Libraire du Consortium de Dijon conçue par Matali Crasset (2018)

Talking Heads – matali crasset

Le temps de la restitution

matali crasset est une designer admirée, connue pour ses nombreuses éditions avec des marques et pour ses commandes publiques. Lors de cette Talking Heads animée par Alexandra Midal, elle aborde les aspects plus souterrains et plus essentiels de son travail qui touchent à la question politique et au rôle du ou de la designer dans un monde abîmé. Entre un pas de côté qui nous fait entrer chez le voisin, une pensée de l’objet dans ses multiples couches de sensibilité et ce qu’elle nomme les « habitations de la restitution », qui sont des hypothèses de logements en relation directe avec l’environnement, elle transmet une idée du design comme point de médiation entre les êtres « sentants » et la nature.

Face à l’épuisement de la terre pillée à l’excès depuis la Révolution industrielle et loin du greenwashing et du néolibéralisme vert qui préservent surtout les ressources des nantis, être designer aujourd’hui, selon matali crasset, consiste avant tout à déconstruire le cycle qui régule la marchandise et sa consommation, et à agir face à l’ampleur des impacts environnementaux et sanitaires. À l’opposé des logiques de rendement objectivant les écosystèmes comme s’il s’agissait de ressources, et plaçant les êtres humains à leurs sommets, matali crasset repense son rôle de designer en s’engageant dans une réflexion sur la construction d’une société juste en harmonie avec les êtres sentants et la nature. Il est temps de rendre à la terre ce qu’on lui a pris.

Dès son projet de diplôme, l’emblématique colonne d’hospitalité «Quand Jim monte à Paris», matali crasset, défend un design à la croisée d’une pratique artistique, anthropologique et sociale. Depuis 30 ans, elle invente un parcours singulier, nourri des centaines de projets qu’elle a mené en architecture, en scénographie, en conception d’objets et de mobiliers, en concevant des espaces publics et des aménagements.

Ses réalisations déplacent le champ du design industriel vers un terrain de jeu vaste s’étendant de la scénographie au mobilier ou du graphisme à l’architecture intérieure. Ses œuvres sont exposées dans de nombreuses institutions culturelles en France et à l’étranger et figurent parmi les plus grandes collections de design, du MoMA de New York au Centre Pompidou à Paris.

matali crasset privilégie les expériences et les aventures humaines en établissant à chaque invitation des relations étroites avec ses commanditaires et leur écosystème. Elle prend le plus grand soin à mettre en valeur les talents locaux ou les ateliers des municipalités et à établir des relations fondées sur l’échange et le participatif. Chaque projet est une nouvelle situation qui exige de développer une méthodologie sur-mesure, d’inventer de nouveaux processus créatifs, le tout reposant sur des outils adaptés, pour réaliser une œuvre commune.

En structurant au fil des années sa méthodologie de designer-chercheuse, matali crasset déconstruit les conventions qui régissent notre quotidien, et le design, pour mieux s’en affranchir. Son œuvre s’est affranchie des limites des conceptions modernistes et patriarcales du design, pour s’employer à renouer le lien entre les êtres sentants et la nature brisée par la culture et les logiques industrielles.