The necessity of new communication model in the intergenerational educational space

The meme formed with the phrase “Ok Boomer” epitomises a generation gap that has opened up in recent years. On the one hand, there are Millennials and Gen Zers looking for social justice, who are able to sum up a complex situation in a devastating viral image. On the other hand, Boomers and GenXers are seen as the main representatives of power structures responsible for inequalities and ecological disasters. The breakdown of dialogue manifests itself at all levels of our societies, and especially in a school where these generations meet in asymmetrical positions. Nayansaku Mufwankolo, professor and delegate for inclusiveness at the HEAD – Genève, looks back at this dichotomy, putting forward some ideas for bringing the generations together.

Ce discours1 s’articule à partir des études culturelles et par conséquent d’un champ qui s’intéresse et examine les dynamiques politiques de la culture contemporaine et de ses fondements historiques. Cela signifie que je m’intéresse à la manière dont les pratiques culturelles participent au maintien de systèmes de pouvoir hégémoniques ainsi qu’à la manière dont les différents phénomènes sociaux opèrent à travers ces derniers.

Ces systèmes comprennent des axes tels que la race sociale, la classe, l’orientation sexuelle et romantique, le genre, les générations, la capacité, l’écologie, etc. En ce sens, il y a un ensemble d’éléments fondamentaux qui fonctionnent sur un niveau macro qui, certes, dépasse notre institution, mais qui l’englobe. Dès lors, en suivant cette logique, l’institution est à envisager comme le niveau micro. Cette articulation est importante, car elle a conduit à la création du poste novateur et inédit que j’occupe de déléguéx à l’inclusivité. Je le fais aussi dans un souci d’inclusion des personnes invitées externes à l’école et présentes aujourd’hui.

Nous avons été témoins et acteu·tricexs, ces cinq dernières années, de nombreux mouvements sociaux s’opposant principalement aux violences systémiques tels que le racisme, le cissexisme, l’homophobie, le capitalisme, l’écocide, etc. Ces mouvements reflètent les préoccupations contemporaines, mais surtout celles des nouvelles générations particulièrement sensibles aux oppressions politiques. On voit ainsi naître de nouvelles exigences éthiques que ce soit sur les lieux de travail ou dans les foyers, qui appellent à une responsabilisation individuelle et collective face aux inégalités, oppressions et violences systémiques.

Ces phénomènes sociaux se caractérisent par des mobilisations virtuelles importantes qui se font sur les réseaux sociaux utilisés en grande majorité par les nouvelles générations qui ont appelé massivement à prendre la parole, se positionner, relayer des informations, s’organiser et à manifester dans les rues. Ces derniers représentent les moyens de communication les plus utilisés depuis les années 2000, en particulier par les nouvelles générations, à l’instar des Millenials et des GenZ, lesquelles se mobilisent particulièrement sur leurs plateformes de prédilection. Les réseaux sociaux sont utilisés lors de phénomènes sociaux pour appeler à prendre part massivement à prendre la parole, se positionner, relayer des informations, s’organiser et à manifester dans les rues, créant ainsi un espace commun virtuel de mobilisation sociale.

On peut ainsi observer un changement paradigmatique par rapport aux précédentes générations des Boomers et GenXers dans les modes de communication utilisés. Ce changement prend racine en grande partie dans les moyens de communication et de diffusion, lesquels contribuent à visibiliser des thématiques oubliées, ou négligées des médias. Un plus grand nombre de personnes est ainsi touché et sensibilisé. Il est certain, je pense, que la pandémie de Covid19 a eu pour effet un ralentissement considérable du rythme de vie dans les espaces extérieurs (travail, école, etc.) ce qui a également joué un rôle clé sur notre vision du monde pendant cette période. L’équilibre entre espace extérieur et intérieur a été bousculé lors du semi-confinement, laissant plus de place aux espaces virtuels.

