différents de ceux que proposent les médias ? Comment faire en sorte que les représentations de ces questions ne trahissent ni les personnes concernées ni les situations elles-mêmes ? Pour le public, les artistes et les humanitaires, qu’y a-t-il à gagner à mieux se connaître, et à apprendre les un·e·s des autres ? Un dialogue entre l'art et l'action humanitaire favorise-t-il l'engagement individuel et collectif ? Que peut faire l'imagination artistique quand celle de tout un peuple est mise en ruine ? L'artiste peut-iel jouer un rôle de médiateur·rice ? Comment mieux connecter à la vie quotidienne des questions perçues avant tout par les médias ? Si elles font souvent les gros titres, les crises humanitaires restent au final un sujet d’actualité parmi tant d'autres, véhiculé par des canaux tels les écrans, les journaux et la radio, qui peut être mis à distance d’un geste de la main. Il est facile de s’en détourner. On peut donc avoir l'impression que ces crises se passent dans un ailleurs lointain, et n’affectent que les autres.
Ces questions ne sont pourtant pas aussi éloignées de notre réalité que nous pourrions le croire. Qui, en pleine pandémie de COVID-19, n’a pas ressenti un certain degré de vulnérabilité ou de détresse ? Nous sommes tous·tes conscient·e·s du changement climatique et des conséquences qu'il aura sur notre vie quotidienne – notamment sur notre accès aux ressources. Dans de nombreuses régions du monde, l’ultranationalisme prend de l'ampleur, sur fond de rhétorique vengeresse, voire guerrière. Sommes-nous tous·tes amené·e·s à faire l’expérience directe d’une crise, tôt ou tard ? Julie Enckell Julliard (HEAD – Genève), Pascal Hufschmid (MICR), Philippe Stoll (ICRC)
Anonyme, Keep Red Cross in action : Give !, 1955 –1957, archives MICR (ARR)
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Jouer à être humain
Interview avec Sylvie Boisseau, Frank Westermeyer et David Zerbib
Sylvie Boisseau, Frank Westermeyer et David Zerbib publient le ebook Jouer à être humain, fruit d'un projet recherche (HEAD – Genève, HES-SO) de deux ans (2018-2020) qui mêle expérimentation vidéo et philosophie. Ils y testent la théorie de la positionnalité de Helmuth Plessner qui postule que végétaux, animaux et humains se différencient par leur relation distincte à l'espace.
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Art and Humanitarian
Impacting
Cette série de conférences se penche sur quelques cas concrets où art et humanitaire collaborent directement dans des zones en crise. Les intervenant·e·s témoignent des diverses incidences positives de l'art tant du point de vue de son expérience en tant que spectateur·trice, que de sa pratique.
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Art and Humanitarian
Learning
Les artistes attentif·ve·s aux situations humanitaires posent la question du regard face à la vulnérabilité et des risques de voyeurisme. Plus largement les intervenant·e·s réfléchissent à l'agentivité d'une oeuvre dans sa manière de susciter cognition et émotion.
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Art and Humanitarian
Engaging
Ces conférences interrogent la question de l'engagement. Au-delà de la représentation, comment l'art peut-il entrer en dialogue avec des communautés en proie à des crises humanitaires ? À travers des projets au Kenya, en Afghanistan et à Beyrouth, les intervenantes évoque le potentiel curatif de l'art. Le modèle de la tragédie grecque est également introduit comme une manière d'explorer et purger les traumatismes personnels et collectifs.
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Art and Humanitarian
Looking
Ces conférences interrogent les notions parentes bien que parfois concurrentes d'éthique et d'esthétique. Certains symboles permettent de relier ces notions. De même un dialogue entre perspective distante et action de terrain permet de développer une intrication positive entre ces deux catégories.
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Talking Heads –La voix dans tous ses états
Avec Véronique Auguereau, Philippe Peythieu, Olivier Lebrun, Marge et Homer Simpson
La comédienne Véronique Augereau et le comédien Philippe Peythieu interprètent les voix de Marge et Homer Simpson en français. Pour cette Talking Head, le couple est accompagné par le graphiste Olivier Lebrun, auteur du livre culte A Pocket Companion to Books from The Simpsons. Leur conversation se concentre sur l’importance de la voix dans le cinéma et dans le jeu d'acteurs, l'émergence du parlant au cinéma, la technique et le savoir-faire des comédiens de doublage, les voix artificielles, mais aussi la longévité des Simpsons de Matt Groening, leur esprit libertaire et frondeur, des anecdotes de doublage.
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Strong interaction
L'observation scientifique à l'épreuve de l'observation photographique
Dans cet essai, l'artiste et curatrice Annette Amberg réfléchit à la place qu'occupe le CERN dans la culture, de même qu'aux tensions entre un développement technologique, qui passe notamment par des outils de visualisation et de représentation toujours plus perfectionnés, et des relations humaines bornées à un espace-temps tangible. Ce texte vient clore deux workshops transversaux organisés par le Pool Photographie de la HEAD – Genève en collaboration avec le CERN, le Biophore de l’EPFL et l’observatoire astronomique de Genève. En 2017-2018, le workshop "Figures " a donné naissance à la publication Un signal sur un bruit de fond. En 2019-2020, Infiniment infini était le titre à la fois d'une seconde publication et du workshop dont elle est issue. Ces deux publications sont accessibles au format PDF dans cet article.
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Autopsie d'une expérience éditoriale
La collection de livres multisupport Manifestes de HEAD – Publishing
La HEAD – Genève défend une politique d'accessibilité de la connaissance qu'elle produit. Elle a lancé dans ce but une nouvelle cellule éditoriale multisupport baptisée HEAD – Publishing. Manifestes, la première collection issue de cette maison d'édition regroupe de courts textes théoriques incisifs portés par des enseignant·e·s et chercheur·euse·s de l'école. Son originalité est de proposer ces ouvrages sous forme de livres imprimés vendus en librairies, mais aussi en impression à la demande, en version ePub gratuite ou en lecture à l'écran sur le site HEAD – Publishing. La conception de ces livres est passée par un processus novateur qui questionne le rapport du livre imprimé et du livre numérique. Les initiateur·trice·s du projet : Julie Enckell Julliard, Anthony Masure et Dimitri Broquard font ici le compte-rendu de cette expérience éditoriale.
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Le panthéon de Catherine Meurisse
Entretien avec l'autrice-dessinatrice par Benjamin Stroun
Dans le cadre d'un projet de recherche, Benjamin Stroun (HEAD – Genève, HES-SO) s'est entretenu avec Catherine Meurisse, l'autrice des bandes dessinées La Légèreté (Dargaud, 2016), Les Grands espaces (Dargaud, 2018), et du récent La Jeune femme et la mer (Dargaud, 2021), connue aussi pour sa longue collaboration avec le journal satirique Charlie Hebdo. Nous publions un extrait audio de cet entretien, où Benjamin Stroun interroge la lauréate du Prix Töpffer 2021 sur son rapport à la bande dessinée, un genre pour lequel elle a délaissé momentanément le dessin de presse.
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Qu’est-ce qui cloche avec la Déclaration de Vienne ?
Les artistes sont les grand·e·s absent·e·s à la fois du processus d'élaboration et du contenu de la Déclaration de Vienne sur la recherche artistique. Dans leur critique de ce document de politique internationale sur la recherche en art, Florian Cramer et Nienke Terpsma rappelle le rôle fondateur des artistes dans la pratique de la recherche en art et proposent sur cette base des modes de recherche qui remettent en question et subvertissent le cadre académique hiérarchisé plutôt que de s'y fondre. -
Charte des pratiques avancées
Proposition collective de définition de la valeur de la recherche artistique
Espace d’échanges informels réunissant des artistes, des théoricien·ne·s, des philosophes, des enseignant·e·s, des performeur·se·s, des curateur·trice·s, des musicien·ne·s, des urbanistes, des anthropologues et bien d’autres acteur·trice·s culturel·le·s en Europe et ailleurs, le European Forum for Advanced Practices (EFAP) s’est réuni pour proposer de nouvelles manières de reconnaître la valeur des pratiques culturelles contemporaines. Leur charte propose un contre-modèle à la Déclaration de Vienne pour la recherche artistique. Elle rejette l'obsession institutionnelle pour l'évaluation, l'homogénéisation ou la privatisation, pour promulguer des principes de démocratisation du savoir et une performativité des pratiques avancées. Nous publions ici une version traduite du texte original en lien. -
Dossier #10
Faut-il institutionnaliser la recherche artistique ?Réactions et contre-propositions à la Déclaration de Vienne
En juin 2020, des organisations européennes de tutelles de l’enseignement supérieur en art se sont regroupées pour produire un document intitulé la Déclaration de Vienne sur la recherche artistique. L’objectif de cette démarche est d’offrir un cadre à la recherche en art tant sur le plan des objectifs que des aboutissements. Ce texte rappelle et poursuit le travail engagé par la Déclaration de Bologne de 1999 qui a conduit à l’harmonisation de l’enseignement académique en Europe à travers la mise en place du système LMD (Licence/Bachelor, Master, Doctorat).
Si elle n’a pas fait beaucoup parler d’elle pour l’instant, la Déclaration de Vienne contient pourtant des propositions controversées. Nienke Terpsma et Florian Cramer, une chercheuse et un chercheur en art qui se prévalent d’un statut non-académique, ont rédigé en janvier 2021 un texte intitulé «What Is Wrong with the Vienna Declaration on Artistic Research ? » qui dénonce ce cadre institutionnalisant. Nous publions une traduction de ce commentaire car il nous semble nécessaire d’ouvrir un débat sur ces questions. En effet, la Déclaration de Vienne, jugée réductrice et néo-libérale par Terpsma et Cramer, s’est développée sans consultation des principaux et principales concerné·es : les artistes.
Ce dossier se complète d’un entretien avec Anthony Masure, responsable de la recherche au sein de la HEAD – Genève, et d'une prise de position de Doreen Mende, chercheuse en art, et responsable du Master en arts visuels CCC, qui reflètent la position de la HEAD – Genève, notamment dans sa défense de la recherche-création. Nous publions enfin une autre charte rédigée par un collectif de praticien·nes de l’art, qui offre une vision alternative et résistante face à cette tentative d’encadrement d’un domaine de la recherche qui se trouve au carrefour de multiples enjeux et idéologies : entre besoin de financement et de légitimation d’une part, et exigence de liberté dans ses formats et ses méthodologies propre à l’art d’autre part.
Image de couverture : Denise Bertschi,Oasis of Peace. Neutral Only On The Outside. Vue de l’exposition, Centre Culturel Suisse Paris, 2021, photo : Tristan Savoy. Denise Bertschi termine son doctorat en art lié à la question de la neutralité à la HEAD – Genève.
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Principes pour une recherche artistique ouverte
Commentaires d'Anthony Masure et Doreen Mende
La HEAD – Genève est indirectement liée à la Déclaration de Vienne sur la recherche artistique car elle adhère à l'un des organismes de tutelle signataire du texte – la Society for Artistic Research (SAR). Cela dit, l'école développe et milite en faveur de formats de recherche qui s'extraient d'un cadre trop académique ou orienté vers les applications concrètes. Dans un entretien, Anthony Masure, responsable l'Institut de recherche à la HEAD, retrace les initiatives de l'école pour développer une recherche dont la création est le moteur du processus heuristique et la restitution peut contourner le texte académique. En complément, Doreen Mende, chercheuse et responsable du Programme Master de recherche CCC, revient sur le rôle politique des pratiques avancées en art dans leur diffusion de la connaissance et leur déconstruction des hiérarchies historiques, que la Déclaration de Vienne tend à l'inverse à rigidifier.
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Impressions d'Archipelago : architectures pour le multiverse
Des idées pour mieux (ou ne plus) construire
Renouveler l'architecture et ses paradigmes pour un futur plein d'inconnues, dans un monde multiple et archipélique, soumis à l'épuisement des ressources et au défi climatique, tel était l'ambition d'Archipelago, un évènement organisé de manière conjointe par la HEAD – Genève et l'HEPIA. Les rencontres avec des dizaines de praticiens et théoriciens internationaux étaient diffusées en livestream depuis l'auditorium du Cube de la HEAD, transformé en studio de télévision pour l'occasion. Cet article reprend quelques scénarios discutés dans cette arène qui pourraient changer de manière radicale la discipline architecturale.
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Fashion studies
Entretien avec Anja Aronowsky Cronberg, chercheuse et fondatrice du magazine Vestoj
Au printemps 2021, Anja Aronowsky Cronberg était invitée par le département mode à échanger avec les étudiant·e·s sur son expérience d’éditrice de la revue Vestoj, pionnière dans sa manière de développer une approche théorique universitaire sans renier son amour pour le glamour de la mode. Nous publions ici une version abrégée de cette conversation conduite par Aude Fellay.
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Politique et esthétique du montage cinématographique
Du cinéma à l’installation
À contre-courant du déluge d'images, certaines formes de montage, de compilation et de mise en espace permettent de s'engager de manière critique dans les images. Doreen Mende revient sur les approches de monteuses soviétiques et de l'artiste Harun Farocki qui se sont illustrés dans cette « nouvelle pédagogie des images » émancipatrice, tandis que Claire Atherton évoque les installations de films de Chantal Akerman et qu'Olivier Zuchuat s'intéresse à la construction interne des plans de Roy Andersson, conçus comme des tableaux.
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Dossier #9
Colloque international Editing Arts : actes des conférences en vidéo
En mars 2021, le Département Cinéma a organisé Editing Arts ! Montage en mouvement, un colloque international portant sur le montage au cinéma et dans les arts contemporains, à la fois rétrospectif et prospectif. En partant des grandes figures du montage cinématographique (montage alterné, montage parallèle, montage d’opposition), les intervenant·e·s issu·e·s des différents champs de la culture contemporaine étaient invité·e·s à discuter les mutations et les évolutions que rencontre la pratique du montage dans l’art et le design (arts scéniques, arts visuels, architecture, musique, littérature, bande dessinée, jeux vidéo, etc.) et à observer la manière dont ces changements peuvent influencer en retour les formes du cinéma. Ce colloque s’inscrivait dans la lignée du colloque Start Making Sense ! Cinéma et arts contemporains transforment l’essai organisé en 2013 et de Montage. Une anthologie (1913-1918), ouvrage coédité avec le MAMCO en 2018. Il proposait d’alterner des conférences fondamentales sur le montage, des dialogues entre théoricien·ne·s, critiques et artistes, ainsi que des performances et projections de films.
Merci à Lorin Wüscher pour le montage des vidéos, Mathis Damour pour la prise de son et Aurélien Haslebacher pour la liaison via Zoom
Crédit image de couverture : Virgil Widrich, Fast Film, 2003
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Le montage cinématographique et ses effets
Le montage est un des instruments privilégiés du cinéma pour orienter l'attention et les émotions des spectateur·trice·s. Alfred Hitchcock en convenait, lui qui se définissait comme un directeur de spectateur·trice·s avant d'être un directeur d'acteur·trice·s. Cette série de conférences revient sur plusieurs expériences et théories liées à ces effets produits par le montage, qu'il s'agisse de la manipulation des esprits à travers les images subliminales, des découvertes du théoricien russe Lev Koulechov sur le sens qui se dégage de l'interaction des plans, et enfin sur la technique contemporaine de l'oculométrie, qui détermine où le regard se pose dans une image.
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Séquences sonores, narratives, performatives et spatiales
Ces conférences mettent en évidence la dimension physique et matérielle du montage dans divers contextes hors du cinéma. À travers la composition musicale, le théâtre, l'architecture ou la création littéraire, le montage peut occuper autant le rôle de technique que celui de sujet ou métadiscours. Il révèle alors ses coutures dans ces transpositions hors du champ de l'image en mouvement.
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Juxtapositions et hyperliens
Montage de la bande dessinée aux cultures numériques
Cette série de conférences approche la notion de montage dans des arts et activités voisines du cinéma comme les nouveaux médias, les jeux vidéos ou la bande dessinée. S'affranchissant du cinémacentrisme, Frederik Peeters défend la position que le montage en bande dessinée se fait dans la tête du lecteur·trice, tandis que Selim Krichane marque aussi la différence du jeu vidéo comme art de l'immersion avant tout. Les cultures numériques témoignent pour leur part d'un montage qui échappe à la figure singulière, devenant collectif chez les fans detective qui intéressent Chloé Galibert-Laîné, voire automatisé par des algorithmes selon les recherches de Nicolas Nova.
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L'allégorie des Polly Pocket
Interview de Morag Keil au sujet de l'enseignement et de la pratique de l'art à distance
À travers des vidéos, des installations immersives ou des dessins, Morag Keil envisage avec un humour désabusé l’impact de ce que Shoshana Zuboff a fameusement nommé le capitalisme de surveillance. Ce modèle économique n’a fait que se renforcer à la suite des multiples confinements et appels à pratiquer le télétravail durant la pandémie de Covid-19, rendant du même coup plus sensible la précarité de la vie dans des territoires urbains gentrifiés. Professeure invitée au Work.Master en 2020-2021, l’artiste écossaise revient sur son expérience d’enseignement à distance et sur les méthodes qu’elle a mises en place pour esquisser des formes de collectivité digitales avec ses étudiant·e·s. Ensemble iels ont créé le film Great expectations/ broken dreams qui imagine une école d’art alternative.
