Social networks as a space of representation
Abstract
As part of a course dedicated to the Theory of Representation, first-year Bachelor’s students in Interior Architecture provided chromatic analyses, or analyses of the programming and utilisation, of Tik Tok, Instagram, Pinterest, and their competitors as if they were buildings. Here we present extracts from these unusual diagnoses, which are based on the principle that interior architecture is now situated at the nexus between physical and mediated spaces, as taught by Javier Fernández Contreras, who is responsible for the course.
Text
L’architecture d’intérieur occupe une place centrale à l’intersection des espaces physiques et médiatisés tels que la communication de masse, les plateformes numériques et les publications. En effet, tout type de représentation peut potentiellement être considérée comme architecturale, qu’il s’agisse d’écriture, de photographie, de jeux vidéo ou encore de cinéma. Dans ce contexte, le cours de Bachelor Théorie de la représentation se concentre sur les intérieurs contemporains en tant que plateformes de « médias élargis », attestant du rôle de l’architecture d’intérieur dans la construction de la contemporanéité. Le cours propose trois axes d’étude sur la relation entre espace et médias : les réseaux sociaux, les jeux vidéo et l’intelligence artificielle.
Concernant les réseaux sociaux, chaque groupe de travail a analysé les espaces intérieurs archétypiques des plus grandes plateformes : Instagram, Pinterest, Twitch, TikTok, YouTube, et Twitter. Chaque présentation a porté sur plusieurs critères, tels que les dix comptes les plus suivis au monde, les 30 publications les plus likées ou suivies de 2022 et les types d’espaces représentés (intérieurs/extérieurs). Les participants ont également quantifié les horaires prédominants (jour, nuit, horaire inconnu), indiqué le programme des espaces (appartements, hôtels, transports, bureaux, paysages, etc.), s’il y avait des typologies « invisibles » comme les prisons ou les cimetières, le type de personnages présents (humains ou non-humains, etc.) et le nombre de personnages par image/vidéo (maximum, minimum). Enfin, la palette chromatique et d’autres critères ont également été pris en compte.
Les étudiant·exs ont créé des tableaux de 10 × 30 pour étudier chaque critère dans les images. Pour les vidéos, ils ont suivi les méthodes décrites par Lev Manovich dans son chapitre « Methods of Media Visualisation ». Cette analyse a permis de mieux comprendre les représentations architecturales sur les réseaux sociaux et leur impact sur la société contemporaine.
Javier Fernández Contreras
À partir des dix comptes les plus suivis d’Instagram, Soheil Afzali a analysé les modes de représentation du réseau social en images. Extraits de son compte-rendu et explications en groupe avec Aline Blanc et Viola Bissegger:
« Sur les dix comptes Instagram les plus suivis que nous avons prise en compte, nous avons été marqués par la différence très prononcée entre les genres. Les femmes montrent leur corps dans un rôle généralement passif, même si elles ont des carrières de chanteuses, alors que les hommes montrent plutôt leurs activités physiques en salle de sport ou sur un terrain de foot. Cela s’explique notamment par le fait que ces femmes vantent souvent des marques de cosmétiques dont elles se font l’ambassadrice sur leurs comptes. Il est cela dit triste de voir les stars d’Instagram reproduire les stéréotypes qu’on essaie de casser.
Ces rôles genrés se matérialisent par ailleurs par une prépondérance des images en intérieur pour les femmes, alors que les hommes se représentent plus volontiers à l’air libre. Quand ils sont investis par les femmes, les espaces extérieurs sont synonymes de vacances, de loisirs, de détente. La palette de couleur des posts les plus likés suit toujours cette dichotomie avec une dominante des teintes nude, rose et pastel pour les femmes, tandis que chez les hommes, en l’occurrence deux footballeurs et un acteur-catcheur, ce sont souvent les teintes de leur maillot en équipe nationale qui dominent les images.