L’exigence d’inclusivité des institutions

Dans cette logique de mobilisations virtuelles, de nombreuses institutions culturelles et artistiques ont été pointées du doigt par ces nouvelles générations, lesquelles leur reprochent leur participation au maintien de structures de pouvoir et leur manque d’implication dans la justice sociale. Le poste que j’occupe a été donc créé dans ce contexte, car l’institution n’a pas fait exception et il a été demandé qu’elle repense sa contribution dans la perpétuation de ces structures de pouvoir. C’est notamment suite aux manifestations du mouvement Black Lives Matter (BLM) de l’été 20202 qu’un groupe de réflexion s’est formé à la HEAD, pour répondre à la lettre écrite et signée par les étudiant·exs, alumna, assistant·exs, artistes invité·exs et professeur·exs. Depuis ma prise de fonction en septembre 2021, mon travail concernant l’inclusivité s’est articulé autour de différentes actions qui ont pour but de construire, avec l’appui et le soutien du groupe de pilotage, une politique institutionnelle inclusive des minorités politiques. Parmi celles qui nous intéressent, je cite :

– La permanence que je tiens qui a été créée pour permettre un contact anonyme au sein de l’institution qui peut servir à alerter ou à signaler des cas de discriminations. En une année, il m’a été signalé des propos, commentaires ou blagues déplacées et discriminatoires à l’égard des minorités politiques entendus dans différents contextes, pédagogiques ou autres qui ne sont que le reflet des problématiques évoquées auparavant.

Cette permanence a été également sollicitée pour des médiations, ou pour trouver des ressources en lien avec des problématiques de santé mentale.

– Les formations continues des collaborateuricexs par des personnes concernées qui visent à les outiller pour mieux comprendre les mécanismes discriminatoires complexes à l’œuvre de manière explicite et implicite dans nos sociétés, nos lois, nos discours, nos interactions et notre institution.

– Les séminaires d’introduction aux théoriques critiques ainsi que d’introduction à l’intersectionnalité. Ces enseignements visent à transmettre aux élèves des connaissances, et surtout un esprit critique prenant en compte les questions de genre, de race, de classe, à travers les études genre, la Queer Theory, les études postcoloniales et décoloniales. Ces séminaires donnent aux étudiant·exs un terrain théorique critique, et entre en résonance avec les préoccupations contemporaines actuelles qui les concernent.

Tout ceci n’est pas sans lien avec la question qui nous occupe aujourd’hui qui est de savoir « comment favoriser un espace pédagogique propice au dialogue ? ». Avant de pouvoir répondre au comment, il faut commencer par identifier les acteur·tricexs de l’espace pédagogique qui participent à cette conversation. L’espace pédagogique est aujourd’hui composé de différentes générations. Nous avons entre deux à trois générations qui se côtoient, et dialoguent fréquemment, et plus largement quatre générations qui coexistent et co-travaillent dans l’institution. La question des générations est fondamentale dans la compréhension de la communication intergénérationnelle, je rappelle que la théorie des générations consiste à identifier les caractéristiques d’un individu, qui le rendent représentatif d’un certain groupe ou d’une certaine génération (Strauss et Howe, 1991). Il s’agit donc d’identifier les éléments communs, ainsi que ceux qui créent de la différence. Une génération se réfère à un groupe de personnes nées au cours d’une certaine période d’années. Ces personnes partagent des caractéristiques socioculturelles communes et distinctes qui sont façonnées par leurs expériences communes à travers le temps (Mannheim 1952, Marias, 1970). Il s’agit ici autant de préoccupations contemporaines que d’évènements historiques qui ont influencé leur évolution durant leur développement vers l’âge adulte3

Culture digitale

À ce jour, les générations des Boomers et des GenXers sont les plus documentées, elles constituent actuellement la majorité du corps enseignant, et administratif. La génération des Millenials est en cours de documentation depuis une dizaine d’années. Actuellement, une partie de cette génération compose les équipes pédagogiques, le corps enseignant ou intermédiaire, les adjoint·exs, et une autre partie beaucoup plus minoritaire, est présente dans le corps estudiantin généralement en Master.

La catégorie générationnelle qui nous intéresse ici est celle de la GenZ qui compose la grande majorité du corps estudiantin. Je tiens à préciser que ma démarche ne vise pas à généraliser et essentialiser cette génération à travers les quelques points qui seront évoqués. Cette catégorie générationnelle est en cours d’étude et nous avons encore peu de recul en tant que chercheureusexs en sciences humaines pour proposer des analyses complètes. Dans cette présentation, il sera surtout question de visibiliser et conscientiser certaines spécificités socioculturelles de cette génération qui je l’espère permettront d’élaborer une cohabitation plus harmonieuse dans les échanges et dialogues dans nos espaces pédagogiques. Il est question de tenter de réinstaurer un contrat de confiance entre les générations, les étudiant·exs, assistant·exs et enseignant·exs. Cette rupture de confiance, et de communication n’est pas propre à la HEAD et se retrouve à d’autres échelles dans notre société, car cet état de fait est symptomatique du climat général contemporain et par conséquent de ce qui se passe au niveau macro, expliqué précédemment.