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Agence de tutorat artistique
Interview du collectif Medium Sans Serif et extraits audio du livre d'Inès Berdugo
L’histoire des artistes est émaillée de deux mouvements contradictoires, celui de s’affranchir du jugement des personnalités agréées par les institutions et vaincre sa solitude. Ce double fantasme agit comme un moteur, une résistance, un déplacement qui débouche souvent sur la création de nouvelles formes ou de communautés artistiques aux formats variables d’autogestion. Le collectif Medium Sans Serif (Justine Salamin, Eliot Ruffel et Samuel Cardoso) s’est constitué en 2020 à l’initiative de trois diplômant·e·x·s de la filière Arts visuels, dans le but d’offrir un accompagnement aux jeunes artistes. Discussion, « sessions critiques », production éditoriale ou projet curatorial, le dispositif vise à entourer et à nourrir la réflexion des jeunes diplômé·e·x·s au sortir de leur formation à la HEAD. La démarche a pris ancrage à la Galerie Alexandre Mottier, au moment où celle-ci cherche à se réinventer.
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Les arcanes d'un scénario
Entretien sur l'écriture d'un film avec Carmen Jaquier
Rares sont les occasions de lire des extraits d’un scénario de film encore au stade de la post-production. Entre deux sessions de montage, Carmen Jaquier revient sur l’écriture de son deuxième long-métrage de fiction, Les Paradis de Diane, qui raconte l’errance de Diane, une trentenaire en fuite après avoir donné naissance à son premier enfant. Coécrit et coréalisé avec Jan Gassmann, ce scénario a été initialement développé entre septembre 2014 et juin 2016 au sein du master de cinéma HEAD/ECAL. Si la substance du film était déjà bien présente dans cette première version, l’histoire a pourtant passablement changé. Cet entretien entre la réalisatrice et la critique Mariama Balde met en relief le parcours souvent sinueux de l’élaboration d’un scénario.
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Badaboum
Observation, description, reproduction
Le collectif Badaboum a été créé en 2018 à Genève dans le cadre d’un atelier de l’option [inter]action en Arts Visuels. Jusqu’en 2020, il a réalisé toute une série d’expérimentations dont le dessein est resté mystérieux pour beaucoup. Ses membres se rassemblaient autour de pratiques d’action, d’observation, de description et de reconstitution. Un livre tiré en 50 exemplaires retrace les activités de Badaboum. Nous en donnons ici un plus large accès en publiant le pdf de cette édition.
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Must (monumental) Water Fall Too ?
L'élément liquide est omniprésent à Genève, ville connue pour sa rade, son jet d'eau, ses rivières, ses fontaines. Mais cette eau est aussi canalisée et domestiquée de manière draconienne par de nombreuses infrastructures. Dans ce texte, l'autrice tente de déceler un esprit genevois dans l'examen de monuments liés à l'eau dans la ville du bout du lac.
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Monuments of the Mind
En 1996, peu avant la rétrocession de Hong Kong à la Chine, un artiste asperge la statue de la Reine Victoria de peinture rouge et la défigure avec un marteau. Le sens de cette action est resté ambigu. Une attaque contre le pouvoir colonial anglais ? Un retour aux méthodes des gardes rouges de la Révolution culturelle ? Ou l'idée plus large qu'à un empire en succède un autre ? À la lumière du nouveau partage idéologique à Hong Kong, dans lequel la statue de Victoria est appropriée par le camp de la "démocratie " et la répression chinoise des formes d'actions dissidentes, Phoebe-Lin Elnan prône une nécessaire déconstruction des formes d'oppression mentale que représentent certains monuments.
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Justice Afoot
Communing with the Friends of Acoma
Dans cet article, Gene Ray s’intéresse aux multiples échos de l’amputation du pied d’une statue équestre de Juan de Oñate par un collectif une nuit de 1998 au Nouveau-Mexique. Cet acte iconoclaste faisait référence à la mutilation, 400 ans plus tôt, d’indigènes d’Acoma, par les conquistadors espagnols, dont faisait partie Oñate.
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Columbus, a Spanish Imaginary
Dans un pays comme l’Espagne, où le souvenir de Christophe Colomb est régulièrement brandi comme ciment national et source de fierté, lorsque d’autres institutions comme la monarchie sont en déclin, les débats sur la démolition des statues de ce symbole des prémices de la colonisation suscitent une large désapprobation. Román Alonso analyse le mythe de la «découverte » de l’Amérique dans l’imaginaire espagnol et la place qui occupent les nombreux monuments dédiés au navigateur.
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Dossier #8
All Monuments Must Fall : épisodes d'un iconoclasme du temps présent
«All monuments must fall » (tout monument doit tomber). Quatre mots, un appel à la mobilisation et à l’action. Une mise en accusation de la terreur policière, une demande que cesse l’impunité. Un déboulonnement des patriarches colonisateurs et suprémacistes blanc : Robert E. Lee et Christophe Colomb, Cecil Rhodes et Léopold II. Plus encore : ce « tout » qui atteint jusqu’aux racines de la monumentalité et, pour convoquer le commun à venir, imagine une réorganisation de la culture et de l’espace publics. Iconoclasme : la dissolution d’une image dominante ou de son pouvoir, de son magnétisme, de son emprise ou de son aura négative. La dissolution du régime et de l’amnésie. Une proposition, donc, pour un remodelage réparateur, pour une Justice du temps présent.
En 2020-2021, le séminaire d’études critiques du programme Master de recherche du CCC a choisi comme thème principal la proposition et la pratique de All Monuments Must Fall. (La formule provient de l’excellent programme en ligne produit par un collectif de Baltimore, dont traite l’essai introductif ci-après). À partir de lectures, de discussions et d’une immersion dans les témoignages visuels de cette nouvelle période d’iconoclasme, le séminaire a ouvert une réflexion sur les différences entre la mémoire qui se perpétue depuis en bas, la monumentalité de l’histoire officielle qui chapeaute par le haut, et les pratiques artistiques contre-mémorielles. Une étude critique de la construction de l’histoire, de l’idéologie des monuments et des fonctions sociales et politiques de l’espace public a ainsi pris forme. Des discussions sur certaines interventions artistiques au sein des politiques culturelles de la mémoire et de l’oubli ont eu lieu. Les étudiant·e·s ont été invité·e·s à choisir des exemples ou des études de cas dans les espaces publics de Genève ou d’ailleurs pour approfondir leur recherche et leur raisonnement.
Légende image : statue en bronze du marchand d'esclaves et député conservateur Edward Colston balancée dans les eaux du port de Bristol par des manifestants de BLM en juin 2020. Photo : PA Wire.
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Decolonize Listening
Or How to Tear Down the Monument of Hegemonic Listening
À partir d’une querelle de voisinage entre un Arabe qui écoute de la musique fort la nuit et une autre personne non identifiée qui réclame le silence, Balam Ronan Simon Delgado tisse une réflexion sur la politique du son et de l'écoute. Il pose l’hypothèse que notre manière d’écouter est marquée par le fardeau de l’histoire tant sur un plan personnel que collectif et qu'elle influence notre relation à notre environnement.
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Dismantle Louis Agassiz
Embedded Racism at the Near Side of the Moon
Dans ce texte Roman Karrer s'intéresse à la manière dont le nom des rues, des places ou des montagnes charge ces lieux d'une dimension symbolique. Le cas du botaniste et zoologue Louis Agassiz, né à Fribourg en Suisse et dont près de 80 sites portent le nom, jusque sur la Lune, témoigne de ce type d'ancrage problématique. Longtemps omis, le racisme d'Agassiz qui s'opposait aux théories de Darwin sur l'évolution pour défendre un suprémaciste blanc, définit désormais cette figure controversée. Karrer revient sur les diverses manières dont le nom d'Agassiz a été escamoté ou non ces dernières années et sur certaines évolutions positives, comme l'hommage rendu à la romancière de science-fiction noire Octavia E. Butler dont le nom désigne un point de la planète Mars.
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Ode to an Empty Plinth
Iconoclasm by Other Means
Dans un numéro de la revue October de 1997 consacré au Situationnisme, T.J. Clark et Donald Nicholson-Smith rejetaient le récit selon lequel l’IS aurait renoncé à l’art au profit de la politique au début des années 1960. En réalité, l’organisation n’aurait renoncé qu’aux formes conventionnelles et représentationnelles de l’art, défendant en parallèle la dimension utopique du projet artistique. Gene Ray développe cet argument en s’appuyant sur l’action des Situationnistes à la Place de Clichy, où ils avaient tenté de réinstaller une statue de Fourier.
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Domingos de llanto y jueves vacíos o Teary Sundays and empty Thursdays
Tel un dialogue entre les langues, ce texte bilingue espagnol-anglais prend aussi la forme d'une chanson, puis d'une harangue. Il revisite l'histoire chilienne à travers les manifestations contre les inégalités sociales de 2019 dans ce pays. Ces évènements ont notamment mené au renversement de la statue équestre du général Badequano, un militaire qui a participé à la guerre contre le peuple autochtone Mapuche.
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Other Monuments Should Stay
Resistance in Squats and Counter-Cultural Spaces in Geneva
Pendant 25 ans, Genève a bénéficié d’une scène squat riche et cruciale tant socialement que culturellement. Ces espaces, qui étaient occupés selon divers dispositifs légaux, défiaient la spéculation immobilière. Les auteur·trice·s de ce texte considèrent que ces squats étaient devenus des monuments, qui ont pourtant été éradiqués par une politique concertée dans les années 2000, sur laquelle iels reviennent.
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Monuments Must Be Edited
Le Mur des Réformateurs au Parc des Bastions à Genève a connu de multiples assauts depuis sa construction en 1909. À partir de cette histoire de tag et de peinture, Basile Collet réfléchit à la manière dont ces éruptions de vandalisme participent à perturber un ordre public, soi-disant pacifié, pour y réinsuffler du débat et du conflit social.
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A Dream of a Cuttlefish
Faisant écho à son expérience dans l'ancien espace soviétique, où une série de changements brutaux de régimes ont été émaillés par des renversements de statues, Sara Bissen compare le traumatisme psychologique laissé par ces événements historiques parfois violents au cycles répétitifs des statues érigées puis renversées.
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All Monuments Must Fall
Thinking Through the Proposition
Dans cette introduction, Gene Ray (HEAD – Genève, HES-SO) revient sur une série d’évènements récents, principalement en lien avec le mouvement Black Lives Matter, qui peuvent laisser penser qu’un nouvel iconoclasme a débuté. Il associe cette manière agressive de remettre en cause l’histoire dominante, en s’attaquant aux statues, au concept écologique de réensauvagement (wilding) de Nancy Fraser. L’auteur crée ainsi une alliance entre les mouvements décoloniaux et les activistes du climat qui ont semblablement diffusé des formes d’indiscipline dans l’espace public ces dernières années.
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Hey, Hey, My My... Can Monuments Ever Die ?
Celles et ceux qui ont visité la Biennale de Venise ont remarqué un monument sur le rivage devant les Giardini, presque en face du pavillon suisse. Il s’agit du fameux monument commémoratif Alla Partigiana conçu par Carlo Scarpa – le maître de l’architecture muséale en Italie dans l’Après-guerre – en collaboration avec le sculpteur Augusto Murer. Peu savent que cet ensemble cache un épisode clé de la confrontation entre l’art contemporain et le terrorisme politique dans l’Italie des années 1960. Ce monument peu élevé et horizontal est en fait la reconstruction d’un précédent monument détruit par un attentat terroriste qui avait pour but de profaner un symbole.
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All Revolutions Must Be Collective
Qu’est-ce qui doit tomber ? Ce podcast interroge des membres de collectifs suisses romands de résistance contre le racisme, le patriarcat ou les violences policières. Cette question élargit la notion de monument à celle d’institutions comme les prisons ou la police.
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I Say I – She Says You You, and Me ?
Cet essai provient de la transcription et de la réélaboration d’une séance de lecture collective proposée par Camilla Paolino au centre d’art Fri Art en février 2020 dans le cadre de l’exposition Dal momento in cui...., consacrée à Ketty La Rocca (La Spezia, 1938 – Florence, 1976). À partir d’un ensemble de textes poétiques en prose écrits par l’artiste italienne entre 1972 et 1974, Paolino aborde les concepts d'incommunicabilité, d'illisibilité, d'aliénation et de repli sur soi, qu’elle problématise du point de vue de plusieurs femmes actives dans la pratique de l’art et la production culturelle en Italie dans les années 1960 et 1970. La réflexion qui en découle relie l’expérience de La Rocca à celles de Carla Lonzi, Carla Accardi et des autres membres de Rivolta Femminile qui, à la même époque, endossant pleinement l’opacité de leurs postures radicales vis-à-vis de la culture et de la société, transformèrent leur position d’altérité en un terrain propice à la réalisation de leur subjectivation. La vision s’élargit alors et dérive vers l’étranger pour établir des liens spéculatifs avec les expériences de parias culturelles nord-américaines comme Valerie Solanas et Lee Lozano.
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Une histoire de légitimité
Charlotte Laubard déplie ce qu’elle nomme « l’énigme autodidacte » dans ce podcast associé à un large corpus d’images. Protéiforme, cette énigme interroge les modes d’apprentissage et l’invention artistiques autant que les critères de légitimité qui régissent l’histoire de l’art. Elle propose notamment de mettre en parallèle la trajectoire d’artistes qui ont fait l’objet de différentes appellations telles que « brut », « outsider », « naïf » avec celle d’artistes des avant-gardes, qui, dans les années 1950, ont dû mettre en œuvre une forme de désapprentissage pour rompre avec la tradition, ou encore de créateurs venus de sphères et cadres d’apprentissage non-occidentaux.
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L'apprentissage auto-reverse
Daniel Johnston et l'enregistrement
Dépeint en singulier absolu, à la fois solitaire et providentiel, l’auteur-compositeur-interprète et dessinateur américain, Daniel Johnston (1961-2019) s’est souvent vu attribuer les qualificatifs de « naïf », « outsider », « brut » forgés par l’historiographie artistique. À partir de lectures tour à tour mondaines, hagiographiques, biographo-pathologiques qui ont été faites de la production de Daniel Johnston – et accompagné par ses chansons en fond sonore, Christophe Kihm explique en quoi le musicien incarne un certain mythe du génie autodidacte, à rebours des valeurs d’une pop music considérée comme inauthentique et commerciale.
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L’énigme autodidacte, de la fabrique de l’œuvre à sa reconnaissance
Que nous apprennent les récits d’apprentissage ?
En évoquant une série de découvertes faites dans le cadre de ses recherches sur les apprentissages « informels » ou non « formatés », Hélène Bézille explore la construction socio-historique de la figure de l’autodidacte. Elle observe notamment comment cette figure double oscillant entre disqualification et reconnaissance, aliénation et émancipation, a gagné en légitimité à partir des années 1960 avec l’édification du self-made man et « l’artification » croissante de ce que l’on considère comme des singularités radicales.
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Dossier #7
L'énigme autodidacte : dossier d'enquête sur une figure de l'histoire de l'art
Coup de théâtre à la Biennale de Venise de 2013 : dans l’exposition officielle dont Massimiliano Gioni assume le commissariat, une quarantaine de créateurs et de créatrices sans formation artistique sont présenté·e·s côte à côte et sans distinction avec des artistes aguerri·e·s de la sphère professionnelle. La controverse fait rage : comment peut-on insérer dans la biennale la plus importante du monde de l’art des productions qui ignorent la théorie de l’art et ses traditions ? Pourquoi l’inventivité de ces œuvres conçues sans connaissance approfondie des critères esthétiques fascine au point de tenir lieu d’une énigme ?
Réalisées lors d’une journée d’étude organisée par Charlotte Laubard, responsable du Département Arts visuels de la HEAD – Genève, les contributions de ce dossier reviennent sur la place des autodidactes durant le XXe siècle pour resituer les enjeux historiques et théoriques qui ont contribué à édifier cette énigme. Elles ambitionnent de défaire certaines représentations mythifiantes concernant les pratiques artistiques en s’interrogeant sur ce qu’un apprentissage par soi-même produit concrètement dans un parcours de création. Elles postulent pour cela une approche à la croisée des disciplines en mobilisant les apports théoriques sur les apprentissages en sociologie, anthropologie, philosophie pragmatique, et sciences de la cognition et de l’éducation.
Non seulement ces contributions entendent ménager un espace pour les productions artistiques maintenues aux marges des institutions de l’art, mais elles nous enjoignent aussi à revoir entièrement nos critères de jugement dans un contexte d’élargissement sans précédent des pratiques de création bouleversé par la globalisation et les technologies numériques.
Ces conférences nourrissent et complètent les recherches d’une vaste exposition historique organisée par Charlotte Laubard au Musée d’Art Moderne et Contemporain de Saint-Etienne (octobre 2021-avril 2022).
Image de couverture : Bodys Isek Kingelez, Italie, s.d., 44 x 10 x 49 cm, papier, carton et plastique de récupération (inv. FNAC 981002)
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Uncanny Ocean
Master Symposium 2021
Le lundi 22 mars s'est tenu l'édition 2021 du Master Symposium, un événement collectif d'une journée organisé par la filière Master en Arts Visuels de la HEAD (Work.Master, CCC, et TRANS). L'artiste Ayesha Hameed était invitée à définir le thème et à sélectionner les intervenants de cette édition.
