BH mon amour

Formerly scattered over several buildings in Geneva, the HEAD – Genève has now regrouped the majority of its activities on a new campus in the Châtelaine district. In 2021, the Visual Arts department in particular moved out from its historic building next to the Musée d’Art et d’Histoire on the Boulevard Helvétique – commonly known as BH – to a new site. A few weeks before its departure from these emblematic premises, covered with patina and graffiti, Michael Jakob was there to interview its users: ushers, cleaning staff, students, and teachers, who testified to their attachment to the charismatic space. The video that he created, which can be viewed here, pays homage to the venerable building as much as to the creative energy that was exercised there.

Les institutions, tout comme les personnes, sont ancrées dans des lieux qui leur confèrent une identité. Un seul bâtiment peut prendre dans ce contexte une qualité « mythologique » (dans le sens moderne du terme), devenant au fil du temps le repère esthétique et spatial de ses usagers. Le bâtiment du Boulevard Helvétique appartient à cette catégorie d’objets « vivants » présents dans l’imaginaire individuel et collectif de plusieurs générations d’étudiant·exs, d’enseignant·exs et de représentant·exs du personnel administratif. Pour elleux, le « BH » n’est ni une adresse, ni un container vide, mais un territoire exploré et habité. D’où, évidemment, le sens de perte et la mélancolie foncière, une fois que cet édifice et tout ce qu’il représente a été rayé de la carte des lieux appartenant à l’univers HEAD (et, anciennement, à l’univers des Beaux-Arts). Préparer le film que nous avions pensé, traverser le bâtiment du bas vers les hauteurs, le parcourir, le découvrir avec des guides enthousiastes, qui connaissaient chaque recoin, faire raconter les personnes et les choses, retourner sur place – toutes ces activités nous ont permis de pénétrer un monde, au point que l’on aurait souhaité élaborer notre film à la façon d’un jeu oulipien du genre : « tentative d’épuisement d’un lieu inépuisable ». On sait la charge émotionnelle du regard en arrière, le regard tourné vers quelque chose qui disparaît à tout jamais, alors que, il y a quelques instants, on y était encore, corps et âme. Grâce au témoignage généreux de celles et ceux que nous avons rencontré (de manière non-hiérarchique et souvent aléatoire), nous avons – c’est là, au moins, notre conviction – gardé à travers ce dernier regard un bout d’une histoire dense, complexe et tout à fait digne d’être inscrite dans la mémoire d’une institution qui, comme toute institution, doit compter aussi avec ce genre de mutabilité et de changement radical.