Les GenZ sont les véritables digital natives, car ce sont celleux qui n’ont pas connu le monde sans technologie numérique et qui ont grandi autour d’internet et des technologies digitales. Ces dernières ont largement influencé la manière de communiquer et d’interagir avec l’environnement, car iels vivent littéralement en ligne. Il s’agit d’une génération dont les individus ont grandi avec un accès plus immédiat à internet et ses ressources, aux informations et aux médias sociaux qui sont les moyens privilégiés de communication. La plupart des interactions sont passées du face-à-face aux environnements numériques, ce qui a permis aux membres de cette génération d’exceller dans la représentation de situations complexes réduite en une image ou une expression argotique comme c’est le cas avec la meme culture.

« Les technologies liées à l’internet ont radicalement modifié la vitesse, l’échelle et la portée des communications humaines, entraînant des changements importants dans la façon dont les gens travaillent, jouent, font des achats, trouvent des amis et apprennent à connaître d’autres personnes4».

Iels sont une génération avec une abondance d’information à portée de main ce qui leur permet d’élargir leurs connaissance et d’être proactif·xves dans leur apprentissage que ce soit à travers des tutoriels YouTube, applications d’apprentissage, Wikipedia, ou autre.

Il y a une valorisation de la diversité et des responsabilités. En effet, étant néexs dans un monde plus globalisé que les générations précédentes, iels sont plus susceptibles d’avoir grandi dans des structures familiales plus diversifiées sur le plan racial et ethnique (Fry et Parker, 2018). Il y a de réelles attentes et exigences à ce que la diversité soit la norme à tous les échelons institutionnels. Par ailleurs les médias sociaux leur ont permis d’exprimer leurs opinions à plus grande échelle sur des questions politiques et socioculturelles avant d’avoir atteint l’âge de voter5 ce qui amène à une politisation plus précoce et globalisée. Il y une réelle exigence vis-à-vis des générations précédentes concernant les préoccupations du monde actuel et de leurs responsabilités dans cet état de fait, et de la nécessité de transparence.

Il est important de garder à l’esprit qu’Iels ont grandi dans des sociétés hyperconnectées et mondialisées où les réseaux sociaux, les médias, et l’accès en continu aux informations font que beaucoup d’entre eux ont intériorisé l’agitation publique environnante concernant les inégalités, les violences policières, la crise migratoire, ou encore le changement climatique et l’inhabilité de la Terre. Tout ceci participe à l’augmentation des niveaux de stress et d’anxiété pour nous touxtes, mais en particulier pour les générations plus jeunes.

Il y a également une sensibilité particulière à la santé mentale dans cette génération et celle qui la précède. Les informations portant sur ce sujet sont plus accessibles qu’auparavant, ce qui participe à rendre ces questions moins taboues. Les personnes de la Génération Z ont également plus accès à des ressources et soins de santé mentale.

Hiérarchie des valeurs morales distinctes

Nous vivons effectivement dans un contexte contemporain mondialisé et agité où chaque évènement est retransmis à grande échelle, on peut observer une crise systémique globale, une remise en question totale des structures politiques qui ont prévalu jusqu’ici dans les récits, les discours, les fictions, etc. Cette remise en question traduit un sentiment partagé d’une forme d’échec envers les minorités politiques ou l’environnement. On peut faire un parallèle entre la décrépitude des systèmes hégémoniques de pouvoir dont la légitimité est de plus en plus critiquée, et contestée, et l’écart entre les générations des Boomers et la génération X avec celles des Millenials et de la génération Z.

Une grande majorité de mes constats fait état d’une rupture de dialogue et de confiance au sein de l’espace pédagogique laissant davantage place, comme j’ai pu en être témoin, à de la méfiance et également de la souffrance de part et d’autre. D’un côté des étudiant·exs qui s’emparent de leur moyen de communication de prédilection que sont les médias sociaux pour s’informer, dénoncer, relayer et partager leurs préoccupations politiques, et d’un autre côté les enseignant·exs, appartenant aux générations antérieures, qui n’ont pas les mêmes références et sensibilités aux problématiques contemporaines. Dans cet écart générationnel on peut observer une hiérarchie des priorités et valeurs morales très distincte où les définitions de notions majeures comme le respect, la dignité ou encore la liberté ont également évolué ce qui fait que pour une même notion nous n’avons pas la même représentation, ni les mêmes attentes.