Intitulé Uncanny Ocean, le Master Symposium s'est concentré sur un aspect spécifique de l’océan : le peu que nous en savons.
On dit qu’on en sait plus sur l'espace extra-atmosphérique que sur le fond de l’océan. Cette journéed'événements prend cetteinconnaissabilité de l'océan comme un moyen de penser l'aquatiquecomme un matériau, un médium, pour en explorer le mystère et l’histoire,riche et complexe,composée de migration, de commerce, de prospection et de violence. Nous permettre de penser à sesprofondeursobscures, à d'autres créatures sous-marines et à la façon dont nous pourrions partir del'océan pour penser aux sorts, au temps désarticulé,au voyage dans le temps, à la fiction visionnaireet à d'autres mondes possibles.
Cet article rassemble les enregistrements vidéo des conférences des intervenant·e·x·s : Stefan Helmreich, Jota Mombaça, RAQS Media Collective (Monica Narula, Jeebesh Bagchi et Shuddhabrata Sengupta), Mao Mallona, Stefano Harney et Rajiv Mohabir.
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El Croquis. Édition nocturne
Dans cet essai, Javier Fernández Contreras s'interroge sur les implications du tropisme diurne de la photographie architecturale. Malgré le développement, avec le postmodernisme, d'une pensée de l'architecture inspirée par les lieux de loisirs et de divertissement nocturnes que sont les casinos ou les boîtes de nuit, le mode de représentation de jour demeure le paradigme majoritaire dans les revues d'architecture. Lors d'un atelier en février 2020, le Département d'Architecture d'intérieur de la HEAD – Genève a invité Richard Levene à créer une « édition nocturne » de El Croquis. En montrant des bâtiments appropriés par la société, et non pas éternellement vides et vierges, les photographies des étudiant·e·s réalisées dans le cadre de cet atelier s'engagent dans l'idée de « post-occupation » introduite par Rem Koolhaas. La version originale de ce texte a été publiée dans la revue Plan Libre.
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Endless Dive : jouer et apprendre dans les abysses
Endlesse Dive, le jeu que Catia Barreiras a développé pour son diplôme de Master en Media Design, s'éloigne des standards du jeu pour mobile à la Candy Crush en misant sur la narration et l'apprentissage plutôt que le geste addictif. Un plongeur et une océanographe s'enfoncent dans la fosse des Mariannes. Ils rencontrent les habitants de ces lieux. Le joueur ou la joueuse suit l'évolution de leur relation, tout en découvrant ce milieu sous-marin dont il ou elle peut adopter le regard subjectif. Interviewée par Alexia Mathieu, la jeune développeuse explique ses choix et son travail de recherche conséquent pour créer ce jeu à la lisière entre divertissement et éducation. -
Le texte, de whatsapp à la mayonnaise
Entetien croisé avec Carla Demierre et Fabienne Radi
Si leur cours commun d’écriture créative s’est momentanément transformé en podcast pour cause d’enseignement à distance, Fabienne Radi et Carla Demierre prônent pourtant l’apprentissage par l’expérience. Expérience de la lecture, de l’écriture, de la réécriture, au-delà des clichés rebattus de la poésie telle qu’elle a été introduite à l’école primaire. Elles parlent ici de leurs méthodes et de la place particulière que l’écriture trouve dans une école d’art et de design.
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Littérature, terrain d'action
Republication d'un entretien d'Hervé Laurent
En septembre 2009, la revue de littérature Remue.net – fondée par l’écrivain technophile François Bon – s’entretenait avec Hervé Laurent, le «Monsieur Texte » de la HEAD, au sujet de l’atelier d’écriture qu’il avait créé, en pionnier, dix ans plus tôt. Nous republions à l’occasion de ce dossier cette interview menée par Fabienne Swiatly qui expose les enjeux de la pratique de l’écriture dans une école d’art.
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L'écriture dans tous ses états
Sélection de textes et voix étudiantes
Cette sélection de travaux d’étudiant·e·s et d’alumni passé·e·s par les ateliers d’écriture créative de la HEAD témoigne de la vitalité et de la diversité des moyens de restitution du texte. À la variété des genres, allant de l’écriture de soi à la poésie en passant par le jeu, répond celle des formes et médiums : éditions, créations radiophoniques, gravure sur pâte à biscuit ou cartes postales sonores.
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Une lunch box dans la fable
Recension du livre Le déclin du professeur de tennis de Fabienne Radi
Fabienne Radi a publié deux ouvrages en 2020 : Émail diamant chez Art&fiction et Le déclin du professeur de tennis chez Sombres torrents. Sylvain Menétrey s’attarde sur ce dernier, un recueil de quatre nouvelles écrites à partir d’œuvres choisies par l’auteure dans le fonds d’art contemporain du Réseau documents d’artistes en France. Fabienne Radi y dissèque des Bountys et des catalogues d’accessoires pour bûcheron pour tenir la morale à distance.
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D’autres voix
Recension de parutions récentes de Carla Demierre par Julie Sas
Avec Autoradio, publié en 2019 aux éditions Héros-Limite et Qui est là ?, paru un an plus tard chez art&fiction, Carla Demierre décline en poésies concrètes et narrations polyphoniques des façons de voir par ses propres voix.
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Dossier #6
La parole au texte :pratiques de l'écriture à la HEAD – Genève
L’atelier d’écriture, créé par Hervé Laurent en 1999, constituait déjà l’un des espaces singuliers et vifs de l’ESBA (ndlr. ancienne École supérieure des Beaux-Arts de Genève) lorsque j’en ai pris la direction en 2004. Nous nous sommes rencontrés, Hervé Laurent et moi-même, sur cet engagement que je n’ai fait qu’accompagner de manière convaincue. Les rapports entre art et écriture, entre peinture et poésie au cours du XXe siècle en particulier, ont constitué un des champs de mon travail d’historien de l’art. J’avais également ouvert dès 1996, à l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg, des ateliers d’écriture créative, confiés à Catherine Weinzaepflen et Jacques Demarcq. Ces ateliers avaient permis la publication, assez inédite, de plusieurs recueils de textes d’étudiant·e·s.
Nous avons ainsi instauré très rapidement un petit groupe de travail réunissant, outre Hervé Laurent, Carla Demierre, alors assistante au sein de l’atelier d’écriture, et Alain Berset fondateur et directeur des éditions Héros-Limite qui intervenait également à l’école. Nous sommes convenus d’une «politique » active d’invitation d’écrivain.e.s ou artistes – écrivain.e.s qui, à la suite de leur atelier mené au sein de l’école, donnaient une lecture publique de leurs propres textes dans le cadre de rendez-vous instaurés au Mamco, grâce à la complicité amicale de Christian Bernard, intitulés Voix Off. C’est également à ce moment-là que nous avons créé la collection Courts lettrages avec Héros-Limite. La collection était codirigée par Alain Berset, Hervé Laurent et moi-même. En réalité, le choix des auteurs et autrices publié·e·s était le fait de Laurent et Alain, mon propre rôle était surtout celui de premier supporter… Le premier livre de Carla Demierre – qui a repris la responsabilité de cet atelier à la suite d’Hervé Laurent – y a été publié, mais aussi les textes d’une vingtaine de jeunes diplômé·e·s, à ce jour, qui, pour certain·e·s, sont devenu·e·s des figures suisses de la littérature ou du monde de l’édition (à l’exemple de Julie Sas, Vincent de Roguin, Baptiste Gaillard, Anne Le Troter, entre autres).
L’idée que les mots sont inscrits dans les pratiques contemporaines de l’art était donc très ancrée dans la culture de l’école. Carl Andre, par exemple, était venu rencontrer les étudiant·e·s alors que ses poèmes visuels, dactylographiés, étaient présentés au Cabinet des estampes par Christophe Cherix. Jacques Demierre et Vincent Barras proposaient déjà à ce moment-là un travail étonnant de poésie sonore au sein de l’Atelier son de l’école. Bref, la question de l’écriture, et la matière visuelle ou sonore du texte traversaient l’école en permanence. Et cela se poursuit. Ces exemples témoignent d’un espace de création singulier, ouvert, à la croisée des arts et de la littérature. Nos alumnis devenu·e·s écrivain·e·s portent une singularité qui tient pour partie à cette origine plasticienne du texte, traversé de l’intérieur par une dimension visuelle. Ils·elles travaillent le texte comme une texture, une argile. Le texte est une trame, un filet à partir duquel capter un pan de réalité. On perçoit dans leurs travaux une dimension physique des mots. Je veux également souligner que, par-delà ce champ de création singulier qu’ouvrent ces ateliers d’écriture, ils aiguisent une compétence langagière qui est désormais une compétence cardinale pour tout·e artiste – et si nous parlons à présent de la HEAD, de tout·e designer – en tant que vecteur actif d’une pensée à l’œuvre.
Au sein de l’école d’art, le travail d’écriture ouvre un espace particulier de liberté, on s’accorde certaines licences qu’on ne s’accorderait pas spontanément dans un contexte plus traditionnellement associé à la littérature. En école d’art, le travail d’écriture opère un déplacement, on travaille le texte dans un territoire connexe qui, d’une part, s’offre à des logiques très fécondes de transpositions et qui par ailleurs n’est pas, ou moins, encombré de figures héroïques, parfois paralysantes. C’est un espace de création que l’on peut investir de manière plus déliée, dégagée du poids du genre et de l’histoire. Ce dossier manifeste, je l’espère, ces sensibilités remarquables.
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Voix de tête VI – Dora Garcia
Ce nouvel épisode de la rubrique Voix de tête qui exhume des conférences notables qui se sont tenues à la HEAD – Genève dans un passé plus ou moins lointain redonne la parole à l'artiste Dora Garcia. Le 9 mai 2012, elle était l'invitée d'une Talking Head consacrée à son travail, qui se décline en textes, performances, installations multimédia, ou encore sous la forme de recherches. L'artiste qui a eu l'honneur d'être invitée dans les plus grandes manifestations européennes comme le Skulptur Projekte de Münster, la Documenta de Kassel ou la Biennale de Lyon revenait sur quelques projets majeurs qui font vaciller des instances comme le public ou l'auteur.
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À la recherche d'Aline
Entretien avec la réalisatrice Rokhaya Marieme Balde
Dans son court-métrage À la recherche d’Aline, Rokhaya Marieme Balde s’intéresse à son arrière-grand-tante, une héroïne de la lutte anti-coloniale au Sénégal. Outre pour son engagement politique, Aline Sitoé Diatta était également réputée pour posséder le don de faire tomber la pluie. Le film de Balde combine reconstitutions oniriques, enquête documentaire sur le souvenir qu’a laissé la résistante et prophétesse en Casamance, et mise en abîme du tournage du film. Ces différents niveaux de récits tissent le portrait complexe d’un personnage entre mythe et réalité historique. La réalisatrice revient dans cette interview sur ce tournage et son parcours de jeune cinéaste diplômée du Bachelor Cinéma de la HEAD – Genève.
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Il était une fois
Interview d'Annie A. Marca
Pour son Bachelor en Communication visuelle, Annie a Marca s’est faite l’autrice d’un album aux illustrations stylisées, aux lumières inquiétantes et aux grandes ombres portées horrifiques. Cette variation sur le conte de Perrault du Petit Chaperon rouge est transposée dans un univers urbain contemporain. Le loup devient un emblème de la culture du harcèlement et du viol. Mais dans cette relecture, le chaperon ne se laisse pas manger tout cru. Dans cette interview, Annie a Marca revient sur les mécanismes qui imposent certaines peurs aux femmes, et sur la manière de les surmonter.
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De brillantes minuscules tragédies
Auto-éditions de Julietta Saccardi et Dorodea Leone
Au cours d’un atelier, des étudiant·e·s de bachelor de l’option Image/récit ont conçu des éditions intégralement produites par leurs soins qui devaient être présentées lors du salon P.A.G.E.S. Véritables albums de bandes dessinées, leporellos, fanzines ou projets collectifs, ces éditions ont permis aux étudiant·e·s de réfléchir à la manière de transmettre leurs dessins de manière efficace. Nous présentons deux travaux issus de cet atelier, signés respectivement par Dorodea Leone et Julietta Saccadi. Entre une série de microéditions – au sens littéral du terme – sur les déboires sentimentaux et une lutte fratricide croquée à la craie grasse au format livret, ces éditions allient poésie, originalité et économie de moyens.
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Head to Head VI – Doreen Mende
Portrait vidéo de la responsable du Programme master de recherche CCC
Head to head est une série de portraits filmés d’enseignant·e·s, de chercheur·euse·s, d’artistes et de designers actif·ve·s à la HEAD – Genève. Ces rencontres sont l’occasion pour ces personnalités d’aborder leur parcours, souvent brillants, en-dehors de l’école. Pour cette nouvelle édition, Doreen Mende a répondu aux questions de l’éditeur d’Issue, Sylvain Menétrey.
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Talking Heads –Bahar Noorizadeh
Challenging Cybernetic Conspiracy
Cette Talking Heads délocalisée en ligne donnait la parole à l’artiste et chercheuse Bahar Noorizadeh. Celle-ci réfléchit aux alternativesissues de l’art et de la recherche en art pour contrer la «machinomanie » qui gère notre avenir. Pour ce faire, elle expose et déconstruit l’économie politique d’internet, qui s’est calquée sur les théories des économistes libéraux classiques. Cette Talking Heads s’inscrit dans le cadre d’un semestre de conférences qui discutent des nouveaux modèles de création possibles et de leurs conséquences sur les systèmes de production et de valorisation de l’art et du design. À l’heure de l’intelligence artificielle et du machine learning, l’organisation du travail et les mécanismes de production se transforment et invitent à repenser la notion même dufaire.
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Johannes & Alan
Quelques enseignements d'un atelier de typographie algorithmique
Les designers Demian Conrad et Alex Dujet ont co-organisé un workshop de typographie assistée par la technologie. L’objectif de cet atelier consistait à employer les synergies entre analogique et numérique dans la production de lettrages pour des impressions qui s’inscrivaient dans le champ de la poésie concrète. Il s’agissait d’une part de déterminer comment une composition faite avec un algorithme peut influencer la mise en page d’une composition manuelle; et, d’autre part, comment la composition typographique manuelle au plomb modifie la façon de coder du design graphique. Compte-rendu de ces expériences.
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L'inclusif·ve
Interview de Tristan Bartolini
Pour son travail de Bachelor en Communication visuelle, Tristan Bartolini a développé un nouveau système de signes typographiques qui transcende la binarité des genres inscrite dans la langue. Le jeune typographe a redessiné des caractères d'une police existante, l'Akkurat de Laurenz Brunner, de manière à ce que certaines lettres s'imbriquent. Tout en restant lisibles, les terminaisons genrées des mots échappent à la dichotomie ou à la préséance d'un genre sur l'autre. Les mots affichent une fluidité qui s'étend entre les pôles féminins et masculins. Ce travail à la fois poétique et politique a été récompensé par le Prix Art et Humanité 2020 de la Croix-Rouge. Nayansaku Mufwankolo, assistantx au Programme master de recherche CCC s'est entretenux avec le designer sur les questions politiques et techniques liées à son projet.
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Souvenirs d'un Grand Tour – Épisode 3
Interview de Loana Gatti
Ce troisième volet des souvenirs du Grand Tour est consacré au travail de Loana Gatti, diplômée du Programme master de recherche CCC. Dans son Master Thesis, intitulé « Exploring Alternatives : counterattack of a fallen leaf », Loana Gatti développe une réflexion sur des formes alternatives de pédagogie. Ses recherches sont informées par le potentiel transformateur d'expériences personnelles et collectives. Pour sa présentation de diplôme, elle a valorisé du matériel iconographique et documentaire collecté lors d'un semestre d'échange à Kyoto au Japon, où elle participait à la gestion d'un jardin en permaculture. Une expérience qui l'a amenée à réfléchir aux notions d'autonomie et de « care ».
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Souvenirs d'un Grand Tour – Épisode 2
Interview de Henrique Loja
Suite de nos souvenirs du Grand Tour avec le travail de sculpture d’Henrique Loja, diplômé du Work.Master. Loja a présenté une série d’objets composés en partie avec des matériaux récupérés qui mêlent des microrécits à l’histoire géologique de la planète. Entre les ruines d’une civilisation naufragée et les indices d’un futur possible, ils s’inscrivent pleinement dans notre présent incertain.
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Souvenirs d'un Grand Tour – Épisode I
Interview de Giulia Essyad
Le 8 septembre 2020, le Département Arts Visuels organisait le Grand Tour, sa traditionnelle exposition de diplômes. Rien d'ordinaire pourtant cette année, puisque l'exposition habituellement organisée au début de l'été a été décalée à la rentrée suivante pour raisons sanitaires. Surtout les étudiant·e·s ont dû travailler dans un contexte chamboulé par la pandémie, qu'il s'agisse de leurs conditions de travail hors de l'école ou d'un imaginaire monopolisé par les échos d'un monde en détresse. À travers une série d'interviews de diplômé·e·s et d'images de leur œuvres présentées au Grand Tour, la rédaction d'ISSUE propose un panorama de ces jeunes pratiques artistiques en pleines turbulences.