De manière intéressante, la scénographie de l’espace et les tons des photos semblent toujours faire une référence implicite aux marques des personnalités, même quand les produits n’en sont pas le sujet. Au niveau du succès des posts, on remarque que ce sont toujours les images relevant du « privé », du type de la photo des mains des enfants de Kylie Jenner, qui récoltent le plus de likes, et cela même pour un sportif comme Cristiano Ronaldo.
Comme Instagram est un réseau qui agrège tout ce qui fonctionne ailleurs, comme les stories de Snapchat ou les reels de TikTok, il faudrait aussi prendre en compte ces éléments pour avoir un aperçu plus précis des types de représentations diffusées par le réseau. L’exercice permet déjà de développer des outils d’analyse et de voir comment un média et ses codes formatent notre perception. »
Twitch
Noémie Castella, Charlène Claveria et Lisa Divorne se sont penchées sur la plateforme Twitch. Elles ont produit un diaporama qui analyse l′évolution de l’interface et l′environnement des dix comptes les plus suivis. Extraits et explications:
« Twitch est une plateforme de livestream où la plupart des utilisateur·trices jouent à des jeux en direct comme League of Legends, le plus populaire, ou Fortnite, très pratiqué par les streameurs les plus regardés. L’interface n’a pas fondamentalement changé au cours des années ; elle se présente en deux parties, l’une où l’on voit le·a joueur·euse et l’autre consacrée au chat et à l’interaction avec les visiteur·euses ponctuées par de nombreux émoticons. Les hommes sont largement surreprésentés parmi les dix comptes les plus suivis, puisqu’on n’y trouve qu’une femme en 10ème position.
Deux modèles se dessinent avec d’un côté des personnes qui se filment dans un décor neutre peu travaillé et immuable, et de l’autre des personnes qui décorent leur fond en exhibant des figurines, des affiches, etc. Comme la caméra est fixe, ces détails deviennent rapidement très signifiants. On remarque que les streameurs qui soignent leur décor ont une approche souvent plus « people » de Twitch. Leurs personnages et pas uniquement leurs compétences de joueur·euses sont mis en valeur. Cette attention au décor devient primordiale dans les « subathon », c’est-à-dire des livestream qui se poursuivent tant que la personne engrange de nouveaux abonné·es. Ce réseau social s’avère très lucratif car les utilisateur·trices gagnent de l’argent quand ils font croître leur nombre d’abonné·es.
Au niveau des couleurs, on remarque une forte dominante des rétroéclairages, des filtres violets, des teintes nocturnes, qui s’associent parfois à des cheveux bleus pour créer une ambiance artificielle. »
Lucie Terranova, Noémie Tshala et Matteo Verrillo ont ausculté les gazouillis de Twitter, un réseau qui se prête moins facilement aux théories de la représentation en raison de sa dimension plus textuelle. Extraits de leurs recherches et commentaire :
« Contrairement à l’idée qu’on peut se faire de Twitter, c’est la photo qui domine parmi les comptes les plus suivis. Il existe une grosse différence entre la communauté des personnes lambda et les personnalités qui mettent surtout des images en avant sur ce réseau social plutôt orienté texte à l’origine. Le contenu des dix comptes les plus suivis apparaît peu intéressant au regard des discussions sur l’actualité qui peuvent émailler Twitter. Certains utilisateurs comme Cristiano Ronaldo s’éloignent même complètement du concept de Twitter en postant des photos avec du texte dedans qui sont en fait des copiés-collés d’Instagram !
Cela dit, la dimension informationnelle subsiste tout de même, avec par exemple Rihanna qui poste une image annonçant sa participation au Super Bowl. Parmi les personnes les plus suivies on trouve également des hommes politiques comme Barack Obama. Nous avons remarqué que celui-ci publie du contenu à heures fixes, quand les gens vont au travail ou en reviennent.
Notre analyse a consisté à filtrer les tweets selon leur catégorie, texte ou image, puis selon leur thème : politique, promotion, portrait, actualité, etc. De manière générale, nous avons remarqué une grande diversité : Twitter est un réseau moins standardisé que les autres, avec certainement une politique de modération des contenus moins strictes que ses concurrents. »