Faire partie du changement

Il y a une réelle demande des étudiant·exs d’avoir des contenus pédagogiques qui reflètent davantage les préoccupations socioculturelles contemporaines. Cette demande n’implique pas l’abolition des canons et/ou thématiques abordées dans les syllabus, mais d’une réactualisation des contenus et la création d’un dialogue pour faire place aux thématiques émergentes qui intéressent les étudiant·exs. Les préoccupations des nouvelles générations se reflètent dans leur pratique et leurs questionnements théoriques concernant la question de durabilité, de pratiques/discours situées, les problématiques liées à la race sociale, le genre, d’identités culturelles, etc. Ce besoin de renouvellement du contenu est représentatif des échanges, des glissements qui s’opèrent entre les niveaux macro et micro qui ont été abordés, et de cette exigence d’une mise à jour qui doit se faire également dans le dialogue. Dans la perspective de mettre à jour les contenus pédagogiques, il y a l’attente de ne plus reproduire des oppressions discursives, et fictionnelles dans les contenus pédagogiques comme cela a pu être le cas avec l’invisibilisation des auteur·tricexs issu·exs de minorités politiques.

Avec ces constats faits, une question semble dès lors s’imposer qui est de savoir comment prendre en considération les différences pour instaurer à nouveau un cadre pédagogique bienveillant et respectueux d’autrui dans les différences sans reproduction des structures de pouvoir. Il est à mon sens nécessaire de couper la poire en deux et que les efforts soient consentis pour se retrouver à mi-chemin. Pour améliorer le dialogue intergénérationnel, on peut considérer principalement les éléments suivants : l’éthique, la justice sociale, et la prise de responsabilité individuelle et collective. Les générations Z et Millenials ont des attentes non négociables en ce qui concerne la justice sociale, la visibilisation et la légitimisation des minorités politiques et la remise en question de dogmes oppressifs. Au-delà de ces générations, ce sont des sujets contemporains à prendre en considération pour faire partie du changement, améliorer notre société, et participer au bien commun intergénérationnel.

Bibliographie

Bahuaud M., Pecolo A., « L’approche générationnelle de la communication : placer les publics au cœur du processus ». Âges et génération : la communication revisite ses publics, n°40, 2011 : 5-18.

Bahuaud Myriam et Pecolo Agnès, « De la segmentation à la confusion des âges : stratégies marketing et approches générationnelles des publics »  2010.

Fry, R., Parker, K. « Early Benchmarks Show ‘Post-Millenials’ on Track to Be Most Diverse, Best-Educated Generation Yet.” PEW Research Center, Nov. 15, 2018. https://www.pewresearch.org/social-trends/2018/11/15/early-benchmarks-show-post-millennials-on-track-to-be-most-diverse-best-educated-generation-yet/

Hummel C., Hugentobler, V., « La construction sociale du « problème » intergénérationnel », Gérontologie et Société, n°123, vol. 3, 2007.

Katz, Roberta. Interview by Melissa De Witte, Melissa. Stanford, January 3, 2022. https://news.stanford.edu/2022/01/03/know-gen-z/

Mannheim, Karl (1952), “The Problem of Generations,” in Essays on the Sociology of Knowledge, ed. Paul Keczkemeti, New York: Oxford Univ. Press, 276-322.

Marias, Julian (1970), Generations: A Historical Method, University, AL: University of Alabama Press.

Schwieger, D., Ladwig, C. (2018). Reaching and Retaining the Next Generation: Adapting to the Expectations of Gen Z in the Classroom. Information Systems Education Journal, 16(3) pp 45-54.

 

Notes

  1. L’article suivant est une retranscription de la présentation que j’ai donné au conseil de direction ainsi qu’aux responsables d’orientations et d’options lors de la journée de réflexions le 12 septembre 2022 où j’ai proposé une analyse de la problématique de la communication intergénérationnelle à partir du point de vue des études culturelles.
  2. Les manifestations ont eu lieu suite à l’assassinat de George Floyd commis par le policier Derek Chauvin le 25 mais 2020 à Minneapolis.
  3. Dans notre institution les 4 communautés générationnelles sont les suivantes : les Boomers (1946-1964), les GenXers (1964 – 1980), les Millenials (1981 -1995), les Gen Z (1996 – 2012).
  4. Katz, Roberta. Interview by Melissa De Witte, Melissa. Stanford, January 3, 2022. https://news.stanford.edu/2022/01/03/know-gen-z/: “Internet-related technologies have dramatically changed the speed, scale and scope of human communications, resulting in significant changes in how people work, play, shop, find friends and learn about other people.”
  5. Bien évidemment pour les personnes qui ont le privilège de pouvoir le faire.