Pour ce premier chapitre, Giulia Essyad, diplômée du Work.Master explique comment elle s'approprie des dispositifs et langages esthétiques dominants pour créer des images fortes, drôles et étonnantes. Ses productions ne cherchent pas seulement à lutter à armes égales contre les diktats de beauté, de couleur de peau ou de minceur qui envahissent nos inconscients, mais inventent aussi une spiritualité personnelle.
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La maille anticapitaliste
Interview de Valentine Ebner, responsable du projet KnitGeekResearch
Historiquement, le domaine de la confection se situe souvent aux avant-postes des grands mouvements de rationalisation économiques. Il fut l’un des premiers à s’industrialiser au XIXe siècle, puis à rechercher une main d’œuvre bon marché dans les pays asiatiques au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Outre les conséquences désastreuses sur le marché de l’emploi et la perte de savoir-faire en Occident, ainsi que le scandale des conditions de travail des ouvriers de la fast fashion en Asie, ces évolutions ont déterminé une césure complète entre les designers et leur outil de production. En piratant des machines à tricoter domestiques, afin de les rendre compatibles avec les besoins en matière d’expérimentation et de gestion des volumes des petites marques de mode, le projet de recherche KnitGeekResearch de Valentine Ebner tente de redonner aux designers un contrôle direct sur leurs moyens de productions. Dans cette interview, la designer et enseignante détaille les fondements de cette recherche entre ingénierie et design, explique le fonctionnement de ses deux prototypes, et donne un aperçu des nouvelles esthétiques que ces machines permettent d’explorer.
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El Croquis : généalogie d'un prestigieux magazine d'architecture
Dans cette conversation, Richard Levene, le co-fondateur du magazine d’architecture de référence El Croquis, revient sur la genèse de cette publication, lancée alors qu’il terminait ses études d'architecture en 1982. D’abord sous forme de journal en noir et blanc présentant des projets de professeurs d’architecture espagnols, El Croquis a peu à peu intégré la photographie, la couleur, l’anglais et le format monographique consacré à des signatures internationales de l’architecture qu’on lui connaît aujourd’hui. En discussion avec Javier Fernandez Contreras, responsable du Département Architecture d’intérieur à la HEAD et Sven Högger, assistant, Levene détaillent les choix spécifiques en terme de graphisme, de photographie et de curation qui ont fait d’El Croquis un magazine largement acclamé.
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Avant-propos – Pour mémoire
Interview de Jean-Pierre Greff
Jean-Pierre Greff s’est particulièrement investi au sein de l’espace franco-suisse dans l’élaboration pédagogique et politique du mémoire en école d’art et de design. Il revient au long de cette interview sur cette formalisation, qui date d’une vingtaine d’années, et sur les convictions qui l’ont amené à penser le lien d’interdépendance ouvert entre théorie et pratique qui guide la réalisation des mémoires à la HEAD – Genève. -
Introduction – Le mémoire, une formation intellectuelle et sensible
En conversation avec Lysianne Léchot Hirt et Anthony Masure
Chaque année, les mémoires de Master produits à la HEAD témoignent d’une grande richesse thématique, méthodologique et formelle. Comme le rappellent Lysianne Léchot Hirt et Anthony Masure, respectivement responsable de la coordination de l’enseignement et responsable de la recherche à la HEAD – Genève, ces travaux de fin d’étude s’inscrivent pourtant dans un cadre pédagogique clairement défini, qui consiste à permettre non seulement aux étudiant·e·s de contextualiser leur pratique, mais aussi de leur ouvrir les portes de la recherche, de l’enseignement ou encore de pratiques artistiques hybrides. La pertinence des hypothèses et la mise en place d’une méthodologie propre aux champs de l’art et du design constituent les critères majeurs de la réussite de l’exercice.
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Où sont passés nos rêves collectifs ?
Un échange épistolaire entre Katrin Kettenacker et Maria Lucia Cruz Correia
En collaboration avec le far° Nyon, un groupe d’étudiant·e·s de la HEAD – Genève a travaillé avec l’artiste Maria Lucia Cruz Correia. Lors d’un workshop transdisciplinaires pendant les Semaines de tous les possibles,ils ont développé un projet collectif qui verra le jour en aoûtlors de la prochaine édition du far°, fabrique des arts vivants, du 13 au 22 août 2020 à Nyon. Les étudiant·e·s et l’artiste ont imaginé à cette occasion une école pour l’avenir qui développe un programme de réflexions et d’activités en lien avec les notions de survie et de rêves communs dans notre présent dystopique.
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Pourquoi
Mémoire de master de Greg Clément
Pourquoi, est un essai sur la position de l’auteur dans une forme collective de cinéma. Il articule : analyses de films, récits d’expériences, descriptions de dispositifs. Il accompagne et questionne une recherche-action dont il rend aussi compte. Ce montage de textes tente de répondre à une série de questions : comment faire du cinéma avec des enfants ? Comment interagir avec eux, leurs parents et l’environnement pour en faire toute une histoire ? Comment en tant qu’auteur donner la parole à des amateurs qui jouent leurs propres rôles ? Comment les laisser transformer le projet de départ ? Comment se départir de l’autorité, collaborer et faire œuvre collective ? La préface est signée par Claude-Hubert Tatot, tuteur de Greg Clément pour ce mémoire de master en Arts visuels, orientation TRANS – Art, éducation, engagement. -
To Destroy a World
Mémoire de master de Laila Torres Mendieta
Dans son mémoire de master réalisé dans le cadre du CCC en 2019, Laila A. Torres Mendieta utilise la performativité de la théorie fiction pour créer ce qu'elle appelle des «fissures » dans le modèle hérité du colonialisme en terme de rapport de classes, de genres et de races, à partir de l’exemple de son Mexique natal. S’il fait émerger des récits non-occidentaux et habités d’une sensibilité féministe intersectionnelle, son travail d’écriture critique consiste plus généralement à activer des univers contrefactuels. Le genre horrifique y joue un rôle essentiel pour les paradoxes qu’il ouvre en terme de discontinuité de dimensions et de temps, aussi bien le temps que nous vivons que les futurités construites par la science-fiction. Le mémoire est introduit par une interview avec l'autrice, de même que le texte des Actes de recherche publié par le CCC. -
Rano Rano, Naming, Listening to, Refusing the Coloniality of the Exhibitionary Complex
Mémoire de master de Léa Genoud
Le travail de recherche de Léa Genoud, réalisé en 2019 dans le cadre du CCC – Programme master de recherche, s’engage dans une réflexion sur la colonialité du musée, produit de l'histoire impérialiste occidentale, et plus particulièrement sur le format spécifique de l'exposition. Son approche face à cette question largement débattue aujourd'hui consiste à s'attaquer, à travers différentes perspectives théoriques et artistiques inspirés du champ postcolonial, décolonial et des Black Studies, au principe de non-questionnement de l'histoire hégémonique de cette institution et surtout à l'articulation de ses technologies du regard (gaze), de la photographie ethnographique à la performance contemporaine.
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Love is what you want
Mémoire de master de Diane Rivoire
À travers un montage de textes, d’interviews d’artistes, d’auteurs, d’autrices, Diane Rivoire trace des liens entre l’art, l’amour et l’amitié, l’amour de l’art et l’amitié au travail. Certains passages sont empruntés et subtilement réactualisés, d’autres sont des écrits personnels inspirés d’expériences vécues. Les conversations dans lesquelles elle s’engage, chapitre après chapitre, sont à l’opposé de l’image de passivité que l’on associe conventionnellement à la posture de celle qui admire. Et ce panorama de figures bavardes et aimées, de près ou de loin, constitue le point de départ d’un processus de production de soi en tant qu’artiste, une véritable leçon d’appropriation. Son mémoire soutenu en 2020 est introduit par sa tutrice Jill Gasparina. -
Clara, Chuck et les autres
Mémoire de master de Laura Spozio
Laura Spozio propose une version remaniée de son mémoire de master en Arts visuels de 2019 pour cette parution en ligne. Les lecteur·trice·s ont le choix entre deux entrées qui ne sont pas pensées de manière linéaire. Un premier récit, à caractère littéraire, est composé à partir d’une collecte d’anecdotes issues de l’éthologie, des sciences humaines, de la philosophie, et des sciences de la communication. Un second, de type analytique, revient sur la qualité de certains chercheurs en éthologie cognitive, qui réside dans l’utilisation complémentaire de différentes méthodes d’observation et d’expérimentation. Par cette perspective en miroir, l’autrice cherche à réhabiliter le récit anecdotique dans les sciences et à adopter à partir d’eux un point de vue pragmatique pour comprendre les relations interespèces. Laura Spozio est également l’autrice de l’introduction.
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N'importe quoi mais pas ça
Mémoire de Master en Arts visuels (Work.Master) de Johana Blanc
Le mémoire en Arts visuels de Johana Blanc, réalisé en 2020 dans le cadre du Work.Master, collecte une série jugements péremptoires que parsèment certain·e·s artistes, critiques et autres figures d’autorités du monde de l’art dans leurs propos sur leur discipline. Ces discours qui bannissent des pratiques se télescopent avec l’atomisation du champ de l’art au XXème siècle qui n’a cessé d’inclure de nouvelles formes selon le principe que tout serait potentiellement art. Avec un sens marqué de la dérision, Johana Blanc navigue entre ces injonctions paradoxales pour une étudiante en art et esquisse une position personnelle ancrée dans la pratique. Son mémoire est introduit par un texte de son tuteur David Zerbib. -
Sustainability Revisited
Mémoire de master de Tara Mabiala
Dans son mémoire de Master en Design Mode et accessoires, Tara Mabiala aborde la question de la durabilité dans la mode à travers une approche affective et politique. Au lieu de se concentrer sur une optimisation des modes de production et des matières premières, l'auteure s'intéresse à l'autre aspect de l'équation, celui de notre relation à nos vêtements. Partant de l'idée que la durabilité implique une notion de soin de notre environnement, mais aussi de nous-mêmes, elle s'engage dans une réflexion sur la notion de «self-care » qu'elle confronte à plusieurs cas d'études comme les tenues des activistes noires du mouvements des droits civiques ou celles des punks, considéré comme vêtements où la singularité rencontre le collectif. Sa recherche est ici présentée sous la forme d'une interview menée par Aude Fellay, responsable de la théorie au Département Mode, et un mood board qui rassemble les hypothèses du mémoire.
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Head to Head V – Alexia Mathieu
Portrait vidéo de la responsable du Master Media Design
Head to head est une série de portraits filmés d’enseignant·e·s, de chercheur·euse·s, d’artistes et de designers actif·ve·s à la HEAD – Genève. Ces rencontres sont l’occasion pour ces personnalités d’aborder leur parcours, souvent brillants, en-dehors de l’école. Pour cette nouvelle édition, le responsable de la recherche Anthony Masure a rencontré Alexia Mathieu, la responsable du Master Media Design.
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Earth( e)scape. The Raising of Chicago
Mémoire de master de Josef Eduard Masarik
L’optimisme technologique qui marqua le XIXème et le développement de la théorie des miasmes à cette période créèrent ensemble un contexte propice à l’élaboration du Raising of Chicago, un colossal projet de sauvetage de la ville par son rehaussement. Jozef Eduard Masarik en propose une étude basée sur l’imaginaire et la cosmologie de l'époque, dont il passe les composantes en revue pour mieux envisager les intentions et aspirations qui menèrent à ce rehaussement de Chicago. Il ouvre ainsi la voie à une réflexion sur la rapport de la ville à la Terre, et inversement.
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Face à face
Mémoire de master d'Amandine Lécuyer
En 1935, pendant le colonialisme français au Maghreb, le réalisateur franco-britannique Edmond Thonger Gréville termine son film Princesse Tam Tam. Joséphine Baker y incarne le personnage d’Aouïna, une jeune femme tunisienne pauvre. Max de Mirecourt, un écrivain français, ennuyé par la vie parisienne qu’il partage avec sa femme Lucie, s’installe en Tunisie. Il rencontre Aouïna, et une relation ambiguë s’instaure entre les deux protagonistes. Max, dans le rôle du colonisateur, la choisit comme héroïne de son futur roman. Aouïna joue un double rôle : celui de colonisée et celui de princesse d’Afrique lointaine. Face à Face, le mémoire de Master en Espace et communication d'Amandine Lécuyer, est basé sur l’étude comparative des rythmes synchronisés et syncopés des danseuses de Princesse Tam Tam. Les danses révèlent une dimension politique incarnée dans les mouvements des danseuses synchronisées et d’Aouïna : de l’exploitation et de la représentation androcentrée du corps féminin au colonialisme et à la hiérarchisation. Le mémoire est introduit par une interview avec son autrice.
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Dossier #5
Mémoires vifs : sélection de mémoires de master
Dans une école d’art et de design, l’écriture d’un mémoire de recherche est un exercice singulier, périlleux, utile, audacieux. Singulier car la recherche n’est a priori pas l’objectif premier de formation de ces futur·e·s designers et artistes. Périlleux car nombreux sont les étudiant·e·s qui ont choisi la production de forme comme mode d’expression en opposition à l’écriture. Utile car il leur permet entre autres, comme le rappellent Lysianne Léchot Hirt et Anthony Masure dans la discussion introductive à ce dossier, de faire un état de l’art et de situer leur pratique personnelle. Audacieux enfin car ces travaux expriment souvent des positions critiques fortes et ambitieuses et se développent selon des méthodologies et des formes qui sortent des sentiers battus.
Cette sélection de mémoires a été opérée par le bureau de rédaction d’Issue avec le soutien du comité éditorial de la revue à partir de propositions faites par les différentes orientations master. Si la qualité des mémoires ici présentés nous semble indéniable, l’enjeu de la sélection était moins de publier les «meilleurs » mémoires de l’école, qu’un aperçu de la diversité des sujets abordés, des pratiques et méthodologies de recherches, ainsi que des formes d’écriture dans lesquelles les étudiant·e·s se sont engagé·e·s.
La manière dont le mémoire s’inscrit dans la pédagogie et le cursus diverge beaucoup d’une orientation Master à l’autre[note]Les mémoires présentés proviennent des orientation master en art : CCC, TRANS, Work.Master et en design : Design Mode et accessoires, Espace et communication et Media Design. Le Master en Architecture d'intérieur ayant été créé en 2019, les premiers mémoires produits dans ce cadre seront disponibles l'an prochain seulement. Une sélection plus large de mémoires du Master en Espace et communication est accessible sur le site de l'orientation : masterthesis-maspaceandcommunication.com.[/note]. Des orientations en font l’aboutissement principal des deux années d’études, alors que d’autres le considèrent davantage comme l’embrayeur d’une démarche critique dans la pratique des étudiant·e·s. Afin de rendre compte de cette hétérogénéité et de permettre à des réflexions critiques intéressantes de s’afficher sous d’autres formes que le texte final, nous avons opté pour des modes de présentation distincts : textes intégral, extraits ou encore reformulation complète de certaines hypothèses de recherches. Pour le Master cinéma, une publication autonome est prévue à l’automne 2020 qui se concentrera sur le format spécifique du scénario.
Chaque recherche ici présentée est accompagnée d’une préface, rédigée soit par les tuteur·trice·s, soit par un échange avec les auteur·e·s qui met en avant les qualités intrinsèques au travail et la manière dont celui-ci s’inscrit dans la pratique des étudiant·e·s. Le bureau de rédaction d’Issue remercie chaleureusement les auteur·e·s, tuteur·trice·s et responsables d’orientation pour leur contribution à cet état des lieux des mémoires de master 2019-2020.
Tous les droits des images de ce dossier sont réservés Image de couverture du dossier : Microgramme de Robert Walser (détail). Courtesy : Keystone / Robert Walser-Stiftung
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Shot on auto mode
Mémoire de master de Tammara Leites
Pour la plupart d’entre nous de nos jours, prendre une photo consiste le plus souvent à toucher l’écran d’un smartphone pour déclencher toute une série d’opérations qui débouchent sur une image prête à circuler sur les réseaux. La prise de vue, le recadrage, et la retouche elle-même sont effectués automatiquement par de multiples processus qui nous échappent, et qui mobilisent les ressources complexes de cet ordinateur de poche que sont devenus les téléphones. Au travers d’un catalogue d’une exposition imaginaire, le mémoire de Tammara Leites aborde la place croissante jouée par les techniques numériques d’automatisation dans les usages populaires de la photographie. En combinant un point de vue historique à la sélection d’une série de projets d’artistes qui explorent cette dimension vernaculaire de la photo, son autrice interroge les manières dont cette délégation aux fonctionnalités automatique a configuré les usages et les contenus. -
Arabic letter-forms in motion
Mémoire de master de François Harik
Ce mémoire de Master Media Design soutenu en 2020 est consacré à la question des formes en mouvement de la typographie arabe. Il offre une excellente entrée en matière sur ce sujet que François Harik aborde sous l’angle de la technologie, en montrant qu’il ne peut toutefois pas être dissocié d’enjeux politiques et culturels. La partie introductive ouvre sur un état de l’art très documenté qui montre que les sources de la typographie arabe dans l’écriture manuscrite, l’espace de référence fixé pour et dans les langues d’Europe occidentale, les procédés d’harmonisation et de standardisation des systèmes d’écriture constituent autant d’enjeux fondamentaux dans le contexte numérique. François Harik rappelle ensuite quelles pistes de réflexion et de recherche sur ces enjeux sont ouvertes actuellement par des designers : rupture avec les codes de la typographie afin d’utiliser à plein le potentiel graphique de la technologie ou recours à l’interprétation de lignes directrices de la calligraphie arabe à partir des sources par exemple. La préface du mémoire est rédigée par Daniel Sciboz, chargé de cours et tuteur en Media Design.
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Converser à l'ère de l'autocomplétion
Mémoire de master de Mathilde Buénerd
Ce mémoire en Media Design de Mathilde Buénerd soutenu en 2019 analyse l'outil omniprésent de l'autocomplétion qui nous assiste dans l'écriture de nos textos quotidiens ou dans le remplissage de formulaires en ligne. À partir d'une réflexion sur la normalisation du langage que cette assistance a tendance à provoquer, l'auteure s'engage dans une critique de principes totems du design que sont l'utilisabilité, la technologie calme et le design invisible. Dans un souci de rendre l'usager davantage conscient des outils qui lui sont soumis, elle suggère le concept de technologie pimentée et des applications de ce principe qui passent notamment par une collaboration à la fois plus flexible ou plus étroite avec la machine. -
Design viral : méthodologies pour un buzz citoyen
Interview de l'artiste-chercheuse Caroline Bernard
Caroline Bernard revient dans cette interview sur quelques expériences pratiques qu'elle a menées avec ses collègues chercheur·e·s dans le cadre du projet de recherche Design viral : méthodologies pour un buzz citoyen. D'une tentative d'héroïsation de soi, à la diffusion de rumeurs en passant par l'infiltration des réseaux sociaux et de la rue, le projet a employé les ressources du "design performé " dans des objectifs d'enrichissement du débat démocratique. Une gageure tant la viralité semble d'ordinaire le véhicule de propos manichéens et discriminatoires. Reflétant la pandémie actuelle, elle évoque aussi la parenté qui dépasse le simple vocabulaire entre virus biologique et viralité médiatique.
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Robinsoneries
Comment continuer à pratiquer l'art quand vous n'avez plus accès à votre atelier ? Comment garder le rythme des études quand tous les jours se ressemblent ? Comment rester au contact d'étudiant·e·s, suisses et internationaux, disséminé·e·s dans leurs abris et pays respectifs, pendant une pandémie qui ravage le monde ? Quelques jours après l'annonce de la fermeture des bâtiments de l'école en raison de la progression de la pandémie du Covid-19, l'option construction du Département Arts visuels de la HEAD – Genève a proposé à ses étudiant·e·s de créer un "journal des bords " qui cultive ces questions. Tous les jours depuis le 23 mars, un·e étudiant·e publie sur la page internet de l'option un texte et des images comme une chronique de son quotidien de naufragé isolé, une réflexion sur l'avenir, l'invention d'une réalité alternative, ou encore la poésie d'un monde en lambeaux. Nous publions ici une sélection de ces robinsoneries. L'ensemble des contributions et celles encore à venir sont accessibles à cette adresse. L'option construction prévoit de réunir toutes ces créations dans un livre qui paraîtra d'ici l'été 2020.
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Pour un design alternatif de l'intelligence artificielle ?
Interview de Douglas Edric Stanley et Jürg Lehni
La tendance dominante des réseaux de neurones (deep learning) a-t-elle épuisé toutes les cultures des intelligences artificielles ? Dans le champ de la création, et plus précisément du design, comment anticiper, voire faire dévier les usages des IA et leurs conséquences sociales ? Des questions qu'Anthony Masure a posées à Jürg Lehni et Douglas Edric Stanley, les organisateur du workshop Thinking Machines au sein du Master Media Design de la HEAD – Genève.
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Filmer l'intime et le politique
Une interview de Petra Costa par Delphine Jeanneret
La Responsable adjointe du Département Cinéma, Delphine Jeanneret, a réalisé un entretien avec la cinéaste brésilienne Petra Costa, invitée du festival Visions du Réel, qui se déroule en ligne du 17 avril au 2 mai 2020. Cinq films documentaires de la réalisatrice, dont The Edge of Democracy, qui a été nominé aux Oscars 2020, sont visibles sur les plateformes associées au festival pour cette édition particulière. Dans le cadre de cette rétrospective, la réalisatrice donne également une masterclass en ligne le jeudi 30 avril 2020 à 15h00, qui sera modérée par Delphine Jeanneret et Giona Nazzaro (Visions du Réel). Lors de cet entretien, Costa évoque plusieurs de ses films, et sa méthode particulière consistant à tisser des contenus personnels, des histoires familiales avec des considérations anthropologiques. Elle revient aussi sur la montée de l'extrême-droite au Brésil, dont son dernier film, consacré à la destitution de l'ancienne présidente Dilma Rousseff se faisait l'écho.
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Frontières de l'empathie
Entretien entre la curatrice Charlotte Laubard et l'anthropologue Emmanuel Grimaud
Dans ce long entretien avec Charlotte Laubard, l'anthropologue français Emmanuel Grimaud, spécialiste de l'Inde et de l'hindouisme, revient sur quelques-unes de ses fascinantes recherches et expérimentations cinématographiques qui portent sur les frontières intersubjectives de communication et de perception, par exemple avec des robots, des objets de culte ou des idoles. Méfiant face à l'émergence de la notion d'empathie dans les sciences cognitives, parce que celles-ci réduisent nos relations avec notre environnement au fonctionnement neuronal, il esquisse des modes de pensée plus inventifs, à rebours du dualisme classique sujet-objet et de notre tendance naturelle à la projection anthropomorphe. Il s'inspire notamment d'expériences chamaniques, d'objets chargés et des théories en psychologie expérimentale du XIXème siècle. Laubard recontextualise ces approches dans le champ de l'art, considéré comme un lieu d'expérience de l'altérité.
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Dossier #4
Études sur l'empathie : comment les images nous affectent
Ce dossier prend pour point de départ l’exposition Études sur l’empathie que Charlotte Laubard, responsable du département Arts Visuels, a organisée à la Fondation Ricard à Paris en décembre 2019. Rassemblant quatorze artistes issu·e·s de la HEAD, l’exposition présentait des œuvres qui prenaient l’empathie et les mécanismes émotionnels comme propos de leur travail, qui abordaient le souci des autres ou l’éthique du care, qui se servaient d’une iconographie contemporaine qui éveille notre indignation ou notre attendrissement, à l’exemple des mèmes de Lolcats ou qui exploraient le rapport entre corps et esprit dans nos expériences sensorielles qu’on nomme l’embodiment.
Tout en partant du principe que parler d’empathie, c’est aussi parler des effets de l’art, dans le sens où l’esthétique est ce par quoi s’engage une compréhension de l’autre, l’exposition faisait le point sur une tendance marquante de la dernière décennie de la recherche en sciences cognitives et en neurosciences sur les mécanismes pré-conscients qui nous permettent d’avoir accès aux états émotionnels des autres et sur la capacité de les reproduire, grâce entre autres aux neurones miroirs. Cet intérêt dépasse largement ce domaine, puisque, par exemple, la recherche en cultures visuelles se penche aussi sur la manière dont les images nous affectent, ce sur quoi s’explique dans ce dossier le chercheur du centre Aby Warburg Manos Tsarikis dans un entretien avec Lauren Huret.
Cette passion contemporaine pour l’empathie est bien sûr à mettre en regard avec les développements techniques en intelligence artificielle. C’était tout le propos du film Blade Runner de Ridley Scott en 1982 déjà, où les androïdes étaient censés se distinguer des êtres humains par leur absence d’empathie. Charlotte Laubard évoque cette question de l’empathie des machines avec l’anthropologue spécialiste de l’Inde Emmanuel Grimaud, qui a notamment travaillé avec des scientifiques pour développer un robot du dieu Ganesh, qui répond aux prières des fervents.
Malgré toutes ces recherches, l’empathie demeure un objet dont la définition reste difficilement cernable par le grand public et dont l’appréciation n’est pas unanimement positive. Le psychologue Paul Bloom a ainsi écrit l’ouvrage Against Empathy, où il relève les effets pervers de cette identification aux états émotionnels de l’autre qui peut mener des foules à développer une haine collective basée sur des critères de sexe ou de race. Il défend à l’inverse la notion de sympathie qui est une réaction rationnelle aux sentiments de l’autre et non une imitation semi-consciente. L’essai master de Simon Pinkas reproduit dans ce dossier sur l’indignation en ligne illustre les risques d’une société purement empathique.
Image de couverture : Vanessa Safavi, Velvet, 2019 (capture d'écran)
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Dream Piece
Un essai de Yann Chateigné extrait du livre Almanach Ecart. Une archive collective 1969 –2019
Le livre Almanach Ecart. Une archive collective conclut deux ans de recherches menées par Elisabeth Jobin et Yann Chateigné dans les archives du collectif genevois, actif de 1969 à 1982. Co-édité par la HEAD –Genève et art&fiction, en partenariat avec le Mamco, mis en page par Dan Solbach, ce projet éditorial collectif a obtenu la Lettre d'or, plus haute distinction du concours «Best Book Design from all over the World 2020 ». Pour célébrer cette reconnaissance exceptionnelle, nous publions un extrait de ce livre essentiel pour la compréhension de la pratique d'Ecart : un essai que Yann Chateigné a consacré à la performance Dream Piece (1976) de John Armleder. Il y est notamment question d'une coiffe d'indien, d'un canard à roulettes et d'un enregistreur à cassettes. Le texte se présente comme une méditation sur l'archive et son ascendance sur le futur.
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Head to Head IV – Marie Losier
Interview filmée par Lucien Monot et texte de Julie Enckell Julliard
Ce portrait de Marie Losier aborde deux pratiques complémentaires de l'enseignante du Département Cinéma de la HEAD –Genève. En compagnie de Lucien Monot, un de ses anciens étudiants, elle évoque ses films, portraits libres et intenses de personnalités hors normes, constamment sur le fil comme le lutteur de lucha libre gay Cassandro ou le musicien Genesis P-Orridge. En écho à cet entretien, Julie Enckell Julliard s'est intéressée à l’œuvre dessiné de Marie Losier, dans lequel elle retrouve le goût pour la marge de l'artiste, les contorsions d'une douleur de cohabiter avec des corps limités, mais aussi la joie d'exister et de créer.
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Radi∞{((0O0))}∞Head
Lors des traditionnelles semaines de workshops transversaux de début de second semestre à la HEAD, l'enseignante en Arts Visuels Vidya Gastaldon a invité l'artiste sonore Jonathan Frigeri à mettre sur pied un atelier de création radiophonique avec une vingtaine d'étudiant·e·s inscrit·e·s. Nous publions ici deux podcasts issus de cette semaine de workshop. Depuis son invention au début du XXe, le médium de masse qu'est la radio a été réinvesti par des artistes, qui en ont fait leur médium de création. Un usage souvent critique, contre les tendances au commerce, au contrôle et au conformisme de la radio mainstream, et une exploration du potentiel poétique de ce médium expérimenté à distance. Dans son introduction, Jonathan Frigeri pose les bases d'un art radiophonique qui ne se limite pas à mélanger du son, de la musique et de la parole, mais prend aussi en considération le mode d'écoute et la fantasmagorie générée par ces voix sans visage transportées par les ondes ou les fibres optiques. Alternant silences, relaxation, bruit et chaos, poésies, lectures, sketches, parodies et musique, les créations des étudiant·e·s témoignent de la richesse expressive d'un médium que la diffusion sur internet a largement démocratisé ces dernières années.
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Le pouvoir performatif des images
Entretien entre Lauren Huret et Manos Tsakiris
Le projet de recherche interdisciplinaire « Body & Image in Arts & Sciences », auquel participe le chercheur Manos Tsarikis tente de mesurer de quelle manière les images nous affectent. S'il existe un lien établi entre image et comportement politique, quels sont les mécanismes formels et psychologiques qui le travaillent ? Interviewé par l'artiste Lauren Huret, le chercheur Manos Tsarikis évoque comment des cadrages d'une photographie de presse peuvent déshumaniser des groupes ou comment différents sujets, selon leur âge et leurs compétences d'internet par exemple, réagissent aux images et jugent de leur véracité.
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Agencements de cobayes
Réflexions de Sylvain Menétrey sur la pratique d'Eva Zornio aka Affective Evaluation
Sous le label Affective Evaluation, l'artiste Eva Zornio développe depuis 2018 une série de projets participatifs, où elle demande au public de réfléchir à la question de l'empathie. Sylvain Menétrey postule dans ce texte que cette enquête est une couverture qui permet à l'artiste diplômée du Work.Master de tester en réalité les ressorts même de la participation du public et sa propension à se soumettre aux signes de l'autorité. -
Outrage !
(Social) media and the coaxing of the moral mind
Simon Pinkas a analysé dans son essai master en Media Design la montée en force d'une culture de l'indignation sur les réseaux sociaux à travers une étude de cas récents significatifs où des informations, vraies ou fausses, ont soulevé des vagues d'émotion importantes, parfois mondiales. Son travail étudie en détails comment des entreprises médiatiques dérégulées et fonctionnant uniquement grâce aux revenus publicitaires ont pu devenir des caisses de résonances pour l'indignation. Il montre ainsi comment n'importe qui, à l'image de ce couple opérant dans son garage de Pennsylvanie, peut bénéficier d'une large audience en diffusant des fausses informations d'obédience chrétienne conservatrice. Dans un deuxième temps, Pinkas évalue comment cette culture de l'indignation a d'ores et déjà modifié notre rapport à la politique en favorisant l'émergence d'un populisme d'extrême-droite et celle de menaces contre la liberté d'expression. -
Voix de tête V – Nathalie Boulouch
"La photographie couleur n'est pas vulgaire "
Chaque mois, Ambroise Tièche exhume une conférence notable qui s’est tenue à la HEAD – Genève dans un passé plus ou moins lointain. La plupart de ces captations n’ont jamais été rendues publiques. Le professeur en Arts visuels et artiste commente ses choix et explique l’intérêt de ces discours au sein des enjeux contemporains en art et en design. Pour ce nouveau chapitre, Tièche a sélectionné une conférence de l'historienne de l'art française Nathalie Boulouch. Invitée en 2009 à la HEAD – Genève, Boulouch partageait ses recherches sur l'irruption de la couleur en photographie, des résistances face à cette innovation et de la manière dont elle s'est finalement imposée.
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Comment créer des objets performatifs
Une recherche entre théâtre et design
La metteure en scène, Isis Fahmy et les designers, Laura Couto Rosado et Benoît Renaudin se sont associés pour évaluer, lors d’un projet de recherche, le concept d’objet performatif. Cette notion qu’ils ont inventée recouvre des objets qui sont des embrayeurs de narration, mais aussi et surtout des fictions, imaginées spécifiquement pour le cadre de l’action sur le plateau, et qui évoluent activement au même titre que les acteurs lors de la performance. Lors de cette recherche, un projet conjoint de la HEAD –Genève (HES-SO) et de la Manufacture de Lausanne, ils ont imaginé trois capsules pratiques pour explorer les points de convergence de la pratique du design et du théâtre et penser notre rapport à l'autre : machine, matière et plus encore aux autres vivants. Des interviews ont également été menées avec la designer allemande Judith Seng, ainsi que le metteur en scène français Halory Goerger. Cet article rend compte de ces moments variés de recherche en combinant divers formats : texte théorique, vidéo d’une expérience, design d’objets performatifs, photos commentées et interviews.
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Talking Heads – Jonas Voegeli
Jonas Voegeli était l'invité d'une conférence Talking Heads le 15 octobre 2019. Le directeur artistique zurichois y a présenté une série de livres qu'il a créé au sein du studio de graphisme Hubertus. Ces ouvrages, souvent récompensés par des prix, allient des principes de "good design " classiques – jamais plus de deux typographies par page, une grille stricte, etc. – et des concepts souvent radicaux d'organisation du contenu, qui fonctionnent comme des métaphores de la manière dont l'information a été produite ou rassemblée. Le studio Hubertus innove aussi techniquement en travaillant par exemple sur un "smart book " équipé de capteurs, dont les mots s'affichent quand le lecteur s'adresse à lui, tel un oracle.
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Head to Head III – microsillons
Le Master TRANS – de la HEAD –Genève se destine aux étudiant·e·s qui souhaitent s'engager dans des projets artistiques collaboratifs et socialement engagés ou dans la médiation culturelle. Ce Master a été fondé par microsillons, un duo composé de Marianne Guarino-Huet et d'Olivier Desvoignes. Ensemble il·elle·s évoquent leur parcours et leur rencontre dans ce portrait filmé. Tous deux intéressés par les pratiques collectives, il·elle·s ont consacré une recherche doctorale fondée sur la pratique qui réfléchissait aux pédagogies alternatives et à la manière dont le travail en commun avec des non-artistes peut transformer nos modèles culturels. Marianne et Olivier évoquent aussi l'entrée de la médiation culturelle dans le champ académique et le tournant éducationnel dans les pratiques curatoriales auquel ils ont participé durant leurs activités de médiateur·trice au Centre d'art contemporain de Genève entre 2008 et 2010.
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Des vêtements d'une troisième culture
Maëva Weissen, diplômée Bachelor Design Mode 2019, a créé une collection de vêtements féminins par le biais de l'upcycling sous le titre «1213 Onex or The Manifest of a Third Culture ». Sa matière première se compose de maillots de football usagés qu'elle a retravaillés avec des techniques traditionnelles scandinaves et artisanales telles que le tissage, le patchwork, le tufting et la peinture à la main. Elle souhaite ainsi contribuer au développement de l'économie circulaire dans l'industrie de la mode. Ce projet engagé amène également à réfléchir à une série de phénomènes liés à la domination culturelle. Il dénonce par exemple l'impérialisme d'une industrie de la mode qui se réapproprie la mode de rue pour en faire des produits inabordables pour ceux dont elle s'inspire. La collection aborde aussi la place des femmes dans les quartiers populaires, comme celui de la cité d'Onex qui sert de décor aux visuels de la collection, où une culture ouvertement machiste peut parfois prévaloir. Le collage d'identités de clubs et de nations de football de cette collection est enrichi par l'upcycling qui produit des objets hybrides dont la somme est plus grande que ses parties. Maëva Weissen a remporté avec ce projet le Prix Art Humanité 2019 de la Croix-Rouge genevoise. Nous présentons ici la série mode qu'elle a réalisée avec ses vêtements à Onex et en studio, ainsi que des extraits d'interviews et de références sociologiques qu'elle a rassemblées en marge de sa collection. -
Quelques bribes de conversation
Entretien avec Jeff Délez
La question du dessin domine souvent les discours sur la bande dessinée. Jeff Délez, jeune diplômé de l'option Image/Récit, s'est lancé dans une expérimentation où les questions de découpages, à travers notamment des figures de répétitions ou d'ellipses, prennent une importance prépondérante. Nominé pour le Prix Töpffer de la jeune bande dessinée 2019 avec son album de diplôme (non publié) Quelques bribes éparpillées par-ci, par-là, Délez évoque avec Florence Marguerat les spécificités de son récit, de même que ses influences et ses premiers pas dans le neuvième art.
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Défiler le défilé
Dans ce texte introductif, Christophe Kihm (HEAD – Genève, HES-SO) s'intéresse aux logiques formelles du défilé. D'un terrain exigu entre deux pans de montagne qu'on est contraint de traverser en file, le défilé est devenu par métonymie l'action même de ce passage. De là, le défilé relève plus du temps que de l'espace. Mais par la construction d'une image de ce temps, selon un rythme propre, le défilé produit aussi son espace.
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Dossier #3
Les mannequins sur la jetée : forme et fonction du défilé de mode contemporain
Après plusieurs mois de confection dans la bulle du studio, le vêtement soudain s'incarne dans la sphère publique et se transforme en un objet-image désirable dans l'ambiance frénétique du défilé de mode. Les paramètres principaux du défilé avec ses mannequins, son podium, ses looks et sa musique n'ont guère évolué depuis l'avènement de ces spectacles de mode au début duXXe siècle. L'histoire du genre compte pourtant ses moments de bravoures, à travers les shows à grands spectacles ouverts à tous de Thierry Mugler, les dramaturgies d'Alexander McQueen ou les exubérances de John Galliano. Face aux injonctions d'une mode plus durable et au digital, qui bouscule le rythme des collections et la consommation des images de mode, de telles grandes productions semblent appartenir au passé. Aude Fellay a interviewé plusieurs designers de mode pour ce dossier consacré aux enjeux contemporains du défilé de mode. Si celles-ci dénoncent la surproduction de l'industrie et les effets d'images au détriment du vêtement qui entourent le défilé, elles restent pour l'essentiel convaincues de la pertinence de ce format de présentation de vêtements comme moyen de partager la vision d'une marque. À travers également la présentation des projets de scénographies du Département Architecture d'intérieur pour le défilé de mode 2019 de la HEAD – Genève et un aparté signé Ambroise Tièche sur le bouche-à-oreille qu'un défilé suscite chez les spécialistes et les profanes, ce dossier traite d'un format qui ne demande qu'à se réinventer.
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Le défilé : fin d’un règne ou nouvel élan ?
Les récentes mobilisations pour le climat ont fait vaciller les Fashion Weeks. Celle de Stockholm a été annulée, et celle de Londres symboliquement enterrée par les activistes d’Extinction Rebellion. Pour le défilé, l’heure est donc à la remise en question. À travers quatre entretiens avec les designers de mode Faustine Steinmetz, Emilie Meldem, Cosima Gadient (Ottolinger), ainsi que l'artiste Marlie Mul, Aude Fellay revient sur les principales critiques, mais aussi sur les indéniables avantages, de ce format performatif, qui concentre et consomme beaucoup d'énergies. Avec ses interlocutrices, elle évoque le pouvoir de synthèse créative du défilé et spécule sur l'avenir de ce mode de présentation.
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Conversation décousue sur la ligne 6 le 8 novembre
Une saynète d'Ambroise Tièche
Invité par le Département Mode à évoquer le défilé, l'artiste et professeur d'Arts Visuels Ambroise Tièche imagine une discussion qui dérive d'un fil à l'autre au long du parcours d'un bus TPG.
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Projets de scénographies du défilé de mode HEAD 2019
Pour la première fois, le Département Architecture d'intérieur a été mandaté pour concevoir la scénographie du défilé des collections de diplômes en Design Mode qui se tient le 8 novembre 2019 à la salle du Cube du Campus de l'école à Châtelaine. Plusieurs étudiant·e·s ont proposé des projets. Au final, et après un concours en plusieurs étapes, c'est le projet Poésie de l'étudiant Paulo Jorge Dias qui a été retenu. Le responsable de l'atelier, Leonid Slonimskiy, commente une sélection des travaux d'étudiant·e·s pour cette scénographie et les enjeux d'espace, de narration et d'image liés à un défilé à l'ère des appareils photos et caméras omniprésents.
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Alex Mullins : designer d'images
Une interview de Bertrand Maréchal
Dans cet entretien réalisé en marge d’une Master Class autour de l’imprimé qu’il a dirigée à la HEAD – Genève, Alex Mullins évoque son rapport obsessionnel aux idées. Le designer de mode londonien se laisse porter par des images fortes, qui circulent de l’écran au corps et alternativement. Ses vêtements se distinguent par des séries de polarités : sartorialisme et streetwear, chocs chromatiques, créativité et rationalité. Son approche du design et de l’image est fortement marquée par la culture internet, avec ses mèmes, ses réseaux sociaux, son répertoire infini d’influences, son aplatissement des hiérarchies et des temporalités. Autant que ses collections, son compte Instagram, où l’on voit des photos de ses défilés, des essayages ou de sa vie privée, témoigne de ces boucles qui se nourrissent mutuellement. Dans cet entretien, le designer parle aussi ici de ses collaborations avec les mannequins et les stylistes et de l’abnégation nécessaire pour faire exister une marque de mode indépendante. Ce diplômé de la Central Saint Martin’s School et du Royal College de Londres, a travaillé auprès des designers Alexander McQueen, Jeremy Scott et Kanye West avant de fonder sa marque en 2013 avec le soutien du British Fashion Council[note]Le British Fashion Council est une organisation à but non lucratif qui exploite le pouvoir collectif de l'industrie pour permettre une croissance durable et renforcer la mode britannique dans l'économie mondiale de la mode. Wikipedia. Dernière mise à jour le 9 avril 2019, à 13h16.[/note]. Les collections Alex Mullins sont aujourd’hui en vente dans quatorze boutiques entre l’Australie, le Japon, la Chine et les États-Unis.
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Ethnographier avec le design
Nous relayons ici la publication de Lysianne Léchot-Hirt et Nicolas Nova qui ont co-signé un article scientifique dans la revue Techniques et Culture. Leur article décrit comment les démarches de « recherche-création » mises en œuvre par les designers peuvent constituer une forme de technographie singulière et fertile pour l’anthropologie. -
Enseigner par le milieu
En septembre 2017, à l’issue de sa dernière année comme responsable des Arts visuels, Yann Chateigné revenait, à l’occasion de la conférence de rentrée, sur certains principes dont il avait fait l’expérience pendant ses huit premières années d’activités au sein de la HEAD – Genève. La transcription de cette allocution égrène, en dix fragments, comme un carnet de bord en terrain inconnu, les méthodes qui se sont formées au contact du milieu dans lequel l'auteur a été projeté, venant lui-même d'un autre milieu, celui de l'art. Loin du manuel pédagogique classique, cette parole, subjective, légèrement adaptée pour cette version écrite, s’inspire du travail d’anthropologues, de neurobiologistes ou de philosophes, pour tenter de théoriser des pratiques changeantes, intuitives, des formes de relations et d’organisations non autoritaires, qui soutiennent les flux d’idées et accueillent la différence, afin de laisser l’imprévu s’exprimer. -
Voix de tête IV – Tomi Ungerer
En conversation avec Thérèse Willer
Chaque mois, Ambroise Tièche exhume une conférence notable qui s’est tenue à la HEAD – Genève dans un passé plus ou moins lointain. La plupart de ces captations n’ont jamais été rendues publiques. Le professeur en Arts visuels et artiste commente ses choix et explique l’intérêt de ces discours au sein des enjeux contemporains en art et en design. Pour ce nouveau chapitre, il rend hommage au dessinateur et artiste Tomi Ungerer, décédé en février 2019, dont l'immense carrière en prise avec l'actualité et la société de son époque a embrassé quantité de genres, de styles et de sujets différents. Thérèse Willer, la conservatrice du Musée Tomi Ungerer à Strasbourg, lui donne la réplique lors de cette Talking Heads de 2015.
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This is not a test
Helge Reumann a publié en avril 2019 son nouvel album de bande dessinées SUV aux éditions Atrabile. Son collègue de l'option Image/récit Benjamin Stroun lui consacre un texte dans lequel il se penche sur le collage de sources visuelles de l'artiste qui se résolvent dans une ambiance pré-apocalyptique et de guerre de tous contre tous. Il analyse la façon dont des prototypes graphiques, par multiplications cauchemardesques, forment des tribus, des gangs, des peuples. Il rend aussi compte de la manière dont l'auteur perturbe le récit linéaire, par des inserts en doubles-pages de dessins de bâtiments inquiétants, en apparence externes à la narration, qui créent des associations multiples. -
An Initial Conversation
Denise Bertschi with Giulia Bini
L'artiste Denise Bertschi travaille sur la notion de "neutralité suisse ". Elle explore différents lieux du monde, où la Suisse comme nation, ou à travers ses ressortissants, a joué un rôle historique actif. Elle décrit comme des "preuves douces " (soft evidence), les traces qu'elle décèle, puis qu'elle met en scène et fait dialoguer avec d'autres images et récits dans ses travaux vidéos, photographiques et graphiques. Son travail révèle l'esprit d'un lieu, d'une époque, et met en image l'ambiguïté de cette notion abstraite et intenable de neutralité qui sert de paravent aux activités internationales de la Suisse. Dans cette conversation avec la curatrice Giulia Bini, l'artiste revient sur sa méthodologie de travail ainsi que sur sa manière de combiner des récits et d'exploiter les indices visuels tirés de ses recherches sur site. Denise Bertschi travaille actuellement à une thèse de doctorat en art (HEAD-EPFL) sous la direction de Doreen Mende et Nicolas Braghieri.
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Oh un diplôme
L'année scolaire 2018-2019 s'est terminée en Arts visuels avec la traditionnelle exposition du Grand Tour, qui a présenté les travaux de diplôme des étudiants dans les bâtiments du Boulevard Helvétique, de James Fazy et de Général Dufour dans la chaleur étouffante d'un mois de juin climatiquement surchauffé. Fabienne Radi laisse aux visiteurs de l'événement le soin de pointer des travaux de l'exposition et en profite, dans un texte conclusif, pour dispenser ses derniers conseils aux (ex-)étudiants et disserter sur le sens d'un diplôme. -
Head to Head II – Alexandra Midal
À travers ce portrait en forme d'entretien, Julie Enckell Julliard cherche à saisir l'originalité et la radicalité de la pensée d'Alexandra Midal, qui élargit le champ de la théorie du design en traitant des sujets aussi peu communs que les liens entre Révolution industrielle et apparition du premier tueur en série à Chicago. Cette ancienne directrice d'un fonds régional d'art contemporain (FRAC) en France, s'est passionnée pour le design et les enjeux sociaux qu'il révèle à l'occasion d'une thèse à Princeton. Ses cas d'étude souvent tirés de la pop culture sont autant de choix stratégiques pour défaire certaines hiérarchies autoritaires propres à la théorie du design. La professeure du Master en Espace et Communication fouille dans les failles de l'histoire, reconsidère les récits fondateurs tout en s'interrogeant sur l'inflation contemporaine de design, discipline conquérante qui s'arroge sans cesse de nouveaux champs d'expertise.
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Dossier #2
Dénominateur commun : l'art dans les ruines de la modernité
Dans sa peinture Négriers jetant par-dessus bord les morts et les mourants – un typhon approche (1840), William Turner organisait la rencontre sur une toile du sublime de la nature déchaînée et de l'abominable comportement d'hommes qui en traitaient d'autres comme des marchandises remboursables. Ces images de corps noirs à la mer font écho à ceux de migrants qui se noient aujourd'hui dans la Méditerranée. Ce paysage funèbre peut se lire aussi comme l'allégorie d'une planète en ruine, que l'exploitation et la combustion des ressources humaines et naturelles amène au stade de désolation que prédisent certains scientifiques. Ce dossier thématique rassemble des projets de recherches, des pratiques artistiques, des conférences et des conversations issues de la HEAD qui abordent la place de l'humain dans la nature et sa manière de reconnaître ou de nier un statut de personne à l'Autre, qu'il soit humain, animal ou un fleuve. Face à l'effondrement, des approches artistiques, qui défont la souveraineté de l'individu, de l'État-nation, et d'autres organisations expropriatrices sont convoquées.
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Diasporas of the So-Called Anthropocene
Notes in the Margins of "The Anthropocene Atlas of Geneva "
Le post-modernisme appelé par Gene Ray (HEAD – Genève, HES-SO) est celui d'un complet dépassement de la modernité capitaliste et de ses catastrophes. À partir d'une lecture des Thèses sur l'histoire et du Trauerspiel de Walter Benjamin, l'auteur invoque l'allégorie comme mode opératoire susceptible de sauver des reliques de combats perdus pour inspirer de futures luttes. L'art, pensé comme un savoir qui fait appel aux sens et non pas uniquement à la raison, doit collecter ces bribes pour ne pas les laisser comme seuls trophées d'une classe dirigeante qui poursuit un progrès moderne dont l'auteur voit les conséquences dans l'Apocalypse qui a frappé les peuples indigènes d'Amérique, ou le ravage écologique. Ces réflexions tranchantes suivent l'achèvement du projet de recherche collectif HEAD-FNS de l'Atlas de l'anthropocène à Genève (TAAG) auquel Gene Ray a participé. TAAG replaçait notamment la petite Genève "verte " dans l'enchevêtrement des perturbations planétaires de l'Anthropocène à travers des films, documents, interviews réalisés par des artistes-chercheurs.
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Poétique et politique de l'eau
Une conversation entre Aurélien Gamboni, Jean-Pierre Greff et Daniel de Roulet
Source de vie ou "bras armé " des politiques migratoires, objet de contemplation des peintres et de craintes des insulaires, élément statique ou furieux, métaphore trompeuse des échanges marchands et du digital, l'eau circule entre poïetique, poétique et politique. Dans ce podcast, l'artiste Aurélien Gamboni, l'écrivain Daniel de Roulet et l'historien d'art et directeur de la HEAD Jean-Pierre Greff discutent à partir de leurs positions variées de l'ambivalence de l'élément liquide.
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Double Bound Possession Master Symposium – Introduction
Avery Gordon en conversation avec Anselm Franke
Dans cette conférence et conversation introductive du symposium Double-bound Possession, Anselm Franke explore les interconnections systémiques entre les différentes formes, symboliques et matérielles, de possession et de dépossession. Il réfléchit également aux répercussions de cette boucle paradoxale sur notre lecture de l’histoire du sujet moderne et à la façon dont notre compréhension de la spiritualité en est affectée. À sa suite, Avery Gordon trace un historique des formes de dépossession qui ont marqué l'émergence du capitalisme à la fin de la période féodale à travers ce que Marx a décrit comme l'accumulation primitive par la colonisation et le mouvement des enclosures en Grande-Bretagne. Elle décrit comment la pratique de la magie, le vagabondage, et d'autres formes de vie jugées marginales ont fonctionné comme des formes de résistance à ces phénomènes d'expropriation.
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Double Bound Possession Master Symposium – Kodwo Eshun
We Are the Gods Who Are Trapped in Cocoons
Et si l'abolition de l'esclavage avait laissé la place à des formes de servitudes plus sophistiquées ? Est-il possible de détacher la notion de liberté de l'histoire de propriété qui l'assurait ? Ces questions traversent la réflexion de Kodwo Eshun qui, s'appuyant sur les travaux de Saidiya Hartman, ébranle certains concepts libéraux tels que l'individualité et la liberté, comme valeurs fondamentales de l'oppression, tout en faisant une lecture du thriller Get Out, où les privilèges de race occupent le devant de la scène.
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Double Bound Possession Master Symposium – Kader Attia
L'artiste Kader Attia témoigne des circonstances familiales qui l'ont mené à produire l'installation vidéo Reason's Oxymorons (2015) qui s'intéresse aux rapports entre psychopathologies et croyances. À travers l'histoire de sa sœur épileptique, dont les crises se sont arrêtées, après qu'elle a passé plusieurs mois auprès d'une grand-mère qui pratiquait le chamanisme en Algérie, il s'interroge sur les paradoxes de ce que le groupe social d'appartenance de la fillette considérait comme une possession.
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Voix de tête III – Arnaud Labelle-Rojoux
Conférence "Art et mystifications "
Chaque mois, Ambroise Tièche exhume une conférence notable qui s’est tenue à la HEAD – Genève dans un passé plus ou moins lointain. La plupart de ces captations n’ont jamais été rendues publiques. Le professeur en Arts Visuels et artiste commente ses choix et explique l’intérêt de ces discours au sein des enjeux contemporains en art et en design. Troisième chapitre : l'artiste-chercheur Arnaud Labelle-Rojoux sur les Arts incohérents.
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Head to Head I – Charlotte Laubard
En amont de la Biennale de Venise 2019, Sylvain Menétrey a rencontré Charlotte Laubard, curatrice du Pavillon suisse de la manifestation, et responsable du département Arts Visuels de la HEAD. L’interview revient sur la dimension politique du choix du duo d’artistes femmes Pauline Boudry et Renate Lorenz pour représenter la Suisse. Elle aborde également d’autres engagements de Charlotte Laubard, notamment au sein du projet des Nouveaux Commanditaires, qui soutient la démarche de citoyens dans la commande d’une œuvre d’art publique. La curatrice défend sa vision de l’art comme création collective plutôt qu’émanation d’un génie individuel, et comme agent social plutôt que pratique autoréférentielle.
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Talking Heads – Claude Barras
Il aura fallu dix ans pour que Claude Barras achève son premier long-métrage d'animation Ma vie de Courgette (2016) qui raconte l'histoire d'un petit garçon orphelin au visage rond et aux grands yeux expressifs et qui a remporté deux Césars. En conversation avec Delphine Jeanneret, du département Cinéma, et Myriam Poiatti de l'option Image/récit en Communication visuelle, le réalisateur valaisan nous fait pénétrer dans les coulisses de la fabrication de cette petite épopée réalisée avec des marionnettes en pâte à modeler. La discussion est émaillée de vidéos et de dessins préliminaires qui permettent de saisir les grandes étapes de production : scénario, story board, doublage, animation, tournage, ainsi que la dimension collective d'un tel projet. Le réalisateur évoque aussi ses travaux précédents en illustration, l'influence de Georges Schwizgebel dans son choix de faire de l'animation, et son nouveau projet de film autour d'un orang-outan dans la forêt de Bornéo.
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Voix de tête II – Conférence de Harun Farocki
Conférence de Harun Farocki
Chaque mois, Ambroise Tièche exhume une conférence notable qui s’est tenue à la HEAD – Genève dans un passé plus ou moins lointain. La plupart de ces captations n’ont jamais été rendues publiques. Le professeur en Arts Visuels et artiste commente ses choix et explique l’intérêt de ces discours au sein des enjeux contemporains en art et en design. Second chapitre : le cinéaste et théoricien récemment décédé Harun Farocki.
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L'alien et l'alibi
L’auteur esquisse un historique des représentations de la vie extraterrestre à travers une série de spéculations scientifiques, philosophiques et artistiques. Les échanges entre science et fabulation fondent cette discipline que Christophe Kihm (HEAD – Genève, HES-SO) nomme aliénologie et qui étudierait nos relations avec l’extra-terrestre. L’échange, dit-il, intervient aussi dans la relation entre les points de vue extraterrestre et extraterrien. La perspective du « tout-autre » (de l’alien) et du « tout-ailleurs » (de l’alibi) permet l’émergence de pratiques de décentrement. Ce texte est issu d’une communication donnée le 28 janvier 2019 à la HEAD – Genève au cours de la journée « Spacecrafts and Alien Physics in Orbit », dans le cadre du cycle de conférences Distortion Series proposé par le Master Media Design. -
Dialogue sur l’enseignement de l’architecture d’intérieur
L'architecture d'intérieur est soumise à l'expansion de l'architecture et du design qui s'arrogent son domaine de compétence. Pourtant, cette discipline, avec sa souplesse et la rapidité d'exécution qui la caractérise, de même que ses réflexions propre liées à l'ambiance, au décoratif, ou à la narration possède des spécificités qui ne se subsument pas facilement dans les champs voisins. Dans cette conversation, Jean-Pierre Greff, directeur de la HEAD – Genève et Javier Fernandez Contreras, responsable du département Design d'espace, évoquent les pistes engagées et d'avenir censées réaffirmer la légitimité de l'architecture d'intérieur, notamment par le développement de son assise théorique, et aux étudiants qui passent par ce cursus d'être reconnus comme des auteurs.
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Éclairer les recoins
De passage à Genève en décembre 2018 pour la cérémonie du Grand prix Töpffer, l’auteur de bande dessinée Jean-Christophe Menu, fondateur des maisons d’édition indépendante L’Association et l’Apocalypse discute de ses obsessions avec Clément Paurd. Il explique son instabilité chronique, entre les genres de l’autobiographie et de la fiction, les multiples formats et son intense activité d’éditeur. En ce qui concerne le dessin, l’auteur invoque la force de la schématisation qui éveille l’imagination du lecteur. Un voyage dans un esprit fragmenté passionné par l’exploration de toutes les possibilités de son médium.
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Modalités pour la recherche doctorale basée sur la pratique
Journée d'étude du PhD Forum
Irit Rogoff, professeure en Culture Visuelle à Goldsmiths (Londres), et Samuel Bianchini, artiste et professeur-chercheur à l’EnsAD (Paris), étaient invités à intervenir lors d’une journée d’étude organisée le 24 mai 2018 par le CCC PhD-Forum à la HEAD en collaboration avec l’EPFL. Tous deux ont partagé leur expérience et leur vision de la recherche dans les domaines de l’art et du design et ont évoqué les conséquences sur le long terme des processus qu’activent ces réseaux de pratiques. Fondatrice de trois programmes doctoraux à Goldsmiths, Irit Rogoff soutient que le «tournant de la recherche » se caractérise par un passage de la «connaissance héritée » au travail «d’après conjoncture ». Elle recommande que notre propre vulnérabilité et instabilité deviennent le point de départ d’un processus de recherche en dialogue constant avec le savoir formalisé. De nouvelles méthodologies et un nouveau vocabulaire sont nécessaires pour répondre à ce dernier sans pour autant y adhérer, et pour invoquer la subjectivité sans en faire l’objet d’une narration. De tels outils sont également cruciaux dans l'optique de résister aux objectifs bureaucratiques et néolibéraux qui confinent la recherche expérimentale dans les circuits établis. Afin d’exposer les liens entrelacés de la théorie et de la pratique, Samuel Bianchini s’attarde pour sa part sur le cas d'un workshop de recherche qu'il a organisé. Dans ce cadre, la construction d'un objet motorisé qui échoue à effectuer le mouvement auquel il était destiné suscite l'empathie du groupe et peut – par exemple – engager une réflexion sur la notion d’objets handicapés. Les dispositifs interactifs et les objets behaviouristes créés par l'artiste illustrent cette recherche ancrée dans une pratique où se croisent société, technique et esthétique.
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Voix de tête I – Conférence de Marie-José Mondzain
L’image qui nous fait naître
Chaque mois, Ambroise Tièche exhume une conférence notable qui s’est tenue à la HEAD – Genève dans un passé plus ou moins lointain. La plupart de ces captations n’ont jamais été rendues publiques. Le professeur en Arts Visuels et artiste commente ses choix et explique l’intérêt de ces discours au sein des enjeux contemporains en art et en design. Premier chapitre : la philosophe Marie-José Mondzain sur l’anthropologie de l’image.
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Ecart, 1969 –1982
Une archive collective
À l’occasion de la réédition du livre Ecart, 1969 –1982. L’irrésolution commune d’un engagement équivoque aux éditions du MAMCO (en français) et Walter Koenig (en anglais), Elisabeth Jobin, qui participe à un projet de recherche sur les archives Ecart avec Yann Chateigné, partage et commente une vidéo d’entretien avec John M Armleder, l’un des trois membres de ce groupe d’artistes fondamental des néo-avant-gardes. Depuis Genève, Ecart a entretenu des échanges avec d’autres artistes du monde entier, que ce soit par courrier (mail art), ou en les invitant dans leur espace galerie et salon de thé.
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Jean-Pierre Greff – Avant-propos
Jean-Pierre Greff, directeur de la HEAD – Genève, revient sur la fondation du projet transdisciplinaire de l'école, et du colloque AC /DC (art contemporain / design contemporain) qui l'avait marquée en 2007. Dix ans plus tard, il considère Histoires d'un futur proche comme une manière de propulser ce projet vers de nouveaux horizons de pensée, alors même que nous sommes plongés dans une crise systémique qui obstrue l'avenir.
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Mark Wigley
L’architecte et théoricien du design Mark Wigley s’engage dans une réévaluation de la notion de design pour exhumer certains traits qui ont amené l’humanité à designer sa propre extinction. Se fondant sur une approche évolutionniste, de Darwin au théoricien des médias Marshall McLuhan, Wigley part du postulat que les innovations technologiques déterminent l’évolution des corps. Les silex bivalves ont transformé la main des primates grimpeurs en humains lanceurs de pierres à travers la sélection naturelle. Nos appareils contemporains nous façonnent et nous re-designent à leur tour. La stupéfaction dans laquelle nous plonge le présent nous empêche de saisir le véritable impact des technologies. Le désastre écologique actuel tient à la capacité sans limite de l’humanité d’inventer de nouvelles formes couplée à son inhabilité à évaluer leur incidence. Wigley plaide pour une approche du design qui procède, comme la marche à pied, d’un mouvement en arrière nécessaire à la propulsion vers l’avant. Un design ambitieux ne doit, selon lui, pas fournir au monde les objets qu’il réclame, mais déconstruire par un regard rétrospectif les formes qui préexistent et dépassent notre conscience, y compris les objets complexes comme le changement climatique ou le réseau global de communication. -
Le peuple qui manque – Extension du régime potentiel
« On a pu décrire nos temps comme ceux des années d’hiver – une ère de glaciation des possibilités. Face à cette crise de l’avenir que traverse notre début de 21ème siècle, les Impatients sont ceux qui œuvrent à un mouvement de reconstruction de l’avenir, des avenirs. Ils sont ceux qui portent en eux cette impatience à l’égard d’une Histoire qui semble désormais immobile, arrêtée. Depuis cette crise du futur, cette série surgit alors, pour nous, de l’urgence de retrouver des possibilités pour l’avenir. Nous partons en quête de traces, d’indices d’avenirs possibles que nous collectons et rassemblons. Ces salves d’avenir, dont de nombreux artistes et penseurs témoignent aujourd’hui, nous cherchons à les coudre ensemble. Nous pensons cette enquête en rhapsodes – le rhapsode, cet arpenteur qui va de ville de ville, pour dire les poèmes des autres, ce chercheur, cet agent de liaison qui, au sens premier du mot, a soucis de coudre, de lier les espaces les uns aux autres, continûment, jusqu’aux limites du monde habité. " KQ & AI -
Liam Young – Hello City !
Les technologies numériques remodèlent radicalement notre perception et notre occupation des villes. Joignez-vous à l'architecte spéculatif Liam Young et son système d'exploitation urbain intelligent pour faire une visite, en taxi sans chauffeur, à travers un réseau de systèmes logiciels, d'infrastructures autonomes, d'architectures fantômes, d'anomalies, de pépins et de lutins à la recherche de la nature au-delà de la machine. La conférence est un voyage audio-visuel dans une ville située entre le présent et le futur, le réel et l'imaginaire, assemblée à partir de fragments de paysages réels et de fictions urbaines. -
Mathieu Triclot – Le monde cybernétique est-il advenu ?
Retour sur une politique des machines à information
La cybernétique est un mouvement scientifique qui a produit l’un des discours d’accompagnement les plus puissants de la révolution technologique de l’informatique et des télécommunications, dans l’après seconde guerre mondiale aux États-Unis. Or, tout se passe aujourd’hui comme si le monde projeté par la cybernétique avait fini par advenir, avec quelques soixante ans de décalage : un monde gouverné par l’informatique et les réseaux, où machines à apprentissage et réseaux de neurones sortent des laboratoires et entrent en société, où l’Intelligence Artificielle nourrie aux Big Data pose la question de la péremption du travail humain, où les algorithmes tiennent lieux de « machines à gouverner ». -
Marguerite Humeau – Riddles
Les projets de Marguerite Humeau visent à ressusciter, réactiver, recréer des créatures, des êtres, des écosystèmes, des voix, des situations préhistoriques, éteintes, disparues. Ces situations sont inaccessibles temporellement et géographiquement. Récemment, elle a conçu le projet RIDDLES (énigmes) qui a donné lieu à cinq expositions. Présent dans presque toutes les civilisations sous la forme hybride homme/lion/vautour ou sous d'autres variantes, le sphinx a toujours la même fonction : il protège les humains contre des ennemis potentiels, et en les protégeant il les dévore – le sphinx dans la mythologie grecque dévore les humains qui ne peuvent pas répondre à son énigme. L'artiste a essayé de retrouver les formes de sphinx contemporaines et émis l’hypothèse que le sphinx pourrait être l’ancêtre biologique direct des protocoles de sécurité d’aujourd’hui comme les portes de sécurité dans les aéroports : elles nous protègent, mais en nous protégeant nous dévorent d’une manière beaucoup plus abstraite, plus opaque, mais ce sont bien les mêmes protocoles qui perdurent à travers le temps et l’espace. -
Mathieu Lehanneur
D'un prêtre à une marque de champagne, le designer Mathieu Lehanneur embarque son assistance dans un travelogue à travers ses projets et les souhaits de ses commanditaires. Il en ressort qu'au-delà de la technologie de pointe dont il fait considérablement usage, son travail passe par la compréhension de pulsions et de besoins humains primordiaux : la griserie de la vitesse, les rythmes circadiens ou encore le souci de protection maternel. -
Baptiste Morizot et Nastassja Martin – Retour du temps du mythe
Sur un destin commun des animistes et des naturalistes face au changement climatique à l’Anthropocène
Peut-on imaginer d'autres relations envers le vivant que celles dont l'Occident hérite ? Les modes de relations qui sont les nôtres, entre exploitation et protection, recèlent une fondamentale asymétrie entre nous et eux. Peut-on imaginer et activer des relations qui simultanément reconnaissent notre étrangeté d'animal humain, mais sans en faire le lieu d'une fracture qui nous condamne à des rapports "naturels " avec les êtres de nature ? -
Marie Velardi
Terre-Mer est un projet en cours qui s’intéresse au déplacement du trait de côte dans le temps, passé et à venir, et aux relations entre la terre et la mer. Il fait suite à différentes expériences de terrain menées par Marie Velardi, en France, en Ecosse, en Inde, en Thaïlande, en Italie, et aux Pays-Bas. A partir de rencontres et discussions avec des habitants de Terre-Mer, questionnant les conditions de vie avec la mer, et comment les humains vivent avec l’incertain et l’aléa, elle a écrit la Lettre de Terre-Mer. Ce projet conduit également à d’autres réalisations, comme des dessins cartographiques représentant les zones de Terre-Mer, à l’aquarelle : Là où la mer a été par le passé, et où elle pourrait revenir, liant la mémoire du territoire par le biais de cartes historiques anciennes, et des simulations de future montée des eaux. Cette manière de représenter le territoire ne correspond pas à la distinction habituelle entre la terre et la mer par le trait de côte : Dans ces dessins le trait de côte s’épaissit, et devient l’entre-deux, la zone de relation et d’échange entre la terre et la mer, où le passé pourrait rejoindre les avenirs possibles. -
Oliver Ressler – Gathering around the Wreckage
Il n'y a pas si longtemps, le réchauffement climatique était encore de la science-fiction. Maintenant, c'est devenu une science exacte, et une réalité dans laquelle nous vivons déjà. Selon le Copernicus Climate Change Service, la température moyenne mondiale en 2016 atteignait près de 1,5 ° C au-dessus des niveaux pré-industriels. De nombreux·ses scientifiques voient cela comme la "ligne rouge " au-delà de laquelle le réchauffement climatique sera imparable et incontrôlable. Dans sa présentation, Oliver Ressler parle d'un nouveau cycle de films qui pourrait s'avérer être une histoire du début de la révolution climatique, le moment où la résistance populaire a commencé à reconfigurer le monde. Le projet suit le mouvement climatique dans ses luttes pour démanteler un système économique fortement dépendant des énergies fossiles. Il enregistre les événements clés du mouvement climatique, rassemblant de nombreuses situations, contextes, voix et expériences. Les deux premiers événements – un film pour chacun d’entre eux est présenté – sont l'action lors du sommet de la COP21 à Paris en décembre 2015 et le blocus d'un site d'extraction de combustibles fossiles en Allemagne en mai 2016. -
Metahaven – Appartenance complexe
Quel est le sens du vivre ensemble dans cette nouvelle réalité ?
Question d’appartenance complexe : qu’en est-il de la transformation profonde de la condition humaine ? Les récits du post-anthropocène portent (toujours, bien sûr) sur de nouvelles inégalités, de chanteurs pop holographiques, d’ouvriers d’usine anonymes. De dorloteur vs dorloté à visualiseur vs visualisé. Les visualisations ont 21 ans. « The future is a stranger ». (Oui !) L’appartenance complexe pose la question de la longévité des relations et des moyens de subsistance en vigueur. Comment l’enfant vous l’explique-t-il ? Où est-ce que tout le monde s’en va ? Et si on vous retire l’emploi de notre langue, que se passe-t-il ? Mission : Essayez de construire des phrases au sujet de notre monde, sans vous servir des mots smartphone, Internet, parc de serveur, IA, drone, etc. Ce n’est pas évident, mais il est important d’introduire de nouveaux, et de meilleurs mots pour décrire notre vie faite de contradictions et d’objets, entre autres. Racontez des histoires ! Science-fiction du quotidien. Monachisme digital. C'est parti. -
Jussi Parikka – Certaines personnes disent ne pas s'inquiéter de l'air
Cette présentation parle de l'air et du manque d'air. L'air est plein d'azote, d'oxygène, de lumière, de nuages, de vent, de pollution, d'ondes radio, d'avions, de satellites, de signaux, de poussière, d'oiseaux et plus encore. -
Vanessa Lorenzo Toquero – Inhabiting the Toxic Jungle
From cyborg moss to bacterial super powers
La plupart des interactions entre les êtres humains et la Terre sont médiatisées par des objets technologiques, souvent influencées par un dualisme qui sépare la nature de la culture. Ces objets filtrent un large éventail de données provenant d'événements qui traversent des sphères (biosphère, lithosphère, ionosphère, sémiosphère, technosphère, etc.). Cette approche partielle de notre environnement hante notre perception et demande de nouveaux modes d'abstraction pour déchiffrer les secrets d'un changement global. En explorant la contribution possible des êtres vivants aux systèmes médiatiques, nous construisons un terrain commun qui permet l'équité en considérant les autres habitant·e·s au même niveau pour raconter des histoires au sujet de notre planète : des citoyen·ne·s avec une mémoire, des capacités de détection et le poids politique qui pourrait influencer la politique et nous aider à créer des formes de collaboration. Quel serait le dialogue entre un OGM doté de capacités de détection et un artefact toxique ? Est-ce que les champignons et les bactéries pourraient diffuser des données pour cartographier les techno-géographies de nos sites endommagés ? La mousse pourrait-elle nous donner des information sur l'anthropocène ? En nous appropriant les technologies et les protocoles scientifiques, nous pourrions créer de nouvelles écologies qui nous conduiraient vers des futurs alternatifs. -
Kodwo Eshun – La science-fiction de Kojo Bernard Laing à partir de l'an 2020
Major Gentl and the Achimota Wars, le troisième roman du romancier et poète ghanéen Kojo Bernard Laing, est l’œuvre de science-fiction la plus conséquente écrite à ce jour où l'avenir du continent africain est le terrain et l'enjeu des forces belligérantes. Situé en l'an 2020, Major Gentl and the Achimota Wars raconte le droit d'inventer l'avenir comme une guerre pour et sur l'existence future du continent. La vision antagoniste de Laing sur l’an 2020 pose des problèmes et des possibilités pour la pensée future des devenirs de la science-fiction. De quelle manière la science-fiction de Laing à propos de l’an 2020 met-elle sous pression les prédicats qui soutiennent les futurs racontés par les fictions de la science ? -
Khalil Joreige – Unconformities
Khalil Joreige présente son dernier projet, Unconformities, réalisé avec Joana Hadjithomas, qui joue sur les temporalités et confronte l'idée de la ville avec ses histoires complexes d'habitation. Le duo crée des œuvres issues de forages, qui révèlent et figent les mondes souterrains de Paris, d'Athènes et de Beyrouth : trois villes omniprésentes dans leur imaginaire personnel. Récupérés des chantiers de construction qui les mettent au rebut après utilisation, ces forages mettent en évidence leurs "discordances " – ruptures temporelles, catastrophes naturelles, mouvements géologiques – et révèlent la construction comme un processus cyclique, caractéristique déterminante des civilisations passées et présentes. L'histoire n'apparaît pas comme des couches mais comme des actions, une sorte de palimpseste mêlant des époques et des civilisations. Ces recompositions poétiques interrogent les formes dominantes de narration et de représentation de l'histoire, mais abordent aussi les débats autour de l'Anthropocène. Hadjithomas et Joreige ont présenté Unconformities au Centre Pompidou à Paris après leur nomination pour le Prix Marcel Duchamp, qu'ils ont remporté. -
Dossier #1
Histoires d'un futur proche :Conférence internationale pour les 10 ans de la HEAD – Genève
Organisé à l’occasion des 10 ans de la HEAD – Genève, le colloque international Histoires d’un futur proche propose d'aborder les défis majeurs qui attendent la génération à venir, en croisant de manière originale les paroles et les regards d'artistes, de designers et de théoricien·ne·s. Histoires d’un futur proche est conçu comme un véritable forum qui s’articule autour d’un ensemble de conférences, projections, performances et lieux d’exposition sur le nouveau campus de la HEAD. Comment les artistes, les designers et les théoricien·nes voient le futur ?
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J. G. Biberkopf – Mechanics of Overflow
Le travail de J. G. Biberkopf (Gediminas Žygus) porte sur les liens paradoxaux entre la musique club et la musique artistique. Il crée un collage sonore dont les influences sont la dark ecology, les études sonores, l’architecture, les théories des médias, les mouvements existentialistes, le théâtre post-dramatique, le grime ou encore la musique concrète. Ses performances live sont le reflet de sa pratique musicale dont l’envie est de faire de la musique une écologie "autosuffisante " qui ne lui est pas attribuée en tant que créateur, mais qui semble plutôt provenir d'un paysage existant. Dans cette perspective, il travaille sur les signifiants sonores pour explorer la sémiotique du son. -
Kevin Slavin
Kevin Slavin travaille à la jonction de la science et de l’art. Sa présentation consiste en une introduction au champ d’investigation émergent de la « métagénomique urbaine ». La réduction des coûts de séquençage d’ADN ouvre de nouvelles perspectives pour cartographier le microbiote non-humain qui compose et hybride nos corps et nos environnements. Kevin Slavin met en évidence la poésie de ce paysage bactérien insoupçonné. -
Cécile B. Evans – Feeling for you
Feeling For You est une conférence performative évolutive, constamment mise à jour, qui transforme la pratique de l'artiste en une série d'anecdotes personnelles, de recherches Google, d'images, de réactions du public et de clips vidéo. Retraversant les dernières années du travail d’Evans, sa proposition artistique suit la même logique « hyperliée » utilisée dans des projets récents comme Hyperlinks, It did not Happen ou AGNES. En abordant l’impact du développement technologique et les fortes réactions en boucle qui se créent au sein de la société, Cécile B. Evans saisit l’occasion de remettre en question ses dernières années de son propre travail, notamment des projets tels que Spung A Leak, What the Heart Wants et Amos World. -
Michael Hansmeyer
À partir d’exemples de « grottes » qu’il a créées, notamment pour une exposition au Centre Pompidou, l’architecte Michael Hansmeyer explique comment la programmation algorithmique permet d’atteindre une complexité inégalée en architecture. La division de formes géométriques simples en unités toujours plus petites génère des structures baroques qui sont réalisées en impression 3D. Cette délégation du dessin à l’ordinateur soulève la question de l’auteur de telles structures dont le niveau de détail défie l’imagination humaine. -
Korakrit Arunanondchai
« Trouverez-vous la beauté dans cette mer de données ? » Une question posée par l'artiste, qui englobe la réalité intense du présent, tandis qu'Arunanondchai nous présente sa grand-mère qui part dans la démence : « Dans ce corps les données sont vivantes mais coincées dans une boucle, le présent n’existe plus pour moi ». Le film de Korakrit Arunanondchai Painting with history in a room filled with people with funny names 4 explore des thèmes universels tels que le passé et le présent, le futur et le passé, l'humain et l'animal, la mémoire et la technologie, la vie et la mort. Annie Godfrey-Larmon -
Yves Citton – Carbon Liberation Front vs. Carbon Copy Conspiracy
Nous répétons que nous vivons dans un monde de « données » (data), en oubliant souvent qu’elles résultent toutes de « prises » (capta). Le rôle conjoint des artistes et des scientifiques pourrait bien être désormais de sur-prendre la façon dont les programmes gèrent la capture et le traitement des entre-prises dont se nourrissent les modèles économiques dominants. De quels types de sur-prises les gestes artistiques contemporains nous donnent-ils le modèle ? Quelle valeur politique pouvons-nous en tirer ? Cette intervention sollicitera la riche pensée de Vilém Flusser pour cadrer les enjeux de ce qui se joue entre nos gestes humains et les appareils programmés qui constituent désormais notre environnement de travail et de vie. Il ne s’agira ni de prôner une retraite de déprogrammation, loin des emprises néfastes et totalitaires de la programmation, ni de se contenter de reprogrammer (un peu mieux) les algorithmes de la computation ubiquitaire. L’enjeu semble plutôt consister à sur-prendre ce qui nous prend, sans prétendre pour autant lui échapper, mais en espérant faire dévier le cours des inéluctables entre-prises qui trament notre quotidien et notre avenir. -
Lauren Huret – Les âmes suspendues
Entièrement réalisée avec un smartphone et une application de reconnaissance faciale, la vidéo est composée d'une collection de tentatives de remplacements identitaires et d’échanges inattendus entre visages/objets. En quête d'apparitions spectrales dans des contextes variés, l'application essaie de reconnaître les traits du visage d’une femme sur tout ce qui lui ressemble et y superpose ses propres masques étirés, vides, inquiétants. Les résultats vidéos obtenus sont des sortes de « paréidolies algorithmiques » hallucinatoires. -
Dan Hill
Uber (le service de taxi) fait exploser le trafic automobile dans les villes et extrait des ressources et des profits qui sortent des territoires exploités pour s'accumuler dans la Silicon Valley. Cet exemple témoigne des risques de la technologie en milieu urbain lorsqu'elle est l'apanage de grandes corporations. Les véhicules autonomes promettent des disruptions négatives encore plus brutales. Le designer et urbaniste Dan Hill plaide pour une réappropriation de la technologie à travers des formes de planification modestes, adaptables, sur petites échelles et qui s'inspire du modèle des coopératives. -
Aimée Mullins
Aimée Mullins est une athlète olympique, une modèle avant-gardiste, une personnalité clé du design technologique et une actrice. Née sans fibula, elle a été amputée sous le genou à l'âge d'un an et a appris à marcher avec des prothèses. Elle a fait partie des trois étudiantes sélectionnées pour une bourse académique du Département de la Défense et à 17 ans elle est devenue la plus jeune personne à détenir une autorisation d’accès au Pentagone. Pendant son séjour à Georgetown, elle est devenue la première femme amputée à participer à la National Collegiate Athletic Association (NCAA) et elle a joué un rôle déterminant dans la conception de prothèses en fibre de carbone inspirées du guépard, devenues maintenant la norme internationale pour les coureurs et coureuses amputé.e.s. Elle a été détentrice des records du monde au 100m, au 200m et au saut en longueur. Mullins a fait ses débuts sur les podiums pour Alexander McQueen, devenant sa muse, tout comme celle de l’artiste Matthew Barney. En tant qu'actrice, elle apparaît actuellement dans la série Netflix primée, Stranger Things. Elle dialogue ici avec Jill Gasparina. -
Olaf Blanke
Des membres bioniques et organismes substituts aux sois numériques et aux expériences hors du corps : neurosciences, robotique et réalité virtuelle.
La technologie robotique et haptique moderne, sous forme de robotique chirurgicale, de prothèse et de robotique de réadaptation, a été largement appliquée pour l'amélioration des procédures chirurgicales, l'apprentissage de nouvelles capacités et la restauration des fonctions sensorimotrices perdues. Des progrès sans précédent ont également été faits en neuroscience et particulièrement dans la compréhension du cerveau humain. Ce travail a permis de découvrir la structure et les fonctions du cerveau, y compris les processus neuronaux et les réseaux qui définissent comment le corps est représenté dans le cerveau et comment ces mécanismes du cerveau permettent la conscience humaine et le soi. Je présenterai d'abord nos récents travaux en psychologie, neurosciences et technologies numériques (réalité virtuelle) qui ont lié la conscience et le soi au traitement des signaux corporels par des processus neuronaux spécifiques. Ensuite, je montrerai comment ces connaissances scientifiques, si elles sont liées à l'expertise technique en robotique et en réalité virtuelle, peuvent être appliquées à la conception de membres bioniques puissants, de la robotique aéronautique et de la médecine. Je conclurai en esquissant le futur de l'intégration complète des technologies numériques avec les neurosciences et la robotique afin de développer ce que je propose d'appeler l'expérience de l'ingénierie du corps et du soi. -
Thomas Thwaites – Prendre des vacances de sa condition d’être humain
Ne serait-il pas agréable de prendre des vacances d'être un humain ? Des vacances de l'angoisse existentielle, de l'inquiétude et du stress de la vie en tant qu'être mortel et conscient de sa propre condition. Ne serait-il pas agréable de pouvoir profiter de l'herbe verte fraîche, de galoper à travers le paysage, d'être libéré du temps ? Oui. J'ai donc essayé de devenir une chèvre pour échapper à l'angoisse inhérente à l'être humain. Le projet est devenu une exploration de la façon dont la technologie moderne peut nous mener très près de l'accomplissement d'un rêve humain ancien : revêtir les caractéristiques des autres animaux. Mais plus que la férocité d'un ours ou la perspective d'un oiseau, la caractéristique la plus utile dans la vie moderne réside peut-être dans la capacité à vivre le moment présent. Quoi qu'il en soit, je me suis retrouvé dans une ferme dans les Alpes, à quatre pattes, une prothèse de panse attachée à la poitrine, à manger de l'herbe et essayant de devenir une chèvre. -
Ying Gao
Deux robes, nommées « Can’t » et « Won’t », dont l'esthétique et les mouvements rappellent la vie microbienne, réagissant au système de reconnaissance d’expression faciale, cessent de s’animer dès que le visage de celui qui les contemple sort de l’immobilisme. Paradoxe. Les robes « Can’t » et « Won’t » poussent un peu plus loin la notion de la fausse neutralité, exigeant du spectateur, habituellement hyper sollicité, réactif et expressif, qu’il adopte une posture de retenue absolue. C’est à cette condition seule que se prolonge la « vie » du vêtement, son mouvement étant déjà amorcé avant l’apparition du visiteur : un appel à l’humilité en rupture de ton avec la société d’hyperexpressivité dans laquelle nous évoluons. Partie prenante d’un système « vivant » par défaut, le spectateur devient alors composante d’un écosystème qui s’auto-génère, comme suggère le philosophe français Edgar Morin dans La Méthode, La Vie de la vie : « l’auto-éco-organisation signale la multiplicité des relations possibles dans une organisation vivante, elle est à la fois fermée sur elle-même et infiniment ouverte à l’environnement et à sa diversité ». Un aller-retour entretenu par un jeu de trompe l’œil où se mêlent, en va et vient, mouvements robotisés et effets de lumières, créant l’illusion d’une infime et délicate respiration. -
Arne Hendriks – The Incredible Shrinking Man
Une conférence performative sur la réduction de l'espèce humaine
Au cours des huit dernières années, Arne Hendriks a étudié si et comment l’espèce humaines peut devenir plus petite. «The Incredible Shrinking Man » étudie la possibilité d'une espèce humaine à taille réduite. À l'heure actuelle, la pénurie menace l'homo sapiens. Nous devons donc rétrécir pour accéder à l’abondance. L’être humain est l'une des espèces les plus variables sur terre. La personne la plus petite connue de l'histoire humaine était Chandra Bahadur Dangi, originaire du Népal. Elle mesurait 54,6 centimètres. L'Américain Robert Wadlow était la plus grande avec une taille de 2 m72. «The Incredible Shrinking Man » suggère d’atteindre les 50 centimètres. À cette hauteur, nous avons besoin de moins de 25% des ressources nécessaires aujourd'hui. Le défi est moins dans les moyens de rétrécir (c'est une question de gènes et de nourriture), que dans le désir de changer de taille. En effet, les gens ont un amour irrationnel pour la grandeur, la croissance, le toujours plus. Nous ne voulons pas rapetisser, pourtant, nous le devons. Arne Hendriks partagera ses idées sur la façon de surmonter l'impossible et de faire les premiers pas vers une espèce humaine plus petite. Règle numéro un : suspendre l'incrédulité. -
Alexandra Midal – Rembobinons en guise de conclusion
A peine le colloque terminé, Alexandra Midal se livre à l'exercice du flash-back. Sa relecture synthétique et personnelle, dévide la pelote du temps et des récits, naviguant entre mythe, animisme, apocalypse, mais aussi spéculation, érotisme et l'espoir comme résistance. Autant d'arguments qui contredisent l'affirmation de Rem Koolhaas qui disait que le capitalisme serait notre seul horizon.