Jeu de cartes performatif d'Isis Fahmy et Benoît Renaudin
Outils pour prototyper des jeux de cartes performatifs réalisés dans le cadre de la recherche menée par Isis Fahmy et Benoît Renaudin.

Jeux de cartes performatifs : interviews croisées de DD Dorvillier et Douglas E. Stanley

Dans le cadre de leur recherche croisée entre design et arts de la scène, le duo de chercheur·euses Isis Fahmy et Benoît Renaudin a questionné la danseuse et chorégraphe DD Dorvillier et l’artiste et designer Douglas E. Stanley sur leur pratique créative autour des cartes, du jeu et de la performance.

Jeu de cartes performatif d'Isis Fahmy et Benoît Renaudin
Jeux de cartes performatifs réalisés dans le cadre de la recherche menée par Isis Fahmy et Benoît Renaudin.

Entretien avec DD Dorvillier au sujet de son projet A Catalogue of Steps

Isis Fahmy et Benoît Renaudin : Nous travaillons actuellement sur la notion de jeux de cartes performatifs, c’est-à-dire de systèmes d’écritures modulaires en art qui aboutissent à l’élaboration de performances et la création de cartes. Qu’est-ce que cela évoque pour vous ?

DD DORVILLIER : Cela fait plusieurs années avec A Catalogue of Steps que j’ai trouvé que la meilleure manière d’intégrer l’ensemble des fragments dans les restitutions des performances, c’est de créer effectivement des cartes qui représentent ces fragments1. Cela permet de les spatialiser et de mettre en lumière les rapports entre les cartes (et donc, les fragments et les différentes pièces), pour moi et les interprètes.

Dans ce projet, les cartes sont à l’origine d’une forme de jeu en groupe qui consiste à les placer au sol et à imaginer des interactions entre elles. Cela provoque des conversations : « Et si on réalise les fragments dans cet ordre, qu’est-ce que cela produit comme sens, à la fin, à l’arrivée ? » Ce jeu est un moyen de rebattre les cartes à chaque nouvelle reconstitution, de retrouver des enjeux, des options de sens que la mise en regard peut produire, des rythmes. Souvent, cela nous pose de nombreuses questions : « Qu’est-ce que cela nous fait, qu’est-ce qu’on peut apprendre des cartes ? »

I.F. et B.R. : Est-ce que tu peux nous décrire les cartes de A Catalogue of Steps ?

DD.D. : J’ai développé 13 œuvres scéniques entre 1990 et 2004. Pour chacune de ces pièces, il y a un titre, une année de création et un drapeau, soit un emblème visuel, qui les représente. Elles sont chacune découpées en fragments qui correspondent chacun à une carte. Sur chaque carte du fragment, il y a son numéro. Derrière ce numéro, en dessous, il y a une petite image du drapeau de la pièce qui lui correspond. Ainsi, il y a le fragment individuel, le morceau d’information individuel, qui est associé à la pièce d’origine. C’est une famille de fragments. L’idée, c’est de dissocier le fragment de la pièce dont il est issu.

I.F. et B.R. : Comment est né ce besoin de créer des cartes ou des objets permettant de faire revivre ces pièces par leurs fragments ?

DD.D. : Je prends beaucoup de notes, mais elles ne sont pas accessibles aux autres facilement. Elles sont difficiles à sortir du cahier. Or, j’ai très vite ressenti le besoin de faire sortir les notes du cahier, de communiquer ces morceaux d’information à d’autres. Il n’y avait pas forcément la notion de cartes au début, mais plutôt l’usage de papier bristol pour créer des morceaux d’information comme beaucoup d’autres créateur·ices en utilisent. Moi, ce qui m’intéressait, c’était la possibilité de mélanger ces bribes d’information, de les mettre en vis-à-vis, de les confronter. J’ai remarqué que parfois, certain·es interprètes s’appuyaient vraiment sur ces cartes. J’ai alors travaillé avec la compositrice Zeena Parkins sur cette question et nous avons remarqué que les cartes mettaient en lumière des éléments sans nécessité de les nommer à l’oral. Il y avait quelque chose de l’ordre de la matérialisation dans l’espace, un phénomène qui permettait de mettre différents matériaux chorégraphiques en relation, de les confronter, les mélanger.

A Catalogue of Steps
A Catalogue of Steps, performance dans le cadre de l’exposition Le rêve de la fileuse, Musée Fabre, Montpellier, 2018-2019. Photo : Anne Le Cabec

 

I.F. et B.R. : Comment est-ce que vous liez cette manière de fonctionner avec votre pratique aujourd’hui ?

DD.D. : Je vais donner un exemple. Depuis 2009 je développe un workshop qui s’appelle Touch Move Talk Write, dans lequel on touche [touch] pendant dix minutes, on parle [talk] pendant dix minutes, on bouge [move] pendant 10 minutes et on écrit [write] pendant dix minutes. La consigne est d’essayer de laisser le plus de place à la chose elle-même, c’est-à-dire au toucher lui-même, à l’idée du mouvement, à la pratique du mouvement et à celle de l’écriture. C’est un exercice dans lequel il faut explorer les limites de ces quatre fondamentaux de la chorégraphie. Et très souvent on finit par enlever des choses du carnet d’écriture, en déchirant des morceaux. Je crois qu’il y a une forme de jeu qui naît ici et qui repose sur ce qu’on « fait sortir du carnet » et comment. C’est cette idée d’immédiat à improviser avec des matériaux simples que j’aime dans ce processus.

I.F. et B.R. : Comment résonne cette notion de carte pour vous ?

DD.D. : Quand je pense à la notion de carte, les premières idées qui me viennent ne sont pas forcément des cartes à jouer. J’ai en mémoire cette immense salle de la New York Public Library où il y a des tiroirs avec des cartes. Tu en choisis une, tu l’emmènes ensuite à le·la bibliothécaire et iel va chercher ton numéro de référence. Sur la carte, il y a toutes les informations concernant l’édition, l’auteur·ice, etc. La bibliothécaire te dit alors : « ah non, je vais le commander parce que quelqu’un l’a emprunté », ou « je vais le mettre en réserve pour vous », etc. Cette carte représente tout un univers, un monde, un livre. Ou un disque ou une image.

Je crois que quand j’ai commencé à travailler sur A Catalogue of Steps, il y avait aussi cette expression que j’aimais qui était : put your cards on the table, jouer cartes sur table. Les différents sens de cette expression en anglais me plaisaient beaucoup.

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A Catalogue of Steps, performance dans le cadre de l’exposition Le rêve de la fileuse, Musée Fabre, Montpellier, 2018-2019. Photo : Sophie Laly

 

I.F. et B.R. : Est-ce que A Catalogue of Steps a évolué dans sa jouabilité au fur et à mesure des recherches et des performances ? 

DD.D. : En janvier 2021, nous avons réalisé une nouvelle étape qui consistait à travailler les cartes comme le ferait un oracle. Nous avons alors commencé à associer une question à une carte résultant d’un tirage au sort. Cela a complètement transformé notre manière de le jouer, plus comme un tarot, sans forcément ce besoin de projeter dans le futur mais plutôt avec la nécessité de répondre à une question avec une forme de vérité ou de justesse. Et donc on écrit de nouvelles cartes avec un deck de questions (soit une nouvelle catégorie de cartes à piocher) en plus du deck des fragments. Au milieu de la restitution de l’activation des fragments, on s’arrête pour une pause et on divise le public en quatre groupes. Il y a quatre interprètes et chacun·e tire une question et se met avec un de ces groupes. Iel lit la question et donne les informations qui se trouvent sur la carte du fragment interprété. Dans ce contexte, les spectateur·ices voient le fragment par le biais de la question posée, ce qui constitue, je pense, une expérience beaucoup plus personnelle. Le fait d’être en groupe développe aussi comme une connivence.

I.F. et B.R. : A quel moment le protocole, terme plus familier dans le domaine de la danse, se transforme-t-il en règles du jeu ?

DD.D. : Je crois que les règles du jeu sont nées, dans A Catalogue of Steps, lorsque j’ai commencé à émettre des options. Quelles étaient les règles ? Le fait de créer un deuxième groupe de cartes avec des questions était déjà une règle et c’était également une réponse à un problème qui revenait sans cesse : comment donner des informations au public, lui faire part du processus. Avant cette option, nous demandions au public de nous fournir une question sans qu’iels aient réfléchi avant. Souvent iels étaient un peu gêné·es et avaient du mal à trouver une question pertinente. Et ça ne m’intéressait pas de me confronter au public comme cela. Maintenant, avec cette règle, je peux avoir des questions assez sincères et que d’autres peuvent s’approprier, qui deviennent soit universelles soit personnelles. En tant que chorégraphe, ces questions me permettent également d’interroger la réception de ce travail : comment est-ce qu’on peut rentrer dans la danse ? Comment est-ce que je peux regarder les gens qui bougent ? Qu’est-ce que je regarde ? Est-ce que je suis dans la musique ou l’abstraction ?

Filipe Braga © Fundação de Serralves, Porto
Portrait de DD Dorvillier, Filipe Braga, © Fundação de Serralves, Porto

 

Entretien avec Douglas E. Stanley sur son usage pédagogique des cartes

Isis Fahmy et Benoît Renaudin : Une des premières questions que nous avons rencontrées lors de notre recherche sur les jeux de cartes performatifs reposait sur la matérialité des cartes. Doivent-elles être imprimées pour activer leur potentiel ? Ou peut-on travailler avec des jeux de cartes numériques ? Avec des manipulations sur un site web par exemple ? Qu’en pensez-vous ?

Douglas E. Stanley : Je crois que le choix de travailler avec des cartes physiques ou virtuelles est à déterminer en fonction des besoins propres à chaque atelier, projet ou collaboration. Une des contraintes liées aux cartes physiques, c’est qu’elles nécessitent un temps d’écriture en amont du projet et une fabrication. On n’a pas toujours ce luxe, par exemple quand on les utilise pour un workshop. Lorsque le temps est limité, consacrer une grande partie du temps à l’élaboration des cartes en papier en fait des objets fétiches. J’ai toujours eu, malgré cela, une préférence pour les cartes physiques, car elles impliquent tout un rituel. Comme les cartes de tarot ou de divination, elles créent une ambiance – qui est bien plus difficile à produire avec une interface en ligne. J’ai parfois réussi à produire une forme de rituel avec des interfaces électroniques quand, par exemple, je développais tout un jeu de dévoilement. J’ai réussi à créer une certaine tension lorsque le meneur de jeu, devant un écran avec les cartes projetées, jouait avec son public, en l’occurrence des étudiant·es : « Est-ce que vous êtes prêt·es ?», « Qui est-ce qui veut tirer les cartes ? », « Qu’est-ce que vous voulez tirer en premier ? »

I.F. et B.R. : Quel est votre processus de création de cartes ?

D.S. : Il y a souvent une première phase d’écriture collective. Par exemple, en 2019, j’ai initié avec Alexia Mathieu – qui dirige le Master Media Design à la HEAD – le projet « Play me a story ». C’était un projet d’exposition que l’on déclinait ensuite en ateliers pédagogiques et que nous avons notamment mené à l’Institut National de Design de Bangalore, en Inde. Après avoir travaillé en amont avec les participant·es de l’atelier nous avons écrit avec iels toute une série de cartes, avec des catégories sur le thème des jeux en lien avec des histoires anciennes, datées de 2000 ou 3000 ans. Nous leur avons notamment demandé de nous donner des récits locaux – des récits tamils par exemple. Nous voulions éviter d’arriver avec des récits et jeux vidéo européens, et désirions privilégier l’utilisation de leurs propres références culturelles. Comme c’était un workshop de trois jours, on a opté pour la création de cartes physiques. Alors débutait la création des jeux, en commençant par former les différentes équipes, créer les cartes sur ordinateur, les imprimer.

I.F. et B.R. :  Quelle est l’importance de la fabrication ?

D.S. : Il faut d’abord penser au dos, pour qu’il y ait une forme de reconnaissance de son propre jeu. Nous avions mis des rayures, comme c’est le cas dans tous les jeux de cartes que je développe. Une fois que les cartes sont imprimées, on utilise l’outil le plus important de tous. (Il prend un objet qui est placé sur son bureau et le tend fièrement). Vous savez à quoi ça sert ?

I.F. et B.R. : Nous avons notre petite idée… C’est un arrondisseur d’angles ?

D.S. : Oui, c’est essentiel ! Voyez, je prends ce vulgaire morceau de papier rectangle. Je vais le transformer en carte. Je coupe les coins. (Il glisse l’objet sur le premier coin et actionne la gâchette). Le deuxième… Trois, quatre… Et voilà, j’ai une carte de jeu (Il montre le morceau de papier aux quatre coins arrondis). Ce rituel est très important, car il constitue une sorte de mise en situation.

Jeu de cartes
Jeu de cartes intégré au « Boot Camp » de la HEAD – Genève « Introduction au Media Design », en préparation pour ENIAROF #13 à Marseille, 2013. Atelier avec Antonin Fourneau, Xavier Righetti et Douglas Edric Stanley, et production de Daniel Sciboz. Photo : Douglas E. Stanley

 

I.F. et B.R. : Il y a toute une série de gestes propres à la manipulation des cartes. On les mélange, on les classe, on les distribue, on les fait tirer. À votre avis, qu’est-ce qui se dessine pendant ces actions ?

D.S. : Les cartes, telles que je les utilise, permettent d’accélérer la mise en place de la confiance, de l’ouverture et de l’état d’esprit indispensables à toute collaboration. Elles permettent de contourner les problèmes d’ego, et facilitent la synchronisation des participant·es. à un atelier, par exemple. Le fait de leur demander de participer à la finalisation des cartes en coupant les coins, c’est une façon de leur faire prendre possession de ces cartes. Iels commencent à les regarder, à lire les inscriptions, à se laisser peu à peu intriguer par ce qui est écrit sur les cartes. C’est un geste qui permet également d’attirer leur attention sur le fait qu’un détail bien conçu peut avoir une importance primordiale pour l’usage d’un objet. En effet, on coupe les coins des cartes pour diminuer le risque de les abîmer – car une carte abîmée se distingue facilement des autres, elle est aisément identifiée dans un lot de cartes en main. C’est pourquoi on coupe les coins afin de les rendre anonymes, quelconques.

Jeu de cartes
Jeu de cartes intégré au « Boot Camp » de la HEAD – Genève « Introduction au Media Design », en préparation pour ENIAROF #13 à Marseille, 2013. Atelier avec Antonin Fourneau, Xavier Righetti et Douglas Edric Stanley, et production de Daniel Sciboz. Photo : Douglas E. Stanley

 

I.F. et B.R. : En contexte de workshop, certain·es participant·es abandonnent des cartes pour poursuivre leur réflexion de manière libre. En tant que maître du jeu, comment est-ce que vous réagissez face à ce type de comportement ? 

D.S. : J’observe souvent deux phases. Dans la première, tout le monde tire des cartes, elles sont alors centrales dans la mise en place du groupe. Et puis, une fois que tout le monde est sur la même longueur d’onde, on retourne totalement notre veste, et on dit : « Mais on s’en fiche complètement des cartes. Qu’est-ce que c’est que ces cartes ? Quel est le projet ? »  Et il y a un basculement. Ces deux phases sont indispensables. J’ai tenté une expérimentation avec la designeuse Leslie Astier, lors d’un atelier à l’École supérieure d’art et de design d’Orléans, en France. Nous nous sommes demandé à quel moment nous devions opérer ce basculement. Nous avons alors décidé d’introduire une carte noire. Personne ne connaît son utilité. Lorsque les participant·es nous demandaient : « À quoi sert la carte noire ? », nous faisions semblant d’être trop occupé·es, ou de ne pas avoir entendu la question. Et comme les gens sont polis, ils attendent cinq minutes avant de redemander : « Je pense que vous n’avez pas entendu ma question : c’est quoi la carte noire ? » Alors on faisait à nouveau semblant d’être distrait·es par autre chose – il ne fallait jamais répondre à quoi correspondait la carte noire. L’objectif de cette performance, c’est que chacun·e développe sa propre hypothèse sur la fonction de cette carte, et commence à prendre possession des règles du jeu. Je m’inspire sur cet aspect de la pensée du psychanalyste Donald W. Winnicott dans son livre Jeu et réalité2. Il y développe l’idée d’un jeu dans lequel des enfants font émerger les règles au fur et à mesure du déroulement du jeu et où même au milieu du jeu, les règles peuvent encore se redéfinir. Les cartes noires ouvrent la porte à cette possibilité, et permettent de s’émanciper des cartes, une fois la collaboration mise en place.

Jeu de cartes
Jeu de cartes intégré au « Boot Camp » de la HEAD – Genève « Introduction au Media Design », en préparation pour ENIAROF #13 à Marseille, 2013. Atelier avec Antonin Fourneau, Xavier Righetti et Douglas Edric Stanley, et production de Daniel Sciboz. Photo : Douglas E. Stanley

 

I.F. et B.R. : Est-ce que vous avez imaginé d’autres cartes qui impliquaient une forme de performance dans le jeu ?

D.S. : Tout à fait, j’ai également créé les cartes grises, qui sont les cartes managers. Elles sont conçues pour réguler un certain nombre de dynamiques de groupe complexes et d’insinuer progressivement le fait que les cartes ont un rôle. Elles sont souvent polysémiques ou ambiguës, laissant leur interprétation relativement ouverte. Elles créent des relations entre les groupes, des batailles, des réorganisations. Il y a par exemple la carte sabotage industriel qui permet de tirer une carte appartenant à un autre groupe. Il existe des cartes qui permettent de bloquer ce geste de sabotage. Elles incitent souvent les groupes à ne pas trop s’attacher à leur première idée, et à accepter qu’il s’agisse d’un processus évolutif. C’est extrêmement stimulant, bénéfique et formateur de devoir reconstruire un projet réduit en cendres.

I.F. et B.R. : C’est intéressant de voir à quel point les cartes sont primordiales et futiles à la fois. C’est un peu comme dans la mise en scène, en théâtre, lorsqu’on donne une indication de jeu. Ce qui est important, c’est la manière avec laquelle l’acteur·ice l’intègre et la transforme.

D.S. : Oui, c’est pour cette raison que je critique autant la notion de « serious game » dans mes conférences. Une des forces du jeu, c’est qu’il est superficiel, éphémère, inutile. Il permet évidemment aussi de traiter de sujets sérieux, réels, complexes et tragiques. Mais une de ses forces, c’est qu’il donne accès à des espaces temporaires où l’on peut repenser les rapports, les potentialités, les règles. C’est une sorte de simulateur de possibles, un outil de spéculation. Et ce qui est important, c’est que ça ne prétend pas être la réalité. L’aspect fictif est nécessaire, même si on joue réellement, physiquement. Même si on s’engage à plusieurs niveaux dans le jeu, il y a un aspect non productif du jeu. Je trouve que c’est précisément sa force et c’est ce qui permet justement de réfléchir sur certaines situations du réel, même les plus complexes. J’aime particulièrement l’idée, développée par le théoricien du jeu Johan Huizinga, que lorsque nous commençons à jouer, nous créons une forme de cercle magique. Ce phénomène de création d’un espace magique donne la possibilité de choisir d’être à l’intérieur du cercle pour jouer, ou à l’extérieur pour regarder les gens jouer.

jeu de cartes DES
Jeu de cartes intégré au « Boot Camp » de la HEAD – Genève « Introduction au Media Design », en préparation pour ENIAROF #13 à Marseille, 2013. Atelier avec Antonin Fourneau, Xavier Righetti et Douglas Edric Stanley, et production de Daniel Sciboz. Photo : Douglas E. Stanley

 

Notes

  1. Dans son projet A Catalogue of Steps, DD Dorvillier a extrait des vidéos de son travail de 1990 à 2004 pour en faire une collection évolutive de fragments chorégraphiques. Ces fragments énumérés chronologiquement, au nombre de 300, durent de 10 secondes à 4 minutes et sont classés selon une taxonomie inventée qui identifie les sources de mouvement, les stratégies spatiales, les références stylistiques, les outils, les objets, pour former une série de cartes qui sont « jouées » lors de performances.
  2. Donald W. Winnicott, Jeu et réalité : L’espace potentiel, trad. Claude Monod, Paris, Gallimard, 